Salariés précaires : vers une aide à la souscription d'une mutuelle ?

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Bientôt une vraie complémentaire santé accessible à tous ? Alors même que la mutuelle d'entreprise devient obligatoire pour tous les salariés à compter du 1er janvier 2016, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 (PLFSS 2016) s'intéresse à la situation particulière des travailleurs précaires et en contrat à durée déterminée. Dans quelles conditions ces derniers, qui jonglent souvent entre plusieurs employeurs ou des périodes d'emploi et de chômage, pourront-ils bénéficier d'une complémentaire santé viable ? L'idée d'une aide financière compensatoire versée par l'employeur ou d'un « chèque santé » semble actuellement faire son chemin, même si les détails restent encore flous.

Mutuelle obligatoire et salariés précaires : des complications multiples

La généralisation de la mutuelle d'entreprise à tous les salariés, à l'horizon du 1er janvier 2016, souffre d'un défaut majeur : la mesure a été pensée avant tout pour les salariés bénéficiant d'un CDI et à temps plein. Les travailleurs recrutés dans le cadre d'un CDD ou d'un temps très partiel pourraient quant à eux faire face à certaines difficultés pratiques. Tel est du moins le constat qui apparaît dans l'exposé des motifs du PLFSS 2016. En se liant ainsi à l'employeur pour sa couverture santé, un travailleur précaire dont le contrat ne serait pas renouvelé court notamment le risque de devoir changer rapidement d'organisme assureur, sans avoir forcément la garantie de trouver une mutuelle qui accepte de le dépanner pour une courte durée dans l'attente d'un nouveau contrat de travail. Les entreprises, dans l'acte juridique qui prévoit les modalités de mise en œuvre de leur mutuelle, peuvent certes prévoir des cas de dispense d'adhésion pour les titulaires d'un CDD de moins d'un an. Cela n'est cependant pas toujours le cas, si bien qu'un salarié employé dans plusieurs entreprises pourrait théoriquement être amené à cotiser plusieurs fois en pure perte. Un salarié en situation précaire qui aurait le choix de ne pas adhérer reste de toute manière perdant par rapport à ses collègues : il ne bénéficie alors plus de la contribution de l'employeur à sa complémentaire santé (au moins 50 % du montant total). S'il souhaite quand même se protéger, il s'agira pour lui de souscrire une mutuelle individuelle, entièrement à ses frais.

Vers une aide financière individuelle

Les complications liées à l'application de la mutuelle obligatoire pour les travailleurs précaires ont été soulevées par de nombreux professionnels et institutions, dont le CTIP. C'est sans doute pour cette raison que, dans le PLFSS 2016, le gouvernement semble s'orienter vers la solution plus simple : à défaut d'adhérer à la mutuelle de son entreprise, le salarié pourrait solliciter en lieu et place « une aide individuelle de l'employeur destinée à l'acquisition d'une complémentaire santé ». Le montant de l'aide financière, en toute logique, devrait être égal au montant que l'employeur aurait dû payer si le salarié avait adhéré à la mutuelle d'entreprise. Il devrait donc fluctuer en fonction de différents critères tels que la durée hebdomadaire de travail ou la durée du contrat. L'aide versée par l'employeur ne pourra se cumuler avec aucune autre aide à l'acquisition d'une complémentaire santé, dont notamment l'aide au paiement d'une complémentaire santé (ACS), ni avec le bénéfice de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). De même, le salarié précaire ne pourra pas prétendre à cette somme s'il est déjà considéré comme ayant-droit d'un autre assuré social (c'est-à-dire déjà couvert par la mutuelle d'un parent, d'un conjoint…).

Les contours de la mesure sont encore flous

La forme exacte du coup de pouce accordé par l'employeur n'est pas encore définie avec certitude. Il pourrait tout simplement s'agir d'un complément de salaire, qui se traduira par une ligne supplémentaire sur la fiche de paie : dans ce cas, le salarié resterait libre de dépenser la somme pour sa couverture santé ou à des fins entièrement discrétionnaires. Cependant, l'hypothèse d'un « chèque santé » a également été évoquée. Ce chèque, par principe, ne pourrait être utilisé qu'auprès d'une mutuelle : il serait donc plus conforme à l'esprit de la loi, qui vise à étendre au maximum la population couverte par une complémentaire santé. Au-delà, quelques détails continuent à inquiéter certains professionnels du secteur : comment assurer une juste répartition de l'effort entre employeurs lorsque le salarié est employé dans deux entreprises, voire davantage par exemple ? Cette difficulté pourrait être assouplie par l'article 22 du PLFSS 2016, qui permet justement de régler cette question dans différentes entreprises du même secteur d'activités par un accord de branche.

Mutuelle seniors : une transition tarifaire plus douce après la retraite ?

Une autre disposition du PLFSS 2016 s'intéresse au cas des nouveaux retraités. Ces derniers, jusqu'à présent, ont la possibilité de souscrire une nouvelle mutuelle spécialisée dans les besoins des seniors (ce qui est la solution la plus recommandée) ou de conserver leur ancienne mutuelle d'entreprise, à un tarif ne dépassant pas 150 % de celui qu'ils payaient lorsqu'ils étaient encore en activité. Même plafonnée à 50 %, la hausse soudaine de la complémentaire santé restait difficile à gérer pour de nombreux retraités. Le projet de loi en cours de discussion envisage donc de rendre la transition moins abrupte : l'augmentation maximale restera bien de 50 %, mais ne pourra être atteinte que progressivement au bout d'un délai compris entre trois et cinq ans.