Rejet volontaire de gaz dans l'atmosphère : Engie accusée

Mis à jour le
minutes de lecture

Un rejet de plusieurs milliers de mètres cubes : de quoi s'agit-il ?

Ce rejet de gaz dans l'atmosphère est appelé la "mise à l'évent". Cette opération est effectuée lorsque des interventions doivent avoir lieu. En effet, afin d'éviter tout accident, d'explosion entre autres, on laisse le gaz s'échapper du réseau.

Ici, c'est une filiale d'Engie qui est visée, Storengy, car une vidéo a été révélée sur une mise en évent. Un ancien employé de l'enseigne ayant voulu rester anonyme a témoigné. "Ce sont des milliers et des milliers de mètres cubes qui partent avec les petits oiseaux, la consommation d'un village entier" qui part en une seule fois. "On aurait pu en prendre au moins les deux tiers, les remettre sur le réseau. Nous, on disait 'on gâche', et eux disaient, 'non, on gagne du temps'. Et le temps, c'est de l'argent".

Selon le directeur industriel de Storengy, Alain Caracatzanis, "l'entreprise travaille sur des solutions pour limiter les émissions lors de ces interventions, et les mises à l'évent ne sont effectuées que lorsqu'elles sont absolument nécessaires, pour des raisons de sécurité".

Rejet de gaz dans l'atmosphère, quels sont les impacts ?

https://twitter.com/RMCinfo/status/1501446879506313218?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1501446879506313218%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Frmc.bfmtv.com%2Factualites%2Feconomie%2Fconso%2Fdes-centaines-de-milliers-de-metres-cubes-de-gaz-gaspilles-par-une-filiale-d-engie_AV-202203090192.html

Economiques

Alors que la France, comme les autres, entame une longue période d'investissements pour le climat, l'impact économique de cette pratique est notable.

Selon ce même ancien salarié, une grande partie de ce gaz aurait pu être récupéré et réinjecté dans le réseau. Il était intervenu pour dénoncer la pratique. Pour l'enseigne en revanche, la "première préoccupation est que nos salariés travaillent en toute sécurité".

De fait, un chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement vient donner sa réaction sur le sujet. Il a notamment publié une étude sur ces "fuites" de méthane qui sont issues de l'industrie gazière. Mais le méthane est très dangereux et polluant, il a un impact nocif très important sur le climat. Pour lui, les témoignages des salariés de l'enseigne prouvent que ces "fuites" ne sont pas accidentelles. "Cela évite de faire des dérivations, à capturer le gaz. On va vite, on ouvre les vannes, on répare, on referme, c'est très efficace. On perd des milliards de dollars chaque année parce qu'on perd le gaz et qu'on se crée des coûts en changement climatique".

Pour Storengy, c'est approximativement 2.5 millions de mètres cubes de gaz qui partiraient ainsi chaque année. Gaspillés, ils seraient en capacité de chauffer plusieurs milliers de ménages.

"Cela évite d'avoir à faire des dérivations, à capturer le gaz, on va vite, on ouvre les vannes, on répare, on referme, c'est très efficace. On perd des milliards de dollars chaque année parce qu'on perd le gaz et parce qu'on se crée des coûts en changement climatique. C'est un gaz réchauffant qui est très grave donc c'est vraiment une action climatique qui est terrible et absolument pas nécessaire. Ce sont des pratiques historiques qui doivent changer et on n'a toujours pas mis en place les régulations pour que ça change"

Climatiques

Selon ce même chercheur, Thomas Lauvaux, "c'est un gaz réchauffant qui est très grave, donc c'est vraiment une action climatique qui est terrible […]. Ce sont des pratiques historiques qui doivent changer. Et on n'a toujours pas mis en place les régulations pour que ça change". Il considère le méthane comme trente fois plus polluant que le CO2, et trente fois plus réchauffant pour la planète.

En effet, un ancien salarié vient confirmer anonymement aux micro de RMC qu'il savait "que c'était mal ce [qu'il faisait]. Le soir, [il rentrait chez lui et il voyait] les infos sur le réchauffement climatique, alors forcément, la conscience travaillait beaucoup. C'est honteux de laisser faire ça. On parle d'urgence climatique, mais l'entreprise elle ne parle pas d'urgence, elle parle de bénéfices".

gazoduc

Rejet de gaz dans un climat tendu

Alors que la période se prête à l'inquiétude quant à la dépendance de l'Europe vis-à-vis du gaz russe, cette "découverte" de RMC monte sur les devants de la scène, venant alourdir le climat tendu avec les impacts de la guerre en Ukraine.

Cette pratique n'a cependant rien de nouveau et est généralisée dans l'industrie gazière. En effet, ce rejet de gaz dans l'atmosphère est dénoncé depuis des années par des associations. C'est en 2014 qu'a été imposé aux entreprises de "prendre toutes les dispositions de leur ressort pour limiter les purges de gaz à effet de serre". En revanche, aucune sanction n'a été mise en place en cas de non-respect de cet arrêté. Il n'existe pas non plus de plafonnement pour l'émission de méthane. De fait, cette pratique est-elle illégale ?

En pleine crise de l'énergie où de nombreux pays se retrouvent pris en étau, l'indignation face à cette pratique grandit.

Plusieurs rejets de gaz décelés

A l'heure actuelle, des chercheurs ont réussi à cartographier des fuites majeures de méthane. La plupart d'entre elles semblent venir de l'exploitation d'hydrocarbures. Ces "panaches" de gaz pouvant s'étendre sur des centaines de kilomètres et relâcher jusqu'à plusieurs centaines de tonnes par heure. L'équipe de scientifiques chargée de l'étude explique qu'il peut "s'agir de rejets accidentels (via gazoduc, etc.) ou liés à des opérations de maintenance, qui conduisent à des fuites très importantes".

Cette étude publiée dans la revue Science implique des chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies (CEA). Si ces diverses fuites étaient colmatées, cela pourrait représenter jusqu'à plusieurs milliards de dollars d'économies. A l'heure où on fait de la transition énergétique une priorité, ces "fuites" représentent un impact sur le climat équivalent à la circulation de vingt millions de véhicules sur une année complète.

Et si vous passiez aux énergies vertes ? Découvrez toutes les offres que JeChange a spécialement sélectionnées pour vous.