Que change la généralisation du tiers payant pour les patients ?

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Mise à jour au 1er juillet 2016 : Le tiers payant est désormais accessible à plus de 10 millions de Français !

À partir d'aujourd'hui, les professionnels de santé peuvent, s'ils le souhaitent, le proposer à tous les patients entièrement pris en charge par l'Assurance maladie, à savoir les femmes enceintes de plus de 6 mois et les malades souffrant d'une ALD. Ils ne seront toutefois contraints de le faire qu'à partir du 1er janvier 2017.

La longue bataille opposant de nombreux professionnels de santé au projet de loi « Santé » de Marisol Touraine a finalement pris fin avec l'adoption du texte en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le mardi 1er décembre.

Dispositif au cœur de la polémique, la généralisation du tiers payant à l'ensemble des assurés sociaux à l'horizon 2017 a d'abord été retoquée par le Sénat puis finalement réintroduite par la chambre basse. Quels sont les enjeux de cette mesure ? jechange fait le tour de la question en 6 points.

En quoi consiste le tiers payant généralisé ?

S'il bénéficie du « tiers payant », un patient est dispensé d'avancer lui-même les frais lorsqu'il consulte son médecin ou achète des médicaments en pharmacie. Il se contente de présenter sa carte vitale et, le cas échéant, sa carte d'adhérent à une complémentaire santé, et n'a ensuite à s'occuper de rien d'autre. Il s'agit donc pour le patient d'un avantage pratique par rapport à la situation antérieure, dans laquelle il payait le médecin et devait ensuite attendre le remboursement de la Sécurité sociale et sa mutuelle.

Le tiers payant n'est pas entièrement nouveau puisqu'il existe déjà pour certaines catégories de patients modestes, dont notamment les bénéficiaires de la CMU-C, de l'ACS ou de l'aide médicale d'État (AME). De nombreuses mutuelles proposent aussi déjà ce service à leurs adhérents lorsque ces derniers achètent des médicaments ou consultent un médecin affilié à leur réseau de soins.

Qui sont les patients concernés, et à quelle date ?

La généralisation du tiers payant à l'ensemble des patients va être effectuée en deux étapes. Dès le 1er janvier 2017, seront automatiquement concernés tous les patients reconnus comme souffrant d'une maladie professionnelle ou d'une affection de longue durée (ALD), comme par exemple un cancer ou un diabète.

Bénéficiant déjà d'un régime spécial de l'assurance maladie avec prise en charge des soins à 100 % dès le sixième mois de grossesse, les femmes enceintes basculeront au tiers payant à la même date. 15 millions de personnes devraient ainsi bénéficier du régime dès le 1er janvier.

Les autres patients, soit la majorité, passeront au tiers payant à une date encore indéterminée mais qui devrait arriver avant la fin de l'année 2017.

Pourquoi généraliser à tous le tiers payant ?

La généralisation du tiers payant était l'une des promesses de campagne du président François Hollande. Elle est conçue et présentée par le gouvernement comme une avancée sociale, qui constitue à la fois une simplification de la vie des patients et une garantie de l'accès aux soins pour les plus modestes qui hésitaient à avancer les frais d'une consultation médicale.

À noter que le mécanisme existe déjà dans la majorité des autres pays européens. Sur les 28 pays membres de l'Union européenne, seuls le Luxembourg, la Belgique, la France et la Suède continuent à réclamer au patient une avance des frais.

La généralisation du tiers payant, dans le cadre de l'assurance maladie à la française, pourrait cependant entraîner des effets de bord néfastes pour les professionnels de santé, qui craignent à terme une véritable mise sous tutelle.

Que deviennent les franchises à la charge du patient ?

Afin de résorber les déficits de l'assurance maladie et de responsabiliser les patients, le remboursement d'une consultation médicale est amputé automatiquement d'une participation forfaitaire de 1 €, que même les mutuelles ne peuvent pas prendre en charge. Il en va de même pour l'achat d'une boîte de médicaments, impliquant une participation obligatoire de 0,50 €. Comment continuer à imputer ces frais au patient s'il n'a plus à débourser le moindre centime ?

La question est délicate et n'a pas encore été formellement tranchée. Il n'est pas exclu que l'assurance maladie vienne bientôt ponctionner ces quelques euros en direct sur votre compte bancaire, avec tous les risques d'erreurs et de complications administratives que cela implique.

Comment le médecin va-t-il être payé à l'avenir ?

Pour obtenir leur rémunération, les médecins devraient normalement s'adresser à un guichet unique de paiement, ce qui leur évitera en théorie de courir après les remboursements auprès d'une multitude de mutuelles. Face aux craintes légitimes des médecins, qui redoutent des retards chroniques de paiement ou même des dossiers totalement engloutis dans la machine bureaucratique, la ministre de la Santé s'est engagée sur un versement dans un délai maximal de 7 jours après la consultation, allant même jusqu'à garantir le versement de pénalités complémentaires si jamais ce délai n'est pas respecté.

Une étude menée début janvier 2015 à l'initiative d'un médecin du Nord de la France a analysé 160 000 feuilles de soins de patients déjà bénéficiaires du tiers payant, notamment au titre de la CMU. Résultat : le délai médian constaté est de 5 jours pour les feuilles de soins électroniques et 39 jours pour les feuilles de soins en format papier. On remarque aussi et surtout un résidu de dossiers souffrant de retards considérables, qui vont par exemple jusqu'à 585 jours en Ille-et-Vilaine ou jusqu'à 980 jours pour la CPAM de Roubaix-Tourcoing. Il est donc compréhensible que certains médecins restent inquiets !

Pourquoi la mesure est-elle contestée par de nombreux professionnels de santé ?

Au-delà de la problématique du paiement évoquée ci-dessus, le tiers payant généralisé heurte frontalement les principes de la médecine libérale. N'étant plus rémunérés par leurs patients, les médecins deviennent virtuellement des salariés du régime d'assurance maladie et des mutuelles, qui passent au premier plan dans la relation médecin-patient.

Les médecins craignent notamment que l'assureur, devenu payeur, ne se métamorphose bien vite en décideur et soumette les remboursements (c'est-à-dire les revenus du médecin) au respect de certaines règles de prescription, ou de certains protocoles de santé. Les médecins s'opposent donc en masse à ce qu'ils considèrent comme une grave perte de liberté dans l'exercice de leur profession.