L'énergie nucléaire d'EDF boudée par les fournisseurs alternatifs

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Alors même qu'un dispositif baptisé « ARENH » permet depuis plus de quatre ans aux fournisseurs de racheter à EDF une part de l'électricité produite par les centrales nucléaires à un tarif régulé, les principaux intéressés semblent désormais bouder ce droit.

La commission de régulation de l'énergie (CRE) fait en effet savoir que, pour la toute première fois, aucune commande d'électricité n'a été passée à EDF par les fournisseurs alternatifs au titre du premier semestre 2016. Une annonce qui n'a rien d'étonnant au vu des prix beaucoup plus attractifs qui se pratiquent actuellement sur le marché de gros de l'électricité.

Aucun achat d'électricité à EDF au 1er janvier

Dans son dernier rapport annuel publié début décembre et relatif au fonctionnement des marchés de gros français de l'électricité, du CO2 et du gaz naturel, la CRE indique que l'électricité nucléaire revendue par EDF au profit de ses concurrents ne suscite… plus aucun intérêt de la part de ces derniers ! Les volumes sollicités par les fournisseurs alternatifs au titre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH), pour le premier semestre 2016, sont nuls. Tant et si bien qu' « aucun volume d'ARENH ne sera livré aux fournisseurs alternatifs » sur cette période selon la commission.

Pour rappel, l'ARENH est un dispositif mis en place par la loi NOME ou « nouvelle organisation du marché de l'électricité » de 2010, officiellement entrée en vigueur le 1er juillet 2011. Ce dispositif a pour but de compenser l'avantage concurrentiel de l'opérateur historique EDF, qui détient l'intégralité du parc des centrales nucléaires françaises. L'ARENH autorise les fournisseurs alternatifs à lui racheter tous les ans jusqu'à 100 TWh d'énergie nucléaire, soit un gros quart de la capacité de production, à un tarif régulé par l'État. Ce tarif, après avoir été brièvement fixé à 40 € par MWh, est passé à 42 € par MWh le 1er janvier 2012 et n'a plus évolué depuis.

En cause : des prix de marché beaucoup plus attractifs

Les concurrents d'EDF délaissent l'ARENH avant tout parce qu'ils ont trouvé le moyen de se fournir moins cher ailleurs. Les années 2014 et 2015 ont été marquées par la diminution continue du prix de gros de l'électricité sur les marchés. Pour l'année 2014, l'achat au comptant ou « spot » s'est par exemple négocié en moyenne à 34,6 € par MWh, soit une diminution substantielle de 20 % par rapport à l'année précédente. Les achats d'électricité à terme (à un horizon d'un, deux ou trois ans) restent un peu plus onéreux mais sont également descendus sous le niveau de l'ARENH en 2014, à environ 38 € du MWh.

Les fournisseurs alternatifs ont donc renforcé massivement leur activité sur les marchés et ont laissé de côté le tarif ARENH, devenu moins compétitif. Le mouvement est devenu perceptible dès le début de l'année. Au premier semestre 2015, les volumes de transaction n'ont atteint que 12,3 TWh, soit une diminution de 65 % par rapport au semestre précédent et un niveau largement en dessous des quantités maximales autorisées. Le second semestre a confirmé l'écroulement des commandes avec seulement 3,8 TWh.

Une perte sèche pour l'opérateur historique

La mise en sommeil du dispositif ARENH n'est pas une bonne nouvelle pour EDF, qui n'avait pas prévu une évolution aussi brutale et doit donc revoir ses prévisions de rentrées d'argent. Dès le premier semestre, l'énergéticien a ainsi estimé que la chute des commandes a fait baisser son EBITDA de quelques 125 millions d'euros. Sur les neuf premiers mois de l'année, le chiffre d'affaires d'EDF s'est révélé inférieur de 596 millions d'euros au niveau projeté. Ce manque à gagner peut s'expliquer en grande partie par l'absence d'achat d'énergie nucléaire au tarif ARENH et par la nécessité d'écouler cette énergie à un prix moins élevé.

La rentabilité dégagée par EDF ne devrait pas s'améliorer en 2016 en raison de la fin programmée des tarifs réglementés pour les entreprises et les collectivités publiques. Pour conserver ces importants clients, le groupe pourrait consentir à des efforts importants sur ses tarifs.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, EDF devrait pourtant continuer à solliciter de la part du gouvernement une revalorisation prochaine de l'ARENH pour mieux refléter ses coûts et les charges d'entretien du parc nucléaire. Il ne faut pas oublier en effet que le niveau de l'ARENH a aussi et surtout un impact direct sur les tarifs réglementés de l'électricité appliqués aux particuliers, lesquels sont encore plus de 90 % à faire confiance à l'opérateur historique.

Quel avenir pour l'ARENH ?

Dès son entrée en vigueur en 2010, La loi NOME décrivait l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique comme un dispositif temporaire valable au plus tard jusqu'en 2025. Vu l'évolution actuelle du marché, il n'est toutefois pas impossible que le tarif prenne fin de manière anticipée.

Une évaluation de l'ARENH a été lancée par la commission de régulation de l'énergie au mois de juillet 2015, et serait toujours en cours. Les conclusions du régulateur du marché de l'énergie ne sont pas encore connues mais devraient probablement inclure une sévère remise en question de l'ARENH dans ses modalités actuelles.