Nucléaire dans la taxonomie verte : une chance pour la filière française

Mis à jour le
minutes de lecture

Un peu d'histoire

En 1973, sous le gouvernement de Georges Pompidou, le choc pétrolier met à mal le monde et paralyse le pays. Le nucléaire devient dès lors la solution pour réduire la dépendance aux énergies fossiles. En 25 ans, ce sont 58 réacteurs qui ont été construits. Le parc français devient très vite le plus important, proportionnellement à la population du pays.

Malgré son vieillissement, le parc français continue de fournir environ 70 % des besoins de la France en électricité. La relance du nucléaire devient un véritable projet.

Par ailleurs, de plus en plus d'écologistes défendent l'énergie nucléaire, considérant cette dernière comme une nécessité face au réchauffement climatique.

nucléaire vert

Une volonté de relancer le nucléaire en France

En effet, le nucléaire tricolore n'est pas au plus haut de sa forme, car sa structure est vieillissante. Cette énergie suscite de nombreux questionnements, surtout concernant la sécurité.

Stéphane Piednoir, sénateur du Maine-et-Loire où se trouve la centrale de Penly, explique qu'un "certain nombre de réacteurs ont été construits dans la même décennie et arriveront en fin d'exploitation dans le même temps […]. On a besoin de nouveaux équipements pour un parc de transition, les EPR".

La centrale de Penly, mise en service dans les années 90 est composée de deux réacteurs de 1300 MW. Ils représentent à eux seuls plus de la moitié de la consommation annuelle de la Normandie. Une emprise au sol est prévue pour deux réacteurs supplémentaires, deux EPR, si leur construction est validée.

Sur site, le directeur du projet EPR2 pour EDF, Gabriel Oblin, explique que "les réacteurs EPR sont un peu plus gros que les réacteurs existants, parce qu'ils ont plus de puissance. Ce sont des réacteurs qui vont aller faire 1650 MW électriques. Ils ont aussi plus de systèmes de sûreté […]. Ce sont des chantiers très conséquents, et ce sont donc des décisions qu'il faut prendre rapidement".

La filière nucléaire française peut-elle assumer ses ambitions ?

Le 9 novembre 2021, Emmanuel Macron annonce la construction de 6 EPR en même temps qu'un renforcement du développement des énergies vertes, le tout pour "garantir l'indépendance énergétique de la France".

Début décembre se tenait le salon du nucléaire, le World Nuclear Exhibition. La ministre de l'Industrie s'y est rendue afin d'appuyer le soutien de l'Etat à la filière.

En revanche, il y a urgence, car le parc français est vieillissant et les études spécialisées dans le domaine de l'atome se sont amoindries. En décembre 2021, 17 réacteurs sur les 56 qui composent le parc étaient à l'arrêt, pour raison de maintenance. 5 réacteurs parmi les plus puissants ne seront pas remis en activité avant l'automne 2022. Une présence de corrosion y étant détectée.

La France garde son parc historique et n'a qu'un chantier en cours à ce jour, celui de l'EPR de Flamanville. Sa mise en service était initialement prévue pour 2012 et a été reportée à 2023. Un coût quant à lui estimé d'abord à 3.4 milliards est passé à 12.7 milliard d'euros.

Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), explique que "pendant de nombreuses années, plus de dix ans, il n'y a pas eu de grand projet nucléaire en France. Donc, l'industrie s'est effectivement un peu amenuisée".

Il faut dire que les projets ont un coût. Le 31 décembre dernier, le nucléaire s'est fait une place dans la taxonomie verte européenne. Cela donne un peu de souffle à la filière française.

Politiquement, les choses bougent, et les enjeux sont ambitieux.

nucleaire-vert-2

Ce que l'entrée dans la taxonomie va offrir au nucléaire français

Les discussions houleuses sur le sujet ont duré plusieurs semaines, mais le couperet est tombé à Bruxelles. Où certains prônent un acquit de conscience, d'autres assument le fait de ne pas pouvoir tenir une production complète sur les énergies renouvelables, pas à ce jour ceci dit, en raison de leur intermittence et un manque de capacité de stockage. De fait, la Commission européenne a tranché, le nucléaire entre sur la liste des investissements verts. Elle insiste en dénonçant que "le gaz et le nucléaire peuvent faciliter la transition […] il faut être pragmatique". L'entrée du nucléaire dans la taxonomie est une vraie victoire pour la France.

Meilleurs taux de financement

La taxonomie, c'est tout simplement la liste des énergies dites durables et dans lesquelles on devrait investir pour la transition énergétique, et pour atteindre les objectifs de la neutralité carbone. En effet, les critères pris en compte sont environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance. Ces critères sont de plus en plus marqués par les agences de financements ou par les investisseurs. Ainsi, l'entrée dans la taxonomie signifie plus de financement et donc la possibilité de faire baisser les coûts, ce qui permet d'avoir une électricité plus compétitive au final. Il est question aux Etats-Unis, au Japon ou encore au Canada d'intégrer le nucléaire dans un équivalent de la taxonomie européenne.

Une rénovation du parc existant

En effet, la taxonomie ne concerne pas seulement la construction de nouveaux réacteurs, mais aussi la remise à niveau des installations existantes. De plus, l'entrée dans la taxonomie va permettre à la filière d'améliorer encore ses obligations vertes et rénover ses centrales. Cécile Arbouille, déléguée générale du groupement des industriels français de l'énergie nucléaire (Gifen), s'en félicite et annonce qu'il y aura "davantage de boulot pour tout le monde".

Nous pouvons donc conclure avec les propos de Mairead McGuiness, commissaire européenne aux services financiers. Même si l'entrée du nucléaire dans la taxonomie européenne fait encore débat, elle assume lors d'une conférence de presse que "nous devons utiliser tous les outils à notre disposition, car nous avons moins de trente ans pour y parvenir", en parlant de la neutralité carbone. Elle précise aussi que la Commission "fixe des critères stricts pour les activités gazières et nucléaires qui contribuent à sortir du charbon, ainsi que des règles de transparence pour que les investisseurs sachent où va leur argent".