EDF : renationalisation et revente de production, ce qui va changer
Naissance d'EDF et avènement du nucléaire
Il faut revenir à la source pour comprendre la problématique actuelle. De fait, un retour s'impose en 1946, au lendemain de la Seconde Guerre. Pour lancer sa reconstruction, la France sous le Général de Gaulle lance EDF. Une multitude d'entreprises privées assuraient avant cela le transport de l'énergie et la production d'électricité. Est donc né à ce jour un service public d'électricité, avec la création d'EDF.
Les Trente Glorieuses, période de forte croissance économique et du niveau de vie, ont amené une augmentation de la consommation. Pour répondre à la demande, le développement du réseau était nécessaire.
Près de 25 ans après la guerre, la crise pétrolière arrive. La France, en 1973, fait alors le choix d'investir dans le nucléaire. Elle lance alors de gros chantiers pour reconstruire les centrales.
En 2004, le marché de l'énergie s'ouvre à la concurrence pour les professionnels. Cette ouverture se généralise aux particuliers dès 2007. En 2005, EDF prend le statut de société anonyme, lui permettant d'avoir recours à des investisseurs privés. Le but étant alors de faire baisser les prix. En revanche, la multiplication des fournisseurs a complexifié le marché de l'énergie, et en juin 2021, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) recense 51 fournisseurs.
Comment se situe EDF en 2022 ?
Jusqu'en juin 2022, et selon les informations communiquées par EDF lui-même, le capital était réparti comme suit : 84.04 % appartient à l'Etat, 14.80 % aux actionnaires hors salariés, 1.08 % aux actionnaires salariés, et 0.04 % d'auto-détention (actions détenues par la société EDF elle-même).
Si l'Etat était largement majoritaire jusque-là, il est totalement détenteur du capital depuis quelques semaines.
En effet, EDF, une société endettée, avec sa production mise à mal, connaît des difficultés au sein de sa filière nucléaire. Aux portes de l'hiver 2021/2022, ce sont 17 des 56 réacteurs du parc qui étaient à l'arrêt.
Au niveau européen, l'Union fait pression sur la France pour que le groupe soit remanié. Cette dernière voudrait une séparation entre la production d'électricité et sa distribution. C'est dans cette optique qu'est né le projet "Hercule" en 2018, fortement contesté au sein du groupe.
Des difficultés rencontrées par EDF
En voulant reprendre l'intégralité du capital d'EDF, l'Etat se positionne sur une entreprise en difficulté d'un point de vue financier. En décembre 2021, la dette du groupe s'élevait à près de 44 milliards d'euros. Cette dernière se creuse de part une baisse significative des revenus d'EDF. L'augmentation du plafond de l'Arenh notamment a coûté quasi 10 milliards d'euros à l'enseigne.
De plus, 12 réacteurs nucléaires sont encore à l'arrêt à ce jour. Ces arrêts, qui n'étaient pas prévus initialement, représentent un manque à gagner pouvant atteindre les 18 milliards de d'euros.
Enfin, il faut ajouter à cela un parc vieillissant et le chantier de Flamanville qui a pris plusieurs années de retard.
Le dispositif de l'Arenh en 2022 et conséquences pour EDF
Le secrétaire général de la CGT Energie, Cédric Lietchi, explique que l'Arenh "consiste à imposer à l'opérateur public qu'est EDF la vente à prix coûtant, sans aucune marge, de 25 % de sa production nucléaire aux concurrents privés. Les concurrents privés réceptionnent cette électricité qu'ils ne produisent pas, qu'on leur donne, et eux la revendent en faisant des marges à des usagers devenus clients".
Ce dispositif inclut un autre problème : EDF vend de l'électricité qu'il n'a pas encore produite. Ainsi, quand il lui manque de l'énergie pour remplir les quotas, EDF doit en acheter sur le marché européen.
Qu'est-ce que va apporter la renationalisation ?
En effet, la question est légitime pour nous : l'Etat étant actionnaire majoritaire, qu'est-ce que va changer cette prise intégrale du capital ? Si l'explosion du prix de l'électricité en France est en partie contenue par le bouclier tarifaire, elle reste due à l'explosion du prix du gaz. Les deux énergies sont en effet couplées sur le marché de gros.
En début d'année, EDF a été contraint de revendre plus d'électricité via le dispositif de l'accès régulé au nucléaire historique (Arenh). Le plafond de ce dernier, fixé à 100 TWh, est passé à 120 TWh pour cette année. en contrepartie, une hausse du prix de revente. En effet, le mégawattheure fixé en 2012 à 42 € est passé à 46.2 € dix ans après. EDF a dès lors lancé une alerte, mettant en avant la dette que cela impliquerait.
Le 6 juillet dernier, lors de l'officialisation de la reprise du capital d'EDF par l'Etat, la Première ministre Elisabeth Borne expliquait que cette renationalisation "permettra à EDF de renforcer sa capacité à mener dans les meilleurs délais des projets ambitieux et indispensables pour notre avenir énergétique".
L'Etat, en ayant 100 % du capital, peut effectuer des projets plus facilement, et surtout plus rapidement. En effet, si plusieurs actionnaires sont présents, les décisions prennent plus de temps à se mettre en place.
Comme l'explique Bruno le Maire, cela "change beaucoup de choses parce qu'il y a beaucoup de projets qui peuvent parfois prendre quelques semaines ou quelques mois de plus" quand il y a des actionnaires supplémentaires.
De plus, pour l'Etat, l'avantage de cette renationalisation est la reprise éventuelle du projet de restructuration du groupe EDF.
Comment cela devrait-il se passer ?
Il y a deux possibilités pour reprendre les parts que l'Etat ne possède pas. Il peut passer par le biais de la mise en place d'une loi, ou bien formuler une offre aux différentes actionnaires minoritaires. Cette deuxième option semble être celle choisie par l'Etat. De fait, ce dernier devrait débourser 5 à 10 milliards d'euros pour détenir l'intégralité du capital d'EDF.
Et si EDF revendait sa production plus chère aux fournisseurs alternatifs ?
Dans le cadre de la loi pouvoir d'achat, les députés ont voté le relèvement du prix régulé. Il s'agit du prix auquel EDF est obligé de revendre une part de sa production d'électricité à ses concurrents.
Cette mesure, contre l'avis du gouvernement, a été adoptée à 167 voix contre 136 et sera mise en place dès le 1er janvier 2023. Ce tarif de revente devrait passer à "au moins 49.50 €" le mégawattheure.