La méthode de calcul du tarif réglementé de l'électricité change

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Cette revalorisation, pourtant, est largement atténuée par l'entrée en vigueur d'une nouvelle formule de calcul, détaillée dans un décret n°2014-1250 du 28 octobre 2014, et qui abandonne la couverture comptable des coûts d'EDF au profit d'un « empilement », plus représentatif des coûts des fournisseurs alternatifs.

Si le consommateur est donc gagnant pour l'instant, les intérêts en jeu sont complexes et des incertitudes demeurent sur l'évolution à venir des tarifs de l'électricité.

Calcul des TRV : qu'est-ce qui change ?

La nouvelle méthode de calcul des tarifs réglementés est depuis longtemps dans les tiroirs, puisque la loi NOME (Nouvelle organisation du marché de l'électricité), entrée en vigueur en 2010, prévoyait déjà son application à compter de 2015. Au vu de l'évolution défavorable des coûts supportés par EDF, le gouvernement a donc décidé d'anticiper légèrement, pour protéger le pouvoir d'achat des 28 millions de foyers encore abonnés aux tarifs réglementés d'EDF.

L'ancienne méthode, dite « comptable », se contentait de répercuter sur les tarifs réglementés les coûts supportés par EDF : de fait, l'opérateur historique n'avait ainsi qu'une faible incitation à réaliser des économies ou des gains de productivité. La nouvelle formule choisit plutôt d'empiler les différents coûts supportés par l'ensemble des acteurs de la filière, de manière à ce que les tarifs réglementés aient, à l'avenir, un lien de parenté plus fort avec les offres de marché.

Le décret du 28 octobre 2014 précise ces différentes composantes :

  • Le coût de l'accès régulé à l'électricité nucléaire (ARENH), qui est le tarif facturé par EDF aux autres fournisseurs pour les faire bénéficier de la production du parc nucléaire français.
  • Le « complément à la fourniture d'électricité » prend en compte le coût d'approvisionnement à titre plus général.
  • Les coûts commerciaux et les dépenses de fonctionnement supportés par EDF.
  • Les coûts d'acheminement de l'énergie (c'est-à-dire le TURPE).
  • Une rémunération dite « normale » de l'opérateur.

Un effet bénéfique immédiat pour les consommateurs

Sur les 2,5 % d'augmentation des tarifs réglementés de l'électricité au 1er novembre, 1,6 % est imputable à la nouvelle formule de calcul. Le reste, soit 0,9 %, doit constituer la première étape d'un nécessaire rattrapage, suite à la revalorisation insuffisante des tarifs réglementés depuis 2012 (et notamment l'annulation de la hausse de 5 % au 1er août 2014).

C'est beaucoup moins que si l'ancienne formule de calcul avait été conservée. La Commission de Régulation de l'Énergie (CRE) estime en effet que la hausse totale aurait pu alors atteindre 6,7 % ! Inenvisageable d'un point de vue politique, dans un contexte marqué par une précarité énergétique de plus en plus forte et qui toucherait déjà jusqu'à un Français sur cinq, selon l'observatoire national en charge de cette question.

Une formule supposée plus juste pour les fournisseurs alternatifs…

Le président de la CRE, Philippe de Ladoucette, interprète cette nouvelle formule de calcul comme une victoire très claire pour la libre concurrence sur le marché de l'électricité. L'empilement des coûts permet en effet, selon lui, de rendre le tarif réglementé plus « représentatif des coûts que supporte un fournisseur alternatif pour construire ses offres de marché, compte tenu des sources d'approvisionnement dont il dispose ». L'espoir est donc, à terme, de débloquer ce marché encore très fermé, dans lequel 92 % des consommateurs restent abonnés aux tarifs réglementés de l'opérateur historique.

Les nouveaux tarifs constituent une grosse déconvenue pour EDF, qui devra logiquement compenser la moindre augmentation de ses rentrées d'argent par une plus grande maîtrise de ses dépenses d'exploitation et de ses investissements.

…mais qui ne satisfait pas nécessairement ces derniers

La lecture faite par certains fournisseurs alternatifs d'électricité et par leur association représentative, l'Anode, est quelque peu différente. De fait, en empêchant une hausse importante et selon eux justifiée des tarifs réglementés, le gouvernement manque aussi une bonne occasion de rendre les offres de marché davantage attractives pour les Français.

Le préjudice subi par ces fournisseurs en raison de la sous-évaluation des tarifs réglementés n'est pas nouveau : rappelons qu'une procédure est en cours auprès du Conseil d'État suite à l'annulation de la hausse de 5 % au 1er août. La décision finale de la haute juridiction administrative, sur ce dossier, est encore très incertaine et pourrait potentiellement ruiner les efforts de modération tarifaire du gouvernement.

Un autre point de discorde, qui émerge déjà, est lié à une discrète mention ajoutée par ce même Conseil d'État dans le décret du 28 octobre 2014 : la nouvelle méthode d'empilement des coûts, ainsi, devrait finalement s'entendre « sous réserve de la prise en compte des coûts de l'activité de fourniture de l'électricité aux tarifs réglementés d'Electricité de France ». Une manière comme une autre de se réserver une sortie de secours dans ce dossier complexe et politiquement très sensible !