La CRE ne veut plus de jumeaux dans l'énergie

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Dans son dernier rapport annuel intitulé « Respect des codes de bonne conduite et indépendance des gestionnaires de réseaux d'électricité et de gaz naturel », publié le mardi 6 janvier 2015, la Commission de Régulation de l'Énergie estime que les distributeurs eux-mêmes, ERDF et GRDF, doivent redoubler d'efforts dans les six mois à venir pour se démarquer de leurs maisons-mères respectives, en commençant tout simplement par… une nouvelle identité visuelle.

Fourniture et distribution : une séparation imposée par la loi

Depuis l'ouverture à la libre concurrence des marchés de l'électricité et du gaz naturel, en 2007, le code de l'Énergie impose de bien distinguer le métier de distributeur, ou « gestionnaire de réseau de distribution » (GRD), et celui de fournisseur. Le client final a le libre choix de son fournisseur de gaz ou d'électricité (EDF, GDF Suez, Direct Energie, Eni, Planète Oui…). Le distributeur, quant à lui (ERDF pour l'électricité et GRDF pour le gaz), exerce un monopole sur la quasi-totalité du territoire français pour acheminer l'énergie depuis le fournisseur jusqu'au client final, et doit donc respecter une obligation de neutralité en traitant tous les fournisseurs de façon non-discriminatoire.

À défaut d'une indépendance formelle des distributeurs par rapport aux opérateurs historiques (ERDF et GRDF restent, chacune, des filiales à 100 % d'EDF et GDF Suez), le code de l'Énergie impose, au minimum, d'éviter « toute confusion entre leur identité sociale, leurs pratiques de communication et leur stratégie de marque ». Cette précaution vise à bien distinguer les deux fonctions dans l'esprit des clients, et donc à favoriser l'émergence d'une concurrence saine et équitable entre fournisseurs.

Une distinction encore floue pour de nombreux Français

C'est précisément ce risque de confusion qui est aujourd'hui soulevé dans le rapport de la CRE, qui pointe par exemple des similitudes troublantes entre le logo d'ERDF et celui d'EDF : les fameuses pales de turbine et la typographie sont les mêmes, le seul élément véritablement distinctif étant la couleur (vert-bleu dans un cas, rouge orangé dans l'autre). Au point que la CRE soupçonne un véritable « accord de coexistence » entre le fournisseur historique et le distributeur.

Ce flou artistique a des conséquences directes, selon la CRE, sur la difficulté du marché à s'ouvrir à la concurrence : en ce qui concerne l'électricité, notamment, seuls 9,1 % des foyers ont pour l'instant fait le choix de quitter EDF pour un fournisseur alternatif. Une enquête récente, par ailleurs, a démontré que 33 % des Français considèrent encore la relève des compteurs comme une tâche dévolue au fournisseur EDF, alors qu'il s'agit d'une mission d'ERDF.

Les préconisations de la CRE

Au vu des difficultés rencontrées pour l'ouverture à la concurrence, et alors même que les tarifs réglementés de vente disparaissent progressivement pour les clients professionnels, la CRE semble ne plus se satisfaire du statu quo et exige désormais de la part des distributeurs de fournir des efforts supplémentaires pour manifester leur indépendance aux yeux des consommateurs, avant le 1er juin 2015.

ERDF, en particulier, est sommé de « procéder à un changement majeur des éléments constitutifs de sa marque ». Il faut donc s'attendre à ce que le distributeur d'électricité se résigne à modifier son identité visuelle dans les mois à venir. La CRE a également indiqué que le nouveau compteur Linky ne devait, en tout état de cause, surtout pas afficher le logo actuel. Des travaux auraient déjà été engagés par ERDF pour modifier le logo, qui n'affichera plus les pales de turbine associées symboliquement à EDF et proposera par ailleurs une police de caractères différente. Le distributeur d'électricité refuse toutefois, dans l'immédiat, de changer entièrement son identité visuelle, mettant en avant un coût estimé à plusieurs millions d'euros.

GRDF, de son côté, dispose déjà d'un logo bien distinct de celui de GDF Suez. Ce qui n'empêche pas la CRE d'émettre certaines critiques très détaillées, allant jusqu'à citer une récente campagne publicitaire à la radio au cours de laquelle les auditeurs avaient du mal à discerner si le mot prononcé était « GRDF » ou « GDF ».

Des sanctions possibles en dernier recours

Si les deux distributeurs n'apportaient pas des réponses satisfaisantes dans le délai indiqué, la CRE aurait la capacité de saisir son Comité de règlement des différends et des sanctions, le CORDIS. Cet organisme, composé notamment de membres des plus hautes instances judiciaire et administrative du pays (la Cour de Cassation et le Conseil d'État), pourrait alors décider de sanctions de nature pécuniaire.