Trou de la Sécu : la Cour des comptes reste prudente

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La ministre de la Santé Marisol Touraine avait surpris tout le monde au début du mois de septembre en annonçant que « l'horizon du rétablissement complet de la Sécu […] n'est plus une utopie ». Le « trou de la Sécu », devenu si familier qu'il fait désormais partie du paysage, pourrait ainsi être comblé « pas pour 2016, mais très vite ».

Dans un rapport récent, la Cour des comptes confirme l'évolution plutôt favorable des comptes des régimes sociaux. Et tient dans le même temps à tempérer l'enthousiasme des autorités publiques en rappelant que certains points noirs comme l'Assurance maladie ou le fonds de solidarité vieillesse doivent continuer à mobiliser pour parvenir à un retour à l'équilibre d'ici 2020. Au-delà de simples ajustements à la marge, les magistrats de la rue Cambon appellent à des réformes drastiques dans certains domaines comme la santé bucco-dentaire.

Sécu : la Cour des comptes salue une tendance encourageante…

Faut-il enfin croire à un comblement du fameux « trou » des régimes de la Sécurité sociale ? La Cour des comptes semble le penser, mais reste prudente dans la mesure où le processus prendra encore plusieurs années. Les signaux favorables, en tout cas, se multiplient. Selon la Cour, le déficit cumulé des différentes branches du régime général de l'Assurance maladie (maladie, accidents du travail, famille, retraite) et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) a atteint en 2015 la somme de 10,2 milliards d'euros. Soit un repli significatif par rapport au déficit de -12,8 milliards d'euros enregistrés en 2014.

La tendance devrait logiquement se poursuivre pour l'année 2016, laquelle « sera marquée par une amélioration du déficit » selon les magistrats de la rue Cambon. Ces derniers anticipent un montant de -9,8 milliards d'euros pour l'année en cours. Soit un peu plus malgré tout que le gouvernement et la commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS), qui étaient plus optimistes et annonçaient -9,1 milliards d'euros. En cause ? La prise en compte par la CCSS d'un produit exceptionnel de la CSG à hauteur de 700 millions d'euros, considéré par la Cour des comptes comme un artifice comptable fantaisiste sans réalité financière.

…mais pointe les faiblesses de l'Assurance maladie

Les différentes branches du régime de la Sécurité sociale sont orientées favorablement, à deux exceptions près. Le fonds de solidarité vieillesse (FSV) ne donne aucun signe d'un retour à l'équilibre. Le déficit de ce fonds, lequel fournit une allocation minimale de subsistance aux personnes âgées touchant une pension insuffisante, est passé de 3,4 milliards d'euros en 2014 à 3,9 milliards en 2015. Pour 2016, l'hypothèse la plus optimiste – celle de la CCSS – est une stagnation du déficit au même niveau.

Par ailleurs, le déficit le plus massif reste celui de la branche maladie. Les pertes financières enregistrées par l'Assurance maladie sont certes en léger repli (5,8 milliards d'euros en 2015 contre 6,5 milliards en 2014) mais représentent 85 % du déficit total du régime général en 2015. Cette année, elle pourrait en constituer « la quasi-totalité » selon la Cour des comptes. D'où la nécessité de ne « pas relâcher les efforts et, au contraire, [de] les redoubler ».

Quelles préconisations ?

Malgré les réserves énoncées ci-dessus, la Cour des comptes juge désormais possible un retour à l'équilibre des comptes de la Sécurité sociale d'ici 2020, soit un an plus tôt que ce qu'elle anticipait auparavant. La résorption du déficit serait même envisageable dès 2019 dans le meilleur des cas, mais pas sans adopter une série de mesures complémentaires suggérées par l'institution.

Revoir le régime des affections de longue durée (ALD)

Les patients déclarés en « affections de longue durée » (ALD), et pris en charge à 100 % par l'Assurance maladie pour leurs dépenses de santé, sont de plus en plus nombreux. Le dispositif concerne désormais 11,3 millions de patients, soit un doublement en vingt ans à peine, et engloutit 60 % de l'ensemble des remboursements de la Sécu. Pour éviter que le coût des soins en ALD ne devienne entièrement hors de contrôle, la Cour des comptes préconise d'abandonner le paiement à l'acte pour les médecins qui prennent en charge ces patients, et d'opter en lieu et place pour un remboursement forfaitaire.

Dans le même temps, les aides financières à l'acquisition d'une complémentaire santé (notamment l'ACS) pourraient être réorientées vers les assurés présentant les risques les plus élevés, et non plus seulement être conditionnées au niveau de ressources.

Améliorer la prise en charge des soins bucco-dentaires

La Cour des comptes soupçonne fortement l'explosion du coût des ALD d'être en partie à l'origine du désengagement de la Sécu dans d'autres domaines, à commencer par les soins bucco-dentaires. Ces derniers ne sont en effet plus couverts qu'à 33 % par l'Assurance maladie de base, rendant incontournable la souscription d'une bonne mutuelle dentaire. Dans ces conditions, il n'est guère étonnant qu'un patient sur cinq renonce désormais à ce type de soins de telle manière que la santé bucco-dentaire des Français devienne de plus en plus « médiocre ».

La Cour suggère entre autres de plafonner le tarif des actes qui ne le sont pas encore, notamment les soins prothétiques. Cette question, et bien d'autres, sont justement abordées dans le cadre des négociations concernant la prochaine convention entre l'Assurance maladie et les professionnels de la médecine dentaire.