Eni confirme le succès de son implantation en France

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Daniel Fava - Directeur général adjoint d'Eni Gas&Power France
Daniel Fava - Directeur général adjoint d'Eni GAS & POWER France

Quel bilan tirez-vous des offres commercialisées par Eni en France depuis le début de l'année 2015 ?

Daniel Fava : La CRE, de par la publication de son observatoire des marchés de détail de l'énergie, porte un regard officiel sur la question. Si l'on exclue Engie, l'opérateur historique auquel il nous est difficile de nous comparer, nous nous attachons à regarder les parts de marché conquises par le groupe au prorata du solde global des divers autres fournisseurs alternatifs. Jusqu'à juillet inclus, la part d'acquisition d'Eni représente environ un tiers des parts d'acquisition de l'ensemble des fournisseurs alternatifs ; ce qui signifie que pour trois clients quittant Engie, près d'un vient chez Eni. Ce niveau de performance nous satisfait, d'autant que ce rythme est relativement constant depuis quelques trimestres. Cette part d'acquisition se fonde tant sur des mises en service que sur des changements de fournisseur. Si l'on prend pour témoin l'évolution des parts d'acquisition d'Eni tous sites confondus, Eni capte un peu moins de 20 % des volumes par rapport aux alternatifs. Cette évolution est en phase avec nos projections de croissance.

Justement, le groupe visait 650 000 clients résidentiels fin 2016 : maintenez-vous toujours cet objectif ?

D.F. : Absolument. Il est intéressant de noter à ce sujet que les ventes web comme la télévente sont deux leviers qui nous aident à atteindre cet objectif. Les ventes web ont progressé de 25 % à l'occasion des six premiers mois de l'année 2015, à comparer au rythme que nous avons connu au premier semestre 2014. De même, la télévente enregistre d'excellents résultats, les ventes réalisées à travers ce canal ont pratiquement progressé de 50 % d'une année à l'autre. Il faut préciser sur ce point que l'ouverture des fichiers de Engie à la concurrence a participé pour une grande part à la forte croissance de ce canal d'acquisition.

Dans quelle propension cette progression commerciale se reflète-t-elle sur votre chiffre d'affaires ?

D.F. : Le positionnement qu'a adopté Eni en France est généraliste : du simple particulier jusqu'au très gros industriel. Parmi les alternatifs, nous sommes les seuls à adresser le marché du gaz dans sa globalité, de « Madame Michu » jusqu'à ArcelorMittal. Ce qui fait qu'aujourd'hui, sur le volume global de gaz consommé en France, Eni représente une part de marché de l'ordre d'un peu moins de 20 % sur les quelques 400 TWh consommés par an. Pour cette activité, il est correct de parler de plus de deux milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2014.

Eni a été pionnier en France des offres à prix fixe : comment expliquez-vous l'intérêt des Français pour ce type d'offre ?

D.F. : Notre premier niveau de succès – sachons rester modeste – a été de démocratiser ce type d'offre, en y ajoutant de la durée à la clé. Lorsque nous avons lancé des études clients, nous avions pressenti que le consommateur recherchait un prix performant, mais pas seulement. Disposer de prix fixes dans le temps et donc avoir une stabilité de son budget à consommation constante permettrait au client de bénéficier d'une visibilité rassurante. Les offres Astucio ont également été conçues dans le respect de cette logique, tout en tenant également compte d'un élément de marché. À savoir, depuis 2013 et la chute des prix du pétrole, la possibilité pour le particulier de bénéficier d'une révision des prix à la baisse de son contrat qui s'inscrit en cohérence avec la faible baisse enregistrée par les tarifs réglementés du gaz.

Est-ce à dire que la croissance d'Eni en France se fonde sur le succès de ses offres à prix fixes ?

D.F. : Eni propose un pack global au client : un coût moins élevé que les TRV, un prix fixe dans la durée, une possibilité de révision à la baisse en cas de chute des tarifs régulés et le choix d'un fournisseur pérenne, l'un des leaders mondiaux de l'énergie. On peut considérer que l'addition de l'ensemble de ces éléments là est à la base du succès d'Eni. Tant et si bien que nos offres à prix fixes représentent la majorité de notre portefeuille clients [résidentiels (NDLR)], à peu près deux tiers de notre parc clients ayant souscrit une offre à prix fixe.

Vous évoquiez un « premier niveau de succès » concernant ces offres à prix fixes : quel sera le « second niveau de succès » d'Eni dans les mois à venir ?

D.F. : L'électricité. En 2016, Eni va devenir fournisseur d'électricité dans l'Hexagone [un arrêté ministériel, en date de février 2015, a été pris dans ce sens (NDLR)]. Il s'agit là de la deuxième étape de notre développement sur laquelle nous fondons beaucoup d'espoir. Comme vous le savez, le gaz représente 10 millions de compteurs en France, contre un peu plus de 30 millions pour l'électricité. Nous nous attendons donc à une nette accélération de notre croissance à travers ce nouveau marché.

Ces offres en électricité concerneront-elles un type spécifique de clientèle ou bien doivent-elles s'entendre tous sites confondus ?

D.F. : Nous allons rester fidèles à notre stratégie du début, à savoir, maintenir un positionnement généraliste et segmenté. « Généraliste », car nous ambitionnons de nous adresser à tout type de consommateur mais également « segmenté », car nous considérons que chaque type de clientèle a des besoins particuliers et mérite donc des offres spécifiques qui y répondent.

Revenons à votre activité principale : le gaz. La bataille de cette énergie se gagnera-t-elle sur le prix ? Les services ? Les deux ?

D.F. : Le prix revêt un aspect fondamental, mais il n'est pas suffisant à lui seul. Notre stratégie s'articule autour de deux promesses fortes : une compétitivité tarifaire mais également un engagement dans la durée. Au-delà, il s'agit également de prendre en compte notre capacité à accompagner nos clients, ce qui passe par un net enrichissement de notre politique de services. Nous avons développé une capacité à assister nos clients, notamment par le biais de services autour de la chaudière que nous leur proposons, mais également via un ensemble de subventions que nous mettons à leur disposition, au travers du programme Prim'Eni.

De manière plus générale, quels efforts restent-ils à fournir pour bousculer la « mainmise » qu'exerce Engie sur le marché du gaz ?

D.F. : Au risque de ne pas être original, j'en citerai deux. Le premier consiste à évangéliser le marché. Qu'il s'agisse de sites résidentiels, ou, chose plus surprenante, d'entreprises, beaucoup trop de clients ignorent toujours le fonctionnement de base de l'ouverture des marchés ou encore les démarches liées à un changement de fournisseur. La seconde brique, plus polémique, réside dans la nécessité de lever les freins politiques toujours à l'œuvre. Prenez l'exemple des tarifs réglementés, fortement politisés. Tant que l'État restera actionnaire de EDF et de Engie, il se comportera comme tout bon actionnaire, et voudra protéger les sociétés dans lesquelles celui-ci a des intérêts.

Vous considérez donc que l'État ne joue pas pleinement le jeu de l'ouverture des marchés ?

D.F. : Clairement, non. L'État est dans un rôle de protection des opérateurs historiques. Ces tarifs réglementés sont la manifestation la plus évidente de cette politisation pour le grand public. Mais prenez également en compte la face immergée de l'iceberg, que seuls les professionnels du métier voient : on augmente sans cesse notre niveau de taxe à travers les obligations de stockage ou encore celles liées aux CEE [certificats d'économies d'énergie (NDLR)], mais aussi par le biais de la CSPE, contribution propre à l'électricité mais que l'on souhaiterait étendre aujourd'hui au gaz. Ces éléments viennent directement pénaliser les acteurs alternatifs, qui sont évidemment les plus fragiles puisque nouveaux entrants, au risque de les déstabiliser et de les mettre en difficulté face aux opérateurs historiques qui souffrent, eux, bien moins de cet état de fait puisque ces derniers disposent de périmètres financiers beaucoup plus larges.

Adresseriez-vous la même critique à la CRE, le régulateur du secteur ?

D.F. : Le régulateur est plutôt efficace, mais son pouvoir demeure très faible. Il est surtout force de propositions mais in fine, les décisions sont prises par le ministère de l'Environnement à travers la DGEC [Direction générale de l'énergie et du climat (NDLR)]. Le régulateur comprend de mieux en mieux les enjeux et difficultés auxquels sont confrontés les acteurs alternatifs, mais il souffre de la faiblesse de ses pouvoirs de sanction comme de décision. À la fin, le rôle de trancher revient toujours à l'État et comme Engie et EDF font un lobbying directement à ce niveau, le résultat est celui que l'on connaît aujourd'hui. On étouffe les opérateurs alternatifs dans des niveaux de taxes et d'obligations, aux dépens des intérêts du consommateur. C'est vraiment dommage car en l'absence de pareilles contraintes, les Français pourraient certainement bénéficier de tarifs bien plus compétitifs, et d'un prix de l'énergie de l'ordre de 20 à 30 % moins cher.