La CSPE bientôt étendue au gaz et aux carburants ?

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Combien va coûter exactement l'électricité en France à l'horizon 2016 ? Les clients restés fidèles aux tarifs réglementés d'EDF, mais aussi les autres peuvent légitimement avoir de plus en plus de mal à répondre à cette question, tant les actualités qui se succèdent ont l'art de souffler le chaud et le froid.

Alors que la commission de régulation de l'énergie suggérait un bond des tarifs réglementés d'électricité de 3,5 à 8 % au 1er août 2015, on apprenait finalement à la mi-juillet que le gouvernement se contenterait d'une hausse de 2,5 % à cette date.

Aujourd'hui, des fuites concordantes rapportent que le ministère de l'Économie et des Finances envisagerait très vite une refonte de la fiscalité de l'énergie et notamment de la contribution au service public de l'électricité (CSPE), ce qui pourrait faire baisser la facture d'électricité de pas moins de 10 % ! Aux dépens, probablement, de la facture de gaz et du prix du carburant. Explications.

La CSPE : une taxe fourre-tout de plus en plus lourde

La contribution aux charges de service public de l'électricité (CSPE) est une taxe qui vient s'imputer sur la facture d'électricité de tous les Français, qu'ils soient abonnés aux tarifs réglementés ou à une offre en tarif libre. Son solde est évalué à 6,28 milliards d'euros pour l'année 2015, et représente entre 10 et 15 % du montant total de la facture selon les profils de consommation. La CSPE est souvent présentée comme une taxe écologique ou « verte ». Elle est, en réalité, affectée à un très grand nombre de postes budgétaires, dont :

  • Le rachat par EDF de l'énergie produite par les particuliers ayant investi dans une source d'énergie renouvelable (panneaux photovoltaïques et éoliennes, essentiellement).
  • Les services du médiateur national de l'énergie, une instance indépendante en charge de régler les litiges entre les clients et leurs fournisseurs ou distributeurs.
  • Les tarifs sociaux de l'électricité, destinés aux foyers les plus modestes.
  • Le fonds de solidarité pour le logement.
  • L'alimentation autonome en électricité de certaines zones insulaires et difficiles d'accès, dont la Corse ou les départements d'outre-mer.

Le montant actuel de la CSPE, depuis le 1er janvier 2015, est de 19,5 € par MWh. Il a augmenté de 18 % en un an, et a été multiplié par six depuis 2002 ! La taxe, logiquement, devient ainsi insoutenable pour de nombreux foyers menacés par la précarité énergétique.

Deux hypothèses de travail du gouvernement

Le gouvernement ne peut pas se priver de recettes fiscales. Il ne souhaite donc pas supprimer ou diminuer la CSPE. Les services de Bercy envisageraient simplement de diluer cette taxe pour que sa charge ne soit plus exclusivement supportée par les consommateurs d'électricité eux-mêmes, mais s'impute aussi sur les factures de gaz et le prix du carburant à la pompe. Si les détails sont encore flous à ce stade, deux hypothèses de travail semblent se dégager.

La première consisterait en l'élargissement de la CSPE à la seule consommation de gaz naturel. Cela permettrait une diminution de la facture d'électricité de l'ordre de 7 % ... mais représenterait toutefois un choc particulièrement rude pour les abonnés au gaz chez Engie ou chez les fournisseurs alternatifs, car seuls 10 millions de foyers utilisent le gaz pour se chauffer.

C'est la raison pour laquelle il serait envisagé d'étendre la CSPE non seulement au gaz naturel, mais aussi à l'ensemble des autres énergies fossiles, ce qui inclut le gazole et le sans-plomb. Dans un tel cas de figure, l'économie espérée pourrait atteindre 10 % sur la facture d'électricité, mais elle se ferait au détriment des automobilistes, avec des hausses de plusieurs centimes sur le prix du carburant.

Un contexte tendu pour le prix de l'électricité…

La piste de travail du gouvernement est ébruitée dans un contexte particulièrement compliqué pour le prix de l'électricité.

Rappelons que l'augmentation du tarif réglementé pour le 1er août 2015 a été fixée à 2,5 %. Il s'agit d'une évolution bien plus timide que celle préconisée par la commission de régulation de l'énergie (CRE), qui insistait récemment sur la nécessité de compenser les trop faibles hausses survenues les trois années précédentes par une augmentation minimale de 3,5 % (en cas de rattrapage sur deux ans) ou de 8 % (en cas de rattrapage sur une seule année).

Cette demande était appuyée non seulement par EDF, qui souhaite combler son manque à gagner pour recommencer à investir, mais aussi par les fournisseurs alternatifs, qui dénoncent le niveau artificiellement bas des tarifs réglementés.

La refonte de la CSPE, dans ce cadre, peut apparaître comme une tentative de protection du pouvoir d'achat des Français dans l'anticipation d'une hausse importante des tarifs de l'électricité.

…sur fond de contentieux au niveau européen

Au-delà même de la préservation du pouvoir d'achat, les objectifs du gouvernement pourraient être plus prosaïques. Une action de groupe, menée par près de 15 000 entreprises auprès de la Commission européenne, réclame le remboursement par l'État français de la CSPE perçue au motif qu'il s'agit d'une taxe illégale, utilisée pour subventionner artificiellement le marché des éoliennes et des énergies renouvelables.

Le ministère de l'Économie pourrait donc profiter de la réforme de l'assiette de la CSPE pour modifier plus profondément son mécanisme, et le rendre plus conforme aux attentes de Bruxelles.