Baisse de prix des médicaments génériques : les fabricants mécontents

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En mars 2015, le ministère de la Santé présentait en grande pompe son plan national d'action de promotion des médicaments génériques. Visant à augmenter leur volume de prescriptions afin d'atteindre d'ici 2017 une économie 350 millions d'euros pour le système de santé, ce projet peine toujours, plus d'un an plus tard, à se mettre en place.

Pire, selon l'association GEMME, les baisses de prix régulières de ces produits fragiliseraient la santé financière du secteur. Face à ce problème, c'est l'ensemble des métiers du médicament générique (développeurs, fabricants, exploitants…) qui se mobilise. Dans une lettre ouverte postée sur le site du GEMME, ces professionnels exhortent de concert les pouvoirs publics à conserver des conditions propices au développement de l'usage des médicaments génériques.

Les prix des médicaments génériques baissent

Le 25 mars, le CEPS, organisme interministériel chargé de fixer les prix des médicaments remboursés par la Sécurité sociale, a décidé d'une nouvelle baisse des prix des médicaments génériques. Publié le 1er juin au Journal officiel, cette décision s'applique à plus d'une centaine de produits pharmaceutiques fabriqués par diverses sociétés dont les laboratoires Eurogenerics ou Servier mais aussi Bayer HealthCare, Novartis Pharma SAS, Sanofi-Aventis…

Suite à cette modification tarifaire, l'ATOVAQUONE/PROGUANIL BIOGARAN, comprimé antipaludique, sera par exemple facturé 21,68 € TTC… soit environ 8,5 % de moins que son prix antérieur. De même, le traitement contre l'hypertension artérielle CANDESARTAN CRISTERS 8 mg voit son coût amputé de plus de 5 % et l'antidépresseur Seroplex de près de 13 %. Selon un porte-parole du GEMME interrogé par l'AFP, « pour l'année 2016, les baisses de prix sur le médicament générique représenteront près de 5 % du chiffre d'affaires du secteur ».

L'association s'inquiète du fait que ces diminutions successives mettent « en péril l'économie des pharmaciens mais également l'investissement et l'emploi industriel du médicament générique en France ». Ce secteur représente tout de même « 15 000 salariés sur l'ensemble du territoire français ».

Les professionnels du secteur interpellent Marisol Touraine

Via la lettre ouverte collective publiée sur le site du GEMME, les acteurs du secteur du médicament générique souhaitent alerter tant la ministre de la Santé que l'ensemble des décideurs sur la nécessité de « maintenir un contexte favorable au développement du médicament générique en France ». Pour l'association, « affaiblir le médicament générique par des baisses de prix drastiques, c'est obérer les économies collectives dont notre système de santé a tant besoin ».

Son président, Erick Roche assure que les professionnels du secteur « souhaitent s'inscrire dans une démarche constructive, et sont prêts à prendre toute leur part dans l'objectif d'économies qui est celui du gouvernement ». Cependant, pour lui, cet objectif ne pourra être atteint qu'en mettant en place « une relation partenariale, tournée vers le long terme et non au gré de baisses de prix brutales, unilatérales et injustifiées ». En effet, celles-ci oppressent les industriels du secteur alors que les normes pharmaceutiques et techniques, de traçabilité et de pharmacovigilance auxquelles ils doivent répondre sont sans cesse plus élevées.

1,5 milliards d'euros d'économies potentielles pour l'Assurance maladie

Le GEMME profite également de sa lettre ouverte pour rappeler les multiples avantages qu'il y aurait à développer le recours aux médicaments génériques. L'association évoque par exemple son bénéfice pour le patient qui aurait « un accès préservé à l'innovation thérapeutique » ou encore « les pharmaciens qui seraient moins inquiets pour l'avenir du réseau officinal, et enfin les industriels du médicament générique qui pourraient investir avec plus de visibilité ». Selon l'association, cela permettrait en outre à l'Assurance maladie de faire des économies substantielles.

En France, la consommation de médicaments génériques ne représente pour l'instant qu'environ 33 % de la consommation totale des médicaments prescrits. C'est peu en comparaison des proportions de plus de 75 % rapportées chez certains de nos voisins comme le Royaume-Uni ou encore l'Allemagne. La moyenne européenne elle-même se situe aux alentours de 50 %, un objectif encore lointain… Pourtant, si le taux de consommation des génériques en France atteignait une part équivalente, cela permettrait selon le GEMME de réaliser pas moins de 3,5 milliards d'euros d'économies pour le système de santé chaque année, soit 1,5 milliard de plus par an qu'actuellement.

Pour l'association, atteindre cet objectif « nécessite une plus forte implication des médecins dans la prescription de médicaments qui ont fait la preuve de leur efficacité et qui disposent d'une offre générique ». Elle appelle donc à « remplacer les baisses de prix par l'accélération du déploiement du plan national d'action de promotion des médicaments génériques ». Dévoilé l'an dernier par le gouvernement, ce dispositif vise à encourager la prescription et l'utilisation de ces substituts en ville, à l'hôpital et dans certains établissements. Or, il tarde pour l'instant à se concrétiser. En janvier dernier, l'UFC-Que Choisir dénonçait encore la prescription des trois quarts des médicaments en nom de marque. L'initiative des acteurs du secteur du médicament générique permettra-t-elle de lui donner un coup d'accélérateur ?