Une généralisation de la complémentaire santé... à 5 % des Français ?

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Entrée en application au 1er janvier 2016, la généralisation de la mutuelle d'entreprise au 1er janvier 2016 a été abondamment présentée comme un pas important vers le principe d'une complémentaire santé pour tous. Cependant, les changements apportés sont-ils aussi radicaux qu'ils en ont l'air ? Une récente étude publiée par la DREES permet d'en douter.

Réalisée avant l'entrée en vigueur de la réforme, l'étude souligne que le taux de couverture de la population par les complémentaires santé était déjà excellent, notamment grâce aux dispositifs dédiés aux plus démunis. La mutuelle d'entreprise obligatoire pourrait toutefois améliorer la protection de certains salariés dans la mesure où les contrats collectifs apparaissent en moyenne plus protecteurs que les formules individuelles.

Complémentaire santé : la France déjà très bien classée

La complémentaire santé, un luxe réservé à quelques privilégiés ? Loin s'en faut ! Selon un récent rapport de la DREES, pas moins de 95 % de la population française était couverte par une mutuelle ou un autre organisme de complémentaire santé en 2014. Ce taux classe d'emblée la France parmi les pays de l'OCDE dans lesquelles la « couverture santé privée est la plus répandue ».

Selon les auteurs du rapport, cette spécificité s'explique d'abord par les filets de sécurité mis progressivement en place dans le but d'assurer à chaque résident un accès décent aux soins. La couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) créée en 1999 puis l'aide au paiement d'une complémentaire santé (ACS) entrée en vigueur en 2005, s'adressent respectivement aux foyers disposant de faibles ressources et aux étrangers en situation irrégulière sur le territoire français. À elle seule, la CMU-C faisait office de mutuelle pour environ 6,8 % de la population en 2014.

Mutuelle d'entreprise obligatoire : un progrès marginal ?

La dernière étude de la DREES l'indique très clairement : les « oubliés » de la complémentaire santé avant 2016 n'étaient pas les salariés, qui bénéficiaient déjà pour certains de la couverture de leur employeur ou avaient pris toutes les dispositions pour s'assurer eux-mêmes, mais bien les publics plus précaires comme les jeunes, les retraités modestes ou encore les chômeurs de longue durée. L'obligation de souscrire à la mutuelle de l'entreprise, dès lors, pourrait n'avoir qu'un effet très modeste sur le taux de la couverture de la population.

La réforme de la mutuelle d'entreprise, à l'inverse, pourrait avoir des conséquences importantes sur la composition et la nature des complémentaires santé sur le marché. D'après la DREES, les assurés se répartissaient en deux grandes catégories en 2012 : d'un côté les particuliers couverts par une mutuelle santé privée individuelle ou familiale (54 %), et de l'autre les bénéficiaires d'un contrat collectif (35 %). Au sein de ce dernier ensemble, on note un poids sensiblement similaire des salariés couverts par leur employeur (16 %) et des ayants droit (19 %).

Les prochaines statistiques, en toute logique, devraient montrer un accroissement considérable des contrats collectifs au détriment des formules individuelles, autrefois majoritaires.

Les contrats collectifs plus protecteurs en moyenne

La prévisible montée en puissance des contrats collectifs ne constitue pas nécessairement une mauvaise nouvelle pour les assurés, non seulement parce que leur coût est assumé en partie par l'employeur mais aussi parce que leurs prestations sont globalement meilleures. La DREES note une prise en charge supérieure sur des postes sensibles comme les dépassements d'honoraires, l'optique simple ou complexe, les prothèses et implants dentaires ou encore les audioprothèses.

Comment expliquer ces différences ? Selon l'étude, les salariés assurés via leur employeur bénéficient indirectement du pouvoir de négociation de l'entreprise, bien supérieur à celui qu'ils auraient pu avoir en cas de souscription à une mutuelle individuelle.

Complémentaires santé : un marché en pleine restructuration

Les organismes de complémentaire santé revendiquent un poids économique important dans le système de soins français. Selon la DREES, ils ont assumé en 2014 13,5 % du financement total de la consommation de soins et de biens médicaux : un chiffre stable par rapport à 2012 et 2013 (13,7 %), mais qui a augmenté de façon significative par rapport à 2006 (12,8 %). Cette contribution varie cependant de façon importante selon les postes : le record revient aux différents équipements et « biens médicaux » (fauteuils roulants, prothèses et orthèses, optique, petit matériel de soins …) qui sont financés à 38,9 % par les complémentaires.

Autre réalité : le marché des complémentaires santé connaît des mutations accélérées depuis une quinzaine d'années et se concentre toujours davantage. La DREES dénombre officiellement 573 organismes actifs en 2014 : par rapport à 2001, le nombre de mutuelles a été divisé par trois. Les institutions de prévoyance, quant à elles, sont deux fois moins nombreuses qu'à l'époque. Une tendance liée à la forte concurrence sur le secteur, et qui pourrait s'aggraver avec le déclin des formules individuelles et la capacité des branches professionnelles à émettre des « recommandations » sur le choix des mutuelles d'entreprise.