Vers une pénurie d’électricité en 2016-2017 en France ?

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Difficile donc d'imaginer, comme l'affirme ce jour la même institution dans son rapport annuel et prévisionnel de l'équilibre offre-demande, que la France court un grave risque de pénurie électrique en hiver à compter de 2015 ou 2016. La menace, pourtant, est réelle, même si plusieurs pistes restent ouvertes pour éviter un tel scénario noir.

Un constat alarmant à brève échéance

Un déficit croissant de production dès l'hiver 2015 ?

En prenant en compte l'augmentation tendancielle de la consommation d'électricité observée chaque année, et en la comparant avec la capacité de production prévisionnelle d'électricité en France, RTE pour « Réseau de Transport d'Électricité » table sur une pénurie possible dès l'hiver de 2015-2016. En effet, et si la prochaine saison froide ne devrait causer aucun problème, avec un excédent théorique de 2 900 mégawatts, les foyers français pourraient souffrir l'hiver suivant d'un déficit allant jusqu'à 900 MW au total.

À défaut de modifier quoi que ce soit, la situation ira en s'aggravant pour l'hiver de 2016-2017, puisque le déficit pourrait alors atteindre 2 000 MW. Un chiffre qui n'évoque pas grand chose aux non-initiés mais qui correspond à environ deux fois la consommation d'une grande ville telle que Marseille. Autrement dit, le spectre du « blackout » pourrait prendre une dimension bien réelle, précisément au plus froid de l'hiver et lorsque les foyers auront besoin de se chauffer.

Les raisons d'une pénurie redoutée

Selon l'analyse de RTE, l'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité en France pourrait subir, à brève échéance, les conséquences d'un redoutable effet ciseau. La capacité théorique de production, d'une part, souffre de la fermeture progressive ou de la « mise sous cocon » de nombreuses centrales thermiques fonctionnant au fioul, au charbon ou au gaz. Ce fut le cas par exemple, en 2013, de la centrale de « cycle combiné gaz » de Cycofos, dans les Bouches-du-Rhône.

La rentabilité à l'année de ces installations tend en effet à diminuer, d'abord en raison de la multiplication des énergies renouvelables, ensuite à cause de normes européennes drastiques qui renchérissent leur coût d'entretien, et enfin à cause de la concurrence des gaz de schiste américains, qui font chuter le prix du charbon. En période très froide, pourtant, leur apport reste précieux et irremplaçable.

Du côté de la demande, il convient de rappeler que les foyers français sont dépendants en grand nombre de l'électricité pour assurer leur chauffage, ce qui se traduit par une forte volatilité saisonnière de la consommation : bien que la France ne représente que 15 % de la consommation électrique en temps normal, une baisse de température sur le continent fait bondir la part de notre pays de manière disproportionnée (50 % de la hausse totale de consommation). On peut comparer, à titre d'exemple, le creux enregistré en août 2014, à 29,5 GW, avec le pic de 102 GW enregistré en février 2012.

Les préconisations de RTE

Instaurer le « mécanisme de capacité »

Pour éviter la fermeture ou la désactivation durable des centrales thermiques, RTE recommande fortement de mettre en place un dispositif qui permettrait d'assurer leur rentabilité tout au long de l'année, et plus seulement au cœur de l'hiver. C'est tout l'objectif du mécanisme dit de « capacité », qui doit être instauré en 2016.

Découvrir le mécanisme de capacité en 2024

Concrètement, les fournisseurs d'électricité (EDF, Direct Energie, Lampiris, etc.) devront sous peu démontrer leur capacité à alimenter leur clientèle en toutes circonstances. Pour y parvenir, ils achèteront auprès des producteurs des « certificats de capacité », par lesquels les producteurs s'engagent à fournir une puissance minimale dans les meilleurs délais pour répondre aux besoins.

Il s'agit donc d'une forme de subvention versée aux centrales thermiques, pour qu'elles conservent un intérêt économique à rester opérationnelles. Trois centrales à gaz et six au fioul, de GDF Suez et Poweo, pourraient notamment être intéressées par le dispositif.

Seul bémol : l'achat de ces certificats représentera évidemment un coût, qui pourrait faire grimper en bout de chaîne la facture d'électricité de chaque foyer d'environ 1,5 %.

Rémunérer les reports de consommation

Une autre idée intéressante, mais dont les contours ne sont pas encore définis avec précision, consiste à encourager l' « effacement » de certains consommateurs. Dans les faits, et lors d'un pic de demande, un client industriel ou même un particulier pourraient accepter de différer leur consommation électrique non vitale à une date ultérieure, contre rémunération.

Autres mesures à envisager 

Bien que le nouveau réacteur nucléaire EPR de Flamanville soit annoncé pour une entrée en service en 2016, RTE estime qu'il serait plus prudent de prolonger d'au moins un an la durée de vie de la centrale de Fessenheim, prévue pour un démantèlement la même année.

L'entreprise indique par ailleurs que le choc d'offre et de demande pourra être atténué en poursuivant le développement des parcs éoliens et, bien sûr, les efforts de sensibilisation du public sur les bons gestes pour économiser l'énergie.