Vers des hausses tarifaires annuelles « acceptables » selon EDF

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Le P-DG du fournisseur historique d'électricité, EDF, a l'art de souffler le chaud et le froid mais a aussi le mérite d'annoncer clairement la couleur. Interviewé ce dimanche 18 octobre 2015 à l'antenne de RTL, Jean-Bernard Lévy a confirmé les craintes de nombreux foyers consommateurs d'électricité : oui, le vieillissement du parc nucléaire français va nécessiter des investissements lourds dans les années à venir. Et oui, cet effort va entraîner inévitablement des hausses de tarifs.

Dans le même temps, le dirigeant d'EDF s'engage cependant à ne solliciter que des augmentations « acceptables » aux yeux de la population, déjà fort malmenée par la revalorisation de 2,5 % au 1er août et par la confusion qui règne sur le sujet depuis plusieurs années.

50 milliards d'euros sur 10 ans pour le parc nucléaire

Initialement construites pour la plupart avec une durée de vie prévue de quarante ans, les centrales nucléaires françaises prennent de l'âge et nécessitent progressivement des moyens financiers accrus pour leur entretien. Pour éviter de laisser le parc se dégrader de façon irrémédiable, EDF prévoit dans les dix prochaines années des investissements à hauteur de cinquante milliards d'euros environ.

L'espérance de vie des centrales, ainsi, pourra atteindre cinquante ou même soixante ans. Ce gain de temps éloignera d'autant la perspective de nouveaux chantiers de construction, très coûteux, ou la fermeture pure et simple des vieilles centrales, dont le mix énergétique du pays a encore cruellement besoin. Le P-DG d'EDF réclame d'ailleurs le report de la fermeture de la centrale de Fessenheim à la fin 2018 au plus tôt, là où le gouvernement souhaiterait concrétiser cette promesse présidentielle en 2016. Un nouveau sujet de contentieux en perspective !

Le montant estimé des investissements à réaliser n'est pas définitif, il pourrait encore gonfler au fil des ans. Au point que Jean-Bernard Lévy finit par reconnaître, de façon assez étonnante, qu'« on verra à la fin combien on a dépensé ». Dans le même temps, cependant, l'opérateur historique a la ferme intention de réaliser un grand ménage intérieur, et notamment de passer en revue l'ensemble de ses actifs, pour céder le superflu et ne conserver que les installations non productrices de dioxyde de carbone, c'est-à-dire le nucléaire et les énergies renouvelables.

Des hausses tarifaires inévitables…

Dans un tel contexte, l'augmentation des tarifs réglementés de vente de l'électricité apparaît comme une conséquence logique et inévitable. Jean-Bernard Lévy, dans son interview, rappelle à juste titre que le prix de l'électricité en France est maintenu depuis des décennies à un niveau beaucoup plus bas que dans la majorité des autres pays européens. Un état de grâce rendu possible grâce au recours massif à des centrales nucléaires encore jeunes, à comparer par exemple avec l'Allemagne et la part beaucoup plus importante représentée par certaines énergies fossiles comme le charbon.

Le P-DG d'EDF va même plus loin et soutient que l'augmentation à venir du coût de l'électricité concernera toute l'Europe, et que la France est loin d'être la moins bien lotie à ce sujet. Les engagements pris par les différents États en termes de réduction des gaz à effet de serre vont en effet contraindre plusieurs d'entre eux à augmenter considérablement la part de la production d'électricité liée aux énergies non carbonées, alors que la France est déjà bien placée grâce à l'électricité nucléaire.

…mais qui doivent rester « acceptables »

La dernière augmentation des tarifs réglementés de vente de l'électricité remonte au 1er août 2015, et avait atteint 2,5 %. Soit bien loin des recommandations de la commission de régulation de l'énergie (CRE), qui plaidait quant à elle pour une revalorisation comprise entre 3,5 % et 8 % afin de mieux intégrer les charges supportées par EDF. Jean-Bernard Lévy approuve aujourd'hui implicitement ce choix, et estime qu'une hausse supérieure n'aurait pas été supportable pour de nombreux foyers menacés par la précarité énergétique.

C'est la raison pour laquelle EDF, par la voix de son P-DG, s'engage à ne réclamer au cours des prochaines années que des hausses « acceptables » des tarifs. Les projections d'investissement de l'opérateur historique devraient prendre en compte cette exigence de modération, et ne pas surestimer les rentrées d'argent à attendre de la part des clients.

Reste bien sûr à définir plus précisément ce qu'est une augmentation acceptable ! Dans les faits, EDF devrait baser ses futures demandes de revalorisation en prenant davantage en compte le contexte économique, et notamment le taux d'inflation : une bonne nouvelle pour les ménages qui ont l'impression de consacrer une part de plus en plus importante de leur budget à leur facture d'électricité.

Pas de risque de coupure cet hiver

Jean-Bernard Lévy a profité de son passage dans les médias pour rassurer et mettre un terme aux rumeurs évoquant la possibilité d'un « blackout » cet hiver en cas de grand froid.

Les moyens de production, selon lui, sont « suffisants » pour faire face à un épisode climatique extrême. Cette déclaration peut s'analyser comme une réponse aux inquiétudes exprimées par Réseau de transport de l'électricité (RTE) dans un bilan prévisionnel paru en septembre 2014. Le rapport évoquait notamment le risque d'une pénurie d'énergie dès l'hiver 2016-2017, avec un déficit de 2 000 MW environ en cas de froid prolongé.