ERDF attaque en justice une commune opposée à Linky

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Avec 35 millions d'unités à poser d'ici 2021 pour un budget prévisionnel de plus d'un milliard d'euros, les enjeux liés à l'installation du nouveau compteur communicant « Linky » sont d'importance. Le distributeur ERDF se passerait donc volontiers des réticences manifestées de plus en plus ouvertement par certaines communes. Celles-ci s'inquiètent de la propagation d'ondes néfastes ou des atteintes à la vie privée, et cela malgré les conditions posées par la CNIL concernant le stockage des données par Linky.

Pour la toute première fois, l'entreprise vient de former un recours en justice contre la délibération d'un conseil municipal défavorable à Linky. ERDF espère que cette décision restera exceptionnelle et qu'elle ne remettra pas en cause sa stratégie habituelle de dialogue et de conciliation avec les municipalités récalcitrantes.

ERDF forme un recours devant le tribunal administratif

ERDF, gestionnaire du réseau de distribution d'électricité sur 95 % du territoire et responsable du déploiement de Linky, a annoncé le 15 avril dernier déposer un recours devant le tribunal administratif de Melun, en Seine-et-Marne. L'entreprise entend contester la légalité d'une délibération votée le 17 décembre 2015 par le conseil municipal de Varennes-sur-Seine. Cette délibération interdit en effet le déploiement du compteur communicant sur son territoire et exige au préalable des « résultats plus complets sur les contraintes, dangers et risques » présentés par l'appareil.

Si la petite commune n'est pas la première à prendre une telle initiative, elle a cependant poussé l'opposition très loin, allant jusqu'à organiser vendredi dernier une réunion publique intitulée « ERDF sait et nous ment sciemment » sans y avoir convié les représentants du distributeur. C'est cette « rupture de dialogue » qui a convaincu ERDF de franchir le pas d'un recours en justice.

Le cas est-il vraiment amené à demeurer exceptionnel ?

La fronde contre le compteur Linky est animée depuis ses débuts par Stéphane Lhomme, conseiller municipal à Saint-Macaire en Gironde, l'une des premières communes à avoir voté une délibération hostile à l'appareil. Le site Internet conçu pour l'occasion recense à ce jour un total de 101 communes réfractaires, qui ont déjà voté un texte d'interdiction ou envisagent simplement de le faire.

ERDF souhaite autant que possible privilégier « la voie du dialogue sous la forme d'un recours gracieux ». Par « dialogue », l'entreprise entend l'envoi d'un courrier demandant le retrait des délibérations concernées ou tout simplement l'organisation d'un rendez-vous d'information. Selon toute vraisemblance, la détermination de certains conseils municipaux devrait cependant obliger le distributeur à multiplier les recours devant la justice administrative dans les années à venir. Varennes-sur-Seine est la première municipalité visée pour la seule raison que le déploiement y était prévu de façon imminente. Dans les autres communes concernées, ERDF dispose encore de temps pour convaincre.

ERDF multiplie les initiatives pour rassurer

Outre les problématiques liées à la protection de la vie privée, l'opposition des élus est motivée par l'absence d'étude d'impact sur l'installation de Linky à grande échelle. Les principales craintes concernent les effets potentiels sur la santé humaine du courant porteur en ligne (CPL), une technologie utilisant les câbles du réseau électrique traditionnel pour diffuser un signal informatique d'une fréquence de 75 kHz. À l'instar de Varennes-sur-Seine, la plupart des communes réfractaires réclament le respect d'un « principe de sobriété électromagnétique », prolongation du principe de précaution.

Pour rassurer les nombreuses communes qui se posent des questions, ERDF entend bien tirer parti des quelques 620 000 compteurs déjà installés à ce jour. Le distributeur a déjà annoncé qu'il autorisait des laboratoires indépendants à mener des tests et des relevés électromagnétiques sur tous les compteurs déjà posés.

Le distributeur est-il dans son droit ?

Tout semble indiquer que ERDF obtiendra gain de cause auprès de la juridiction administrative. Le distributeur pourra notamment s'appuyer sur le soutien de l'ensemble des préfectures, qui ont une lecture commune du dossier.

L'installation de Linky se fonde en effet sur une disposition législative nationale, qui a une force supérieure aux décisions locales prises par les conseils municipaux. Reste à savoir si une validation par le tribunal administratif suffira à apaiser les esprits dans les communes les plus farouchement opposées au projet.

Linky inquiète en France... et séduit à l'étranger

Mal-aimé dans l'Hexagone, le compteur communicant Linky semble éveiller l'intérêt d'un nombre croissant d'acteurs du marché de l'électricité hors des frontières françaises. C'est du moins ce qui ressort d'une réunion récente organisée à Paris par les membres de l'association internationale Alliance CPL-G3, qui s'intéresse aux potentialités du courant porteur en ligne et regroupe laboratoires, universités et électroniciens.

Les composants de Linky étant fabriqués et assemblés par des entreprises implantées en France (Sagemcom, Ziv, Groupe Cahors, Itron, Elster...), une exportation du modèle à l'étranger constituerait une bonne nouvelle pour l'économie nationale.