Quand EDF demande à l’État une nouvelle hausse de ses tarifs

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Les symptômes se font encore discrets, mais EDF est bel et bien malade et requiert de toute urgence l'attention de l'État. Voilà comment peut se résumer, en substance, le message délivré par le P-DG du groupe, Jean-Bernard Lévy, à l'occasion de la publication officielle de ses résultats 2015, ce mardi 16 février.

Malmené depuis plusieurs années par une politique gouvernementale de faible augmentation des tarifs réglementés de l'électricité, EDF ne parviendrait plus à couvrir ses lourdes charges dans les années à venir. Le fournisseur historique d'électricité français plaide donc pour une revalorisation de la facture de ses clients tout en soulignant, bien sûr, ses propres efforts en matière d'économies et d'investissements pour l'avenir.

Un bilan mitigé pour EDF en 2015

Les résultats financiers d'EDF pour l'exercice 2015, présentés en début de semaine, apparaissent assez contrastés. Le résultat brut d'exploitation connaît une progression notable de 3,9 % et atteint 17,6 milliards d'euros, soit bien davantage que ce qui avait été anticipé par la direction du groupe.

Cependant, les différents médias se sont surtout focalisés sur le bénéfice net de l'entreprise, qui fond comme neige au soleil. L'indicateur s'établit à 1,2 milliard d'euros en 2015, c'est environ trois fois moins qu'en 2014 ! En poursuivant à ce rythme, le groupe pourrait donc tout à fait afficher des comptes dans le rouge en 2016. Signe qui ne trompe pas : l'État français – actionnaire à 84,5 % – a renoncé pour la première fois au versement de ses dividendes au profit de nouveaux titres pour 1,8 milliard d'euros.

EDF plaide pour une hausse des tarifs de l'électricité…

La baisse de profitabilité du groupe a plusieurs causes bien identifiées. Selon Jean-Bernard Lévy, une première cause est la baisse tendancielle du prix de l'électricité depuis plus d'un an sur le marché de gros. Alors qu'il flirtait encore avec les 40 € à la fin 2014, le coût de 1 MWh s'établit à environ 28 € à l'heure actuelle. Rien d'étonnant pour un marché que le P-DG juge « en surcapacité » et qui connait une stagnation de la consommation d'électricité (plus grande performance énergétique des logements, désindustrialisation…) couplée à une augmentation régulière des capacités de production. Le manque à gagner pour EDF serait « tout à fait gérable » jusqu'à la fin 2016 mais deviendrait ensuite de plus en plus lourd, sauf à « purger l'excédent de capacités en Europe ».

La hausse des tarifs réglementés de vente, notamment sur la période 2012-2013, n'a par ailleurs pas aidé le groupe à maintenir ses comptes à flot. L'augmentation du prix de l'électricité au 1er août 2015 consentie par le gouvernement (+ 2,5 %) est en tout cas jugée insuffisante par EDF – et par la CRE – pour faire face de manière réaliste à ses charges croissantes. Le P-DG du groupe appelle donc à ce « qu'un autre pas soit franchi pour contribuer au rattrapage du manque à gagner ». Selon certaines sources, une revalorisation allant jusqu'à 8 % pourrait être demandée pour cette année.

La ministre de l'Énergie, Ségolène Royal, s'est empressée d'adresser une fin de non-recevoir à cette demande. Elle a précisé assez sèchement que le groupe EDF devait trouver davantage de sources d'économies en interne et cesser de solliciter les consommateurs. Mais aura-t-elle le dernier mot ? Rappelons que ce n'est plus le gouvernement qui fixera les tarifs réglementés de l'électricité à la prochaine échéance mais la Commission de Régulation de l'Énergie (CRE). Or celle-ci soutient depuis longtemps une plus forte augmentation des tarifs réglementés...

…et remet en cause le modèle de marché

La libéralisation du marché de l'électricité, engagée depuis près de vingt ans par l'Union européenne, est-elle réellement la panacée ? La direction d'EDF ne se prive pas aujourd'hui de souligner les effets pervers de ce processus, allant jusqu'à parler de « dysfonctionnements » sérieux. La situation de surcapacité du marché, directement responsable de la baisse des prix, réduirait de façon dramatique les capacités d'investissement des fournisseurs dans leur ensemble. Selon Jean-Bernard Lévy, ceux-ci ne parviendraient plus guère qu'à « couvrir leurs coûts variables », au détriment des dépenses pour l'avenir des réseaux et des infrastructures.

Pour le P-DG, une solution consisterait à « réformer le modèle de marché » et notamment offrir aux opérateurs une meilleure visibilité à long terme sur le prix de l'énergie pour les aider à planifier leurs investissements.

Vers une poursuite des investissements et des économies

En tout état de cause, les efforts demandés aux Français devraient s'accompagner de nouvelles économies au sein d'EDF. Le groupe vient de boucler un premier plan de réduction des coûts évalué à 300 millions d'euros et entend poursuivre sur cette voie. Il a fixé plusieurs chantiers déjà polémiques, dont notamment le réaménagement du temps de travail des cadres de l'entreprise.

Côté investissements, la priorité sera donnée dans les prochaines années à l'entretien et à l'allongement de la durée de vie du parc des centrales nucléaires, ainsi qu'à la finalisation du projet d'extension de Flamanville. Hormis la fermeture de deux réacteurs, aucun démantèlement n'est donc attendu dans les dix prochaines années selon Jean-Bernard Lévy. EDF confirme également les engagements pris sur le dossier des deux réacteurs EPR britanniques et sur la reprise partielle des activités d'Areva.