Qui sont GRTgaz et TIGF qui gèrent le réseau de transport de gaz ?
Avant de parvenir dans les réseaux secondaires de distribution de chaque bassin local, gérés par GRDF et quelques autres distributeurs, la précieuse énergie fossile doit être convoyée sur de longues distances et en grande quantité à travers tout le territoire national.
Cette mission délicate est assurée par les gestionnaires du réseau de transport de gaz qui, en France, ont la particularité d'être au nombre de deux : GRTgaz est l'acteur dominant, tandis que TIGF assure sa mission exclusivement dans le quart sud-ouest du pays.
GRTgaz, TIGF : une dualité qui s'explique par un particularisme historique
Le marché du gaz naturel a été bouleversé en France au milieu des années 1950, avec la découverte d'un gisement important sous la commune de Lacq, dans le département des Pyrénées-Atlantiques. Les autorités publiques confient alors l'exploitation de la zone à la Société Nationale de Gaz du Sud-Ouest (GSO), qui obtient également le droit de commercialiser elle-même ce gaz dans toute la zone sud-ouest de la France. Sur le reste du territoire, la vente du gaz extrait à Lacq relève en revanche de la compétence d'une autre entreprise, la Compagnie Française du Méthane (CFM). Les deux entreprises, jusqu'au début des années 2000, restent des filiales communes de GDF et de Total.
À la faveur de la libéralisation progressive du marché du gaz et de l'électricité, la Commission de régulation de l'énergie a estimé en 2004 que la situation devait être clarifiée, et la concurrence renforcée par l'intermédiaire d'une séparation plus nette entre les deux géants de l'énergie. De ce fait, et à compter du 1er janvier 2005, Total a acquis la pleine et entière propriété de GSO, tandis que GDF (qui devient GDF Suez en 2008) obtenait la totalité des parts de la CFM. GSO, par la même occasion, est rebaptisée TIGF.
Le gisement de Lacq, à l'origine de cette organisation en deux entités, a quant à lui été épuisé en 2013.
Les missions des gestionnaires du réseau de transport gaz
Les deux gestionnaires du réseau de transport de gaz ont à leur charge l'utilisation, l'entretien et la sécurité de la totalité des canalisations de gaz les plus importantes du pays, c'est-à-dire celles dont le diamètre est supérieur ou égal à huit centimètres (sachant que les plus volumineuses peuvent atteindre jusqu'à 1,20 mètre de diamètre). La pression dans ces gazoducs est variable, mais ne descend jamais en-dessous de 20 bar et peut atteindre quasiment 100 bar. On distingue généralement le réseau « principal » ou « national », qui rassemble les plus grosses de ces canalisations, et le réseau « régional », un peu moins important en termes de volume et de débit.
Les principales missions de service public des deux transporteurs consistent à assurer la continuité de l'alimentation sur l'intégralité du territoire, à gérer efficacement les pics de consommation en saison froide et à développer le réseau en fonction des besoins. GRTgaz et TIGF s'engagent aussi à privilégier des méthodes de transport qui protègent à la fois les citoyens et l'environnement (conduites enterrées, notamment). Les GRT, par ailleurs, alimentent directement en gaz les plus gros clients industriels du pays.
Attention : dans la famille des acteurs du gaz naturel en France, les gestionnaires du réseau de transport (GRT) sont à distinguer des gestionnaires du réseau de distribution (GRD), comme GRDF et différents distributeurs locaux, qui prennent le relais en fin de course et assurent quant à eux la desserte locale des clients jusqu'à leur compteur. Il s'agit donc d'une différence d'échelle. Toutefois les GRD, comme les GRT, respectent une même obligation de neutralité vis-à-vis des différents fournisseurs de gaz auprès desquels les clients peuvent s'abonner (GDF Suez, Direct Énergie, Eni, Antargaz…).
Un territoire national réparti en trois zones
Afin de rationaliser le transport du gaz à grande échelle, le territoire français métropolitain est divisé en trois grandes zones dites « d'équilibrage ». Chaque zone doit se caractériser par un volume égal dans les entrées et les sorties de gaz. Les deux plus vastes sont placées sous la responsabilité de GRTgaz : il s'agit des zones GRTgaz Nord et Sud. La zone TIGF, enfin, couvre le quart sud-ouest de la France.
Détail de l'activité
GRTgaz, filiale de GDF Suez, est l'acteur majeur du transport de gaz en France. L'entreprise gère à elle seule un réseau de canalisations d'une longueur totale de 32 200 kilomètres environ, dont 7 000 kilomètres sur le réseau principal et 25 000 kilomètres sur le réseau régional. Les quantités de gaz transportées atteignent 583 térawatt-heure (TWH) en 2014. Le chiffre d'affaires de GRTgaz, en progression constante, a dépassé le cap des 2 milliards d'euros en 2014. À la différence de son homologue du sud-ouest, le transporteur tire quasi exclusivement ses revenus du transport de gaz, et ne pratique pas de stockage (cette activité, au sein du groupe GDF Suez, est réservée à Storengy).
TIGF, compétent sur la seule zone d'équilibrage sud-ouest, présente en conséquence des dimensions plus modestes. Avec 5 058 kilomètres de canalisations à sa charge, l'entreprise gère 14 % du réseau de transport national, et transporte 16 % du gaz qui transite en France. Son chiffre d'affaires a atteint 368 millions d'euros en 2013, et le transporteur compte par ailleurs 120 clients industriels directs (contre plus de 800 pour GRTgaz). Sa particularité, toutefois, est d'exercer en parallèle une activité de stockage du gaz grâce à deux sites distincts (Lussagnet dans les Landes et Izaute dans le Gers). TIGF en tire près de la moitié de son chiffre d'affaires.
Actionnariat
GRTgaz n'est plus détenue à 100 % par GDF Suez. La maison-mère ne conserve à l'heure actuelle, en effet, que 75 % du capital. Le quart restant est détenu par un consortium de droit public composé de différents investisseurs, dont la Caisse des Dépôts et Consignations, CDC Infrastructure et enfin CNP Assurances.
TIGF, de son côté, a été cédé par Total en avril 2013 à un autre consortium qui comprend notamment le transporteur de gaz italien Snam, EDF et le fonds souverain de Singapour.
Quels chantiers pour l'avenir ?
Faisant suite à une première interconnexion avec le réseau espagnol réalisée en 2010, TIGF entend poursuivre le développement du réseau de transport de gaz dans le sud-ouest de la France. Un programme d'investissement prévoit le déblocage de 400 millions d'euros entre 2012 et 2021 pour compléter la liaison entre Bilbao et le site de stockage de Lussagnet, dans les Landes. Cette « artère du Béarn » va considérablement améliorer la qualité des échanges d'énergie entre les deux pays.
GRTgaz mise, dans les prochaines années, sur le raccordement d'un nombre croissant de centrales de production d'électricité à partir de gaz. Ces nouveaux sites, qui émettent deux fois moins de CO2 qu'une centrale à charbon à la production équivalente, représentent un apport essentiel pour pallier la faible puissance et l'intermittence des énergies 100 % renouvelables, comme l'éolien et le photovoltaïque.
La filiale de GDF Suez s'intéresse par ailleurs de très près aux potentialités d'une nouvelle technologie baptisée « Power to gas » : selon ce modèle, la production excédentaire d'électricité au niveau national pourrait permettre de produire en grande quantité, par électrolyse de l'eau, de l'hydrogène qui pourrait être ensuite réinjecté dans le réseau de transport du gaz. À la clé, une moindre dépendance vis-à-vis des pays exportateurs de gaz et un moindre gaspillage de l'énergie.