Vers une nouvelle baisse de la rémunération du livret A ?

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Mise à jour au 21 juillet : le gouvernement a finalement suivi les recommandations du gouverneur de la Banque de France, annonçant sa décision de faire passer de 1 % à 0,75 % la rémunération du Livret A. Un plus-bas historique qui s'explique principalement par la faiblesse de l'inflation.

Avec son caractère sans risques, sa disponibilité immédiate et son absence de fiscalité et de prélèvements sociaux, le livret A reste l'un des moyens d'épargne garantie préféré des Français, et cela malgré le net recul de sa rémunération.

Alors que se pose la question de la révision de son taux d'intérêt, prévue pour le 1er août, de nombreux observateurs insistent pour l'abaisser à nouveau. Le taux du livret A descendra-t-il pour la première fois sous la barre symbolique des 1 % ? Quels enjeux motivent cette baisse potentielle ?

Un taux d'intérêt surévalué par rapport à sa méthode de calcul...

Depuis 2008, la rémunération du livret A est fixée en fonction du résultat le plus élevé une fois arrondi au quart de point le plus proche, parmi ceux calculés selon deux formules :

  1. La première augmente simplement le taux d'inflation (hors tabac) d'un quart de point
  2. La seconde correspond à la moyenne arithmétique du taux d'inflation et de la somme divisée par deux des moyennes mensuelles de l'Euribor 3 mois et de l 'Eonia

Si la Banque de France choisit de suivre le taux déterminé par ce calcul, il s'applique sans autre consultation. En revanche, si elle souhaite y déroger et suggère un taux différent, la décision revient au gouvernement.

En pratique, c'est souvent ce dernier cas de figure qui prime. Ainsi, alors que le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, préconisait en début d'année d'abaisser la rémunération du livret A à 0,75 %, soit un taux déjà supérieur au résultat de la formule mathématique, le gouvernement avait finalement tranché pour son maintien à 1 %.

... jugé préjudiciable par la Banque de France

Si l'indice d'inflation, qui sera connu le 15 juillet, conserve son niveau de progression de mai (0,3 % sur un an), la formule de calcul plaidera pour l'application d'un taux de 0,5 % au livret A à compter d'août. Cette fois, même s'il attend les chiffres définitifs pour se prononcer, Christian Noyer a fait savoir qu'il est pour lui « hors de question que le taux ne baisse pas au cours de l'année ».

« La BCE met en place des moyens considérables pour faire redémarrer l'économie et remonter l'inflation, [...] il n'est pas acceptable que l'épargne réglementée soit un obstacle de plus en plus fort à cette évolution » déclare-t-il, citant en particulier la baisse du taux directeur de la BCE de 0,15 % à 0,05 % entre septembre et juin 2014.

La Banque de France pointe également du doigt le coût que représente la surévaluation du taux du livret A pour les banques en raison de son influence sur le taux des autres livrets qu'elles distribuent.

La CDC attend une diminution du taux du livret A

Dans une interview accordée au JDD, le directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations, Pierre-René Lemas, jusque-là réservé sur le sujet, a lui aussi plaidé pour « un taux qui soit le plus bas possible pour financer le logement social ».

En effet, si une partie de l'encours lié au livret A reste à la disposition des banques qui doivent les utiliser pour financer les PME ou des travaux d'économie d'énergie, la majorité des sommes collectées est centralisée par la CDC pour financer des prêts à long terme liés à des besoins d'investissement d'intérêt général, dont en particulier des logements sociaux.

Une baisse du taux de rémunération du livret A permettrait une baisse du taux des prêts accordés par la CDC pour ces investissements, ce qui les rendrait plus accessibles. Parmi les facteurs du « maintien de flux de prêts au logement social et à la politique de la ville élevé », le dernier rapport de l'Observatoire de l'épargne réglementé cite ainsi « la baisse du taux du livret A de 1,25 % à 1 % au 1er août 2014 [qui] a contribué à réduire le coût des emprunts proposés ».

Face à un problème complexe, les avis ne sont pas unanimes

S'il est communément admis que la baisse du taux du livret A permettrait celle du taux des prêts accordés par la CDC pour le financement des projets d'interêts généraux, certains observateurs craignent qu'elle impacte également la somme totale allouée à ces prêts.

En effet, cette somme dépend de l'encours lié à ce produit d'épargne et une rémunération trop basse pourrait engendrer une désaffection des Français. De fait, le rapport de l'Observatoire annuel de l'épargne réglementée pour 2014 indique déjà un recul du nombre d'ouverture de livrets A à 2,7 millions, contre 2,9 millions en 2013 et 5,2 millions en 2012.

L'union des syndicats CGT de la CDC conteste par ailleurs la méthode de calcul du taux du livret A qui « certes, tient compte du niveau de l'inflation et des marchés de taux mais ignore, par exemple, l'évolution du pouvoir d'achat des ménages qui a baissé ces derniers mois ».

Le gouvernement reste prudent

À l'approche des élections régionales, le gouvernement, qui s'est exprimé sur la question à travers une déclaration de Manuel Valls, pourrait à nouveau invoquer la protection de l'épargne populaire pour maintenir le taux du livret A au-dessus de ce que préconise la Banque de France.

« Nous serons saisis d'une proposition du gouverneur de la Banque de France à la mi-juillet mais le gouvernement, vous le savez, est sensible au pouvoir d'achat des Français, et notamment des plus modestes », a déclaré le Premier ministre. « C'est sur ces bases-là que nous déciderons ».