FICOVIE : un nouveau fichier pour lutter contre la fraude fiscale

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Similaire au FICOBA des comptes bancaires, le fichier FICOVIE agrégera l'ensemble des données relatives aux assurances-vie. Quelles informations figureront dans ce fichier et quelles seront les conséquences pour les souscripteurs de ces contrats ?

Pourquoi créer un fichier central des assurances-vie ?

L'idée d'un fichier centralisé des contrats d'assurance-vie est née des préconisations du rapport Berger-Lefebvre présenté en avril 2013 et portant sur l'épargne financière et sur les besoins de financement de l'économie.

Le rapport proposait la création d'un tel fichier parmi plusieurs mesures visant notamment à « consolider la confiance des Français dans l'assurance-vie » et « inciter aux placements longs et plus risqués pour répondre aux besoins de financement des PME, des ETI et du secteur du logement ». La centralisation des informations relatives aux contrats d'assurance-vie a par ailleurs été estimée « utile à une meilleure connaissance et un meilleur suivi des comportements d'épargne des ménages ». Elle permettra de plus de lutter contre la fraude fiscale en facilitant le contrôle des taxes et impôts auxquels sont soumis les revenus d'une assurance-vie mais aussi l'évaluation du patrimoine soumis à l' ISF . Enfin, le fichier FICOVIE devrait résoudre le problème des contrats d'assurance-vie en déshérence, c'est-à-dire non-réclamés après le décès du souscripteur.

Suite aux recommandations du rapport Berger-Lefebvre, la création du fichier FICOVIE a été prévue par un décret voté dans le cadre de la loi de finances de 2013. Le contenu et les modalités de déclaration des informations inscrites dans ce fichier ont ensuite été définis dans un décret daté du 30 mars 2015 et publié le 31 mars au Journal officiel.

Les informations inscrites dans le fichier FICOVIE

Jusqu'au 31 décembre 2015, les entreprises distributrices d'assurance-vie ont pour seules obligations de déclarer les sommes versées aux bénéficiaires en cas de décès de l'assuré et les revenus occasionnés par un rachat des contrats, soumis à l'impôt sur le revenu.

Le décret instituant le fichier FICOVIE renforce ces obligations déclaratives en s'inspirant du FICOBA qui recense les comptes de toute nature (bancaires, postaux, d'épargne…) ouverts sur le territoire national, et permet ainsi au fisc d'obtenir des informations sur les comptes détenus par une personne ou une société.

FICOVIE contiendra toutes les données personnelles (nom, prénom, adresse, date et lieu de naissance) du souscripteur, du ou des assurés et du ou des bénéficiaires d'un contrat ou placement. L'identité et la domiciliation de l'organisme auprès duquel a été souscrit le contrat seront également mentionnées, ainsi que la nature du contrat, sa référence ou son numéro de police, et la date de la souscription. Devront enfin être précisées la date et la cause en cas de dénouement du contrat ou du placement, sans oublier le montant des sommes, rentes ou valeurs quelconques à verser à chacun des bénéficiaires.

FICOBA : Le fichier des comptes bancaires et assimilés

Placé sous la responsabilité de la DGFIP , le fichier FICOBA repose sur une obligation déclarative imposée aux établissements bancaires. D'après la définition donnée par la CNIL , son rôle consiste à « recenser l'ensemble des données relatives aux ouvertures, modifications et fermetures de comptes bancaires de toutes natures et à fournir aux personnes habilitées des informations sur les comptes détenus par une personne ou une société ».

Le fichier FICOBA inclut l'identité du ou des titulaires du compte ainsi que les principales caractéristiques de celui-ci : numéro, nature, type de solde (négatif ou positif), date et nature des opérations d'ouverture, de clôture ou de modification... Il ne contient en revanche aucune information sur les opérations de débit ou de crédit ou sur le solde lui-même.

Processus de collecte des informations

À partir du 1er janvier 2016, chaque compagnie d'assurance ou organisme assimilé établi en France sera tenu de transmettre l'ensemble des informations collectées sur ses contrats à l'administration fiscale. Pour des contrats souscrits auprès d'organismes établis hors de France, c'est en revanche aux souscripteurs de déclarer ces renseignements en même temps que leur déclaration de revenus.

En plus du signalement dans un délai de 60 jours de toute souscription ou tout dénouement d'un contrat, les assureurs et organismes assimilés devront communiquer chaque année :

  • Pour les contrats d'assurance-vie non rachetables souscrits depuis le 20 novembre 1991 : le montant cumulé des primes versées entre le 70ème anniversaire du souscripteur et le 1er janvier de l'année de la déclaration, lorsque ce montant est supérieur ou égal à 7 500 €
  • Pour les autres contrats (quelle que soit leur date de souscription) : le montant cumulé des primes versées au 1er janvier de l'année de la déclaration ainsi que la valeur de rachat ou le montant du capital garanti, y compris sous forme de rente viagère, quand ce montant égale ou excède 7 500 €

Pour l'année 2016, ces renseignements devront au plus tard être transmis avant le 15 juin 2016, date constituant également la limite pour déclarer les contrats souscrits et non dénoués avant le 1er janvier 2016.

FICOVIE : quelles incidences pour les souscripteurs d'assurance-vie ?

Avec le fichier FICOVIE, l'administration fiscale disposera au 15 juin 2016 d'un outil permettant de suivre les activités d'épargne de propriétaires d'assurance-vie et cela de la création de leur contrat à son terme. Les notaires chargés des successions le consulteront dès le 1er janvier, ce qui constituera un grand pas dans la lutte contre la déshérence des contrats d'assurance-vie.

Si certains évoquent également une volonté de lutte contre le blanchiment d'argent, pour beaucoup d'observateurs, l'une des premières conséquences de la mise en place de ce fichier sera probablement une vague d'importants redressements fiscaux visant des contribuables possédant de gros contrats d'assurance-vie qu'ils omettaient jusque-là de déclarer… un redressement proportionnel à leur oubli. Les bénéficiaires de petits contrats d'assurance-vie n'échapperont plus non plus aux déclarations d'assiettes taxables après le décès d'un assuré. Selon Jérome Krausz, expert Banque & Crédit chez jechange, il n'y a cependant pas lieu de s'inquiéter, « la mise en place du fichier FICOVIE n'aura un réel impact que sur les personnes qui auraient souhaité échapper au paiement de l'ISF, ou ayant des fonds dont elles ne pourraient pas justifier la provenance » assure-t-il.

Enfin, l'inclusion dans le fichier des données personnelles des assurés et le traitement entièrement dématérialisé de la collecte d'informations soulèvent le problème de la confidentialité de ces données et de leur utilisation. Saisi à ce propos fin 2013, le Conseil constitutionnel a toutefois estimé que la création du fichier FICOVIE « ne porte pas au droit au respect à la vie privée une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi » … ce qui ne réfute pas catégoriquement l'existence d'une atteinte à la vie privée.