Les opticiens vont pouvoir vendre des lunettes sans ordonnance

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Trois mois, six mois voire même un an… Pour obtenir un rendez-vous dans le cabinet d'un ophtalmologiste, les délais d'attente sont presque devenus proverbiaux ! Ce qui n'est pas sans poser problème lorsque la demande du patient consiste en une simple visite de routine pour réaménager la correction des verres, ou pour passer des lunettes aux lentilles de contact.

Comment libérer du temps pour ces professionnels de santé, rares et précieux, afin de les réorienter vers le traitement des pathologies oculaires les plus sérieuses ? Un décret du 12 octobre 2016 offre un début de réponse de la part des autorités publiques, en transférant directement aux opticiens-lunetiers une partie des compétences de l'ophtalmologiste. Les vendeurs de lunettes pourront désormais faire évoluer librement la puissance de correction des lentilles de contact avant une nouvelle commande, voire même fournir de nouvelles lunettes sans aucune ordonnance en cas d'urgence manifeste.

Un objectif : désengorger les cabinets des ophtalmologistes

Le décret n° 2016-1381 du 12 octobre 2016, relatif aux conditions de délivrance de verres correcteurs ou de lentilles de contact, s'inscrit clairement dans une volonté d'améliorer l'accès aux soins dans le domaine de l'optique. Le manque d'ophtalmologistes en exercice, dans certaines régions, se traduit en effet par un allongement incontrôlé des délais d'attente. Un état de fait qui peut se révéler préjudiciable à la santé oculaire des Français, laquelle est d'ailleurs de plus en plus mise à mal par l'utilisation des écrans.

Si le délai moyen pour obtenir un rendez-vous est actuellement de 85 jours selon le ministère de la Santé, un baromètre réalisé par Point Vision révèle une situation très contrastée selon les régions françaises. Les habitants des Alpes-Maritimes, par exemple, semblent parmi les moins à plaindre avec un délai moyen inférieur à un mois. Dans certains départements atteints par la désertification médicale, comme la Corrèze ou le Cantal, les patients doivent en revanche se montrer beaucoup plus patients, et attendre plus de neuf mois ! Une « fracture sanitaire » régulièrement dénoncée par ailleurs par certaines associations de consommateurs, au rang desquelles l'UFC-Que Choisir.

Un rallongement de la durée de validité des ordonnances

Première évolution apportée par le décret : il ne sera plus nécessaire, pour un jeune adulte, de retourner voir l'ophtalmologiste aussi souvent qu'auparavant pour une nouvelle paire de lunettes. Pour les patients âgés de 16 à 42 ans (à la date de l'ordonnance), la durée de validité des ordonnances de l'ophtalmologiste passe de trois à cinq ans. Il est donc désormais possible de vous présenter chez votre opticien pour renouveler une paire de lunettes même si votre ordonnance est très ancienne.

En revanche, aucune modification n'est à noter pour les patients âgés de moins de 16 ans, et pour lesquels l'ordonnance ne reste valide qu'une seule année afin de tenir compte de l'évolution parfois rapide de l'acuité visuelle pendant l'enfance et l'adolescence. Les patients âgés de plus de 42 ans, quant à eux, continuent à bénéficier de la durée de validité « standard » de trois ans.

La possibilité pour les opticiens d'adapter les lentilles de contact…

Tout comme ils étaient déjà autorisés à le faire depuis 2007 pour les lunettes correctrices, les opticiens pourront désormais faire évoluer le degré de correction et la puissance de vos lentilles de contact. Lorsque le client juge que ses lentilles actuelles ne suffisent plus à lui assurer une bonne qualité de vision, l'opticien pourra lui faire passer lui-même un examen de la réfraction, à moins que l'ophtalmologiste ne s'y soit explicitement opposé dans son ordonnance.

Attention : pour bénéficier de cette facilité, et comme pour les lunettes, vous devrez toujours justifier d'une ordonnance récente de l'ophtalmologiste (moins de trois ans pour les patients âgés de plus de 16 ans, et moins d'un an pour les plus jeunes).

Après examen, l'opticien passe alors commande de nouvelles lentilles de contact adaptées à l'évolution de la vue de son client, non sans avoir pris le soin de retranscrire sur l'ordonnance cette adaptation et d'« en informer le médecin prescripteur par tout moyen ».

…et de fournir en urgence une paire de lunettes sans ordonnance

Comment apporter une solution aux particuliers qui perdent ou brisent leur unique paire de lunettes et n'ont aucune ordonnance récente de l'ophtalmologiste pour commander de nouveaux verres ? Pour éviter à de nombreuses personnes de vivre plusieurs semaines ou même plusieurs mois sans aucune correction – avec tous les problèmes que cela implique pour la vie quotidienne ou la conduite de véhicules – le décret se veut pragmatique. En effet, ce dernier permet désormais aux opticiens de délivrer de nouvelles lunettes sans ordonnance, mais uniquement « lorsque l'urgence est constatée et en l'absence de solution médicale adaptée ».

La possibilité vaut pour tous les verres correcteurs d'amétropie (astigmatisme, myopie et hypermétropie). Notez qu'il s'agit bien d'une solution de secours, qui ne doit pas vous dispenser de prendre rendez-vous dès que possible avec un ophtalmologiste pour procéder à un nouvel examen de votre vue.