Vaut-il mieux renégocier ou racheter son crédit immobilier ?

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Jérôme Krausz - Expert Banque & Crédit chez jechange
Jérôme Krausz - Expert Banque & Crédit chez jechange

Quelle(s) différence(s) faites-vous entre un rachat et une renégociation de crédit ?

Jérôme Krausz : Qu'il s'agisse de la renégociation de votre prêt immo au sein de la même banque ou du rachat d'un crédit immobilier par un autre établissement bancaire, le montage diffère d'un point de vue financier. Ainsi, dans le cas d'un rachat, le capital restant dû sur le crédit immobilier initial est intégralement remboursé au moyen d'un nouvel emprunt, contracté à des conditions plus avantageuses et à un taux d'intérêt plus bas. Dans le cadre d'une renégociation, l'emprunteur négocie auprès de son établissement un avenant au contrat de prêt initial.

Et du point de vue de l'intérêt-client ?

J. K. : Du point de vue du client, l'avantage reste le même : l'emprunt à rembourser, en raison de son taux d'intérêt plus faible, donnera lieu à des mensualités plus basses, voire à une durée de remboursement réduite dans le cas d'un rachat. La banque qui a accordé le nouvel emprunt, toujours dans le cadre d'un rachat, aura quant à elle la satisfaction d'élargir son portefeuille-clients.

Quel est le coût d'un rachat de crédit ?

J. K. : Le rachat d'un crédit donne lieu au paiement de frais incontournables. Les indemnités de remboursement anticipé (IRA), en premier lieu, s'élèvent en principe à l'équivalent de six mois d'intérêts sur la somme remboursée mais restent plafonnées, en tout état de cause, à 3 % du capital restant dû. D'autres dépenses sont à prévoir pour l'emprunteur, en particulier le règlement de « frais de dossier », qui vont rémunérer le travail effectué par la banque émettant le nouvel emprunt. De nouveaux frais de garantie, également, ne sont pas à exclure puisqu'il faudra, selon les cas, régler les frais de constitution de garantie mais également de main levée de l'hypothèque précédente ou renouveler la caution auprès du fonds de garantie.

 

Ces frais sont-ils identiques à ceux d'une renégociation ?

J. K. : Non, pas du tout. Contrairement à nombre d'idées reçues, une renégociation n'entraîne aucun paiement d'IRA ni même de frais de garanties. Les seuls frais auxquels l'emprunteur s'expose sont les frais de dossier, visant à couvrir le coût de l'avenant. Mais ces derniers restent négociables auprès de la banque. En fait, le montant des frais qu'un emprunteur est susceptible de s'acquitter est directement lié à son profil de client ainsi qu'à son pouvoir de négociation.

Si l'emprunteur obtient de sa banque un accord pour une renégociation du crédit, ce qui constitue déjà une belle victoire, il pourra le plus souvent pousser son avantage, et négocier une minoration voire une suppression des frais de dossier. En revanche, dans le cas d'un rachat de crédit, le départ du client est déjà acté, et ce dernier s'expose donc à payer l'intégralité des pénalités, sans possibilité de négociation. Il pourra, tout au plus, discuter avec sa nouvelle banque d'une exonération des frais de dossier.

Quelle stratégie conseillez-vous d'adopter ?

J. K. : Les emprunteurs les plus décidés, typiquement, mèneront la renégociation et le rachat de front, en mettant les établissements en concurrence les uns avec les autres, et se contenteront de saisir l'offre la plus intéressante, qu'elle émane de leur banque actuelle ou d'un autre réseau. Selon votre état d'esprit et la qualité de vos relations avec votre banque, vous pourrez toutefois vous concentrer exclusivement sur une piste ou une autre, avec à la clé une stratégie un peu différente.

Si la perspective de changer de banque vous rebute, et si vous êtes par ailleurs très satisfait des prestations de votre établissement actuel, vous pourrez essayer de viser exclusivement une renégociation. Le tout est de ne pas le laisser paraître auprès de votre conseiller, et d'agir comme si vous étiez prêt à partir afin de lui « mettre la pression ». Prenez soin d'arriver au rendez-vous avec deux ou trois offres concurrentes de rachat dans votre dossier, et ce même si vous n'avez ement l'intention de leur donner suite. Quelle que soit l'issue de l'entretien, vous n'avez rien à perdre et tout à gagner.

Si, pour diverses raisons, l'envie de quitter votre banque actuelle est au moins aussi forte que celle d'obtenir un meilleur taux sur votre crédit immobilier, alors misez tout sur le rachat. Il convient dans ce cas de multiplier les rendez-vous et d'étudier les offres avec le plus grand sérieux, voire de faire appel à un courtier en prêt immobilier qui se chargera, à votre place, de dénicher la meilleure offre.

Alors, renégociation ou rachat ?

J. K. : Le rachat du crédit immobilier implique bien souvent d'autres obligations connexes, plus ou moins lourdes (domiciliation du revenu, transfert des placements et prélèvements, paperasseries diverses…). La renégociation est plus souple de ce point de vue : toutes choses égales par ailleurs (taux d'intérêt, mensualités,…), elle apparaîtra donc préférable à une vaste majorité d'emprunteurs.

Toutefois, les choses sont rarement si simples : le plus souvent, un emprunteur courtisé devra faire son choix entre une offre de rachat très compétitive et une contre-offre de sa banque historique, légèrement moins intéressante mais déjà bien meilleure que le taux qu'il paie actuellement. Sa décision dépendra alors du complément d'effort qu'il est prêt à fournir pour gagner quelques centaines ou milliers d'euros sur dix ou quinze ans.

La preuve par l'exemple

Monsieur et Madame Lombardy ont contracté, le 12 janvier 2010, un crédit immobilier d'un montant de 150 000 €, pour une durée de vingt ans et à un taux d'intérêt de 4,25 %. En janvier 2015, conscients que les taux d'intérêt ont fortement diminué, ils démarchent plusieurs banques concurrentes afin d'examiner si une diminution de leur mensualité, actuellement de 928,85 €, est possible pour les 180 derniers mois de leur emprunt.

L'une des banques contactées propose un rachat de leur crédit à 2,5 % seulement, ce qui permettrait de porter leur mensualité à seulement 840 €, soit un gain de presque 100 € de pouvoir d'achat tous les mois. Déduction faite des pénalités de remboursement anticipé de 2 623 €, de la nouvelle garantie de 500 € et des frais de dossier de 150 €, le gain net estimé sur les quinze ans restant serait de 15 200 € environ.

Contre toute attente, une fois informée de leur projet, la banque historique du couple leur soumet une contre-offre, et propose une renégociation de leur crédit à un taux de 2,75 %, pour une mensualité de 855 € et un gain total de 12 665 €. Après une période d'indécision et de négociation, le couple porte finalement son choix sur sa banque historique lorsque cette dernière accepte, en plus, de réduire de moitié le montant des frais de dossier liés à l'établissement d'un avenant.