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Vers une complexification de l'accès au prêt immobilier ?

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En 2007, la crise des subprimes a secoué toute la sphère financière, engendrant une crise économique internationale dont les conséquences se font encore sentir. De manière à éviter que ce type de situation ne se reproduise, plusieurs initiatives ont été prises parmi lesquelles l'adoption des accords de Bâle III.

Considérant la situation actuelle du marché du crédit immobilier marquée par l'octroi d'un nombre important de prêts longs à taux fixes très bas, le Comité de Bâle a lancé de nouvelles négociations visant à modifier les conditions que les banques accordant ce type d'emprunt devront remplir. Ce durcissement de la réglementation effraie les professionnels du secteur immobilier qui craignent une complexification de l'accès au crédit immobilier, mais aussi le Sénat qui appelle le Comité de Bâle « à prendre en considération les spécificités du système français ». Quels sont les enjeux de la réforme de Bâle III et quelles pourraient être les conséquences pour les particuliers ?

Pourquoi le Comité de Bâle souhaite-t-il réformer Bâle III ?

Le crédit bancaire fonctionne selon un principe simple : les organismes de prêts accordent des emprunts aux particuliers puis se refinancent en empruntant eux-mêmes sur le marché monétaire, à un taux en partie déterminé par le taux principal de la Banque centrale européenne (BCE). Actuellement, le taux imposé par la BCE est quasiment nul, voire négatif. Les banques peuvent se refinancer sans frais auprès de cet organisme, ce qui leur permet de proposer des offres de crédits immobiliers à leurs clients à des taux d'intérêts très bas.

La situation est donc particulièrement favorable aux particuliers. Profitant de la baisse des taux, certains renégocient ou font racheter leur emprunt par un autre organisme pour payer des intérêts moins élevés et aménager l'amortissement de leur crédit. Les nouveaux clients se voient quant à eux proposer des taux fixes très bas tout en ayant la possibilité de bénéficier de longues durées de crédits, notamment dans le cas où leur apport personnel est faible ou inexistant. Résultat : l'encours des crédits immobiliers des banques françaises atteint désormais près de 900 milliards d'euros et 85 % de ces crédits sont à taux fixe, ce qui est également le cas de 90 % des nouveaux prêts octroyés !

C'est précisément ce point qui inquiète le Comité de Bâle. En cas de remontée brutale du taux de refinancement de la BCE, les banques seront engagées par de nombreux crédits à longs termes et à taux d'intérêts très bas. Elles devront donc assumer seules la différence entre les intérêts qu'elles perçoivent et les intérêts qu'il leur faut payer, ce qui risque d'impacter leur santé financière.

En quoi consisterait la réforme de Bâle III ?

De manière à sécuriser le bilan des établissements de crédit accordant beaucoup de prêts longs à bas taux, le Comité de Bâle souhaite augmenter leur ratio fonds propres/encours de crédit. Autrement dit, la réforme vise à imposer aux banques un accroissement de leurs capitaux proportionnel à l'encours des crédits qu'elles accordent. Si cette nouvelle norme est adoptée, elle sera transposée dans le droit européen en 2017 pour une probable entrée en vigueur en 2018. Certaines banques françaises devront alors geler jusqu'à 55 % de la somme prêtée dans leurs fonds propres, contre 15 à 20 % actuellement. Or, cette solution ne convient pas du tout aux banques puisqu'elle impliquerait de réduire leur rentabilité globale.

Une autre solution consisterait à augmenter les taux des crédits immobiliers de manière à dégager plus de ressources. Leur marge est en effet actuellement quasiment e et ils font surtout office de produits d'appel visant à accroître la clientèle des banques ou commercialiser des produits plus rentables (assurances emprunteur…). Cependant, considérant la situation extrêmement concurrentielle du marché du crédit immobilier, il y a peu de chances qu'une banque prenne l'initiative de relever ses taux d'intérêts avant les autres. De nombreux professionnels du secteur mais aussi les instances publiques craignent donc que les organismes de crédit choisissent finalement de réduire le nombre de prêts immobiliers qu'ils accordent et en durcissent les conditions d'accès.

Le Sénat souhaite le respect des « spécificités françaises »

Tant les professionnels du secteur immobilier que les instances publiques s'inquiètent que la réforme de Bâle III conduise à une modification de la politique d'octroi de crédits immobiliers. Plus sélective, cette politique exclurait de fait les ménages les plus modestes de l'accès à la propriété. En conséquence, les sénateurs ont adopté le 18 mai dernier une proposition de résolution qui sera prochainement examinée à l'Assemblée nationale.

Le Sénat y exprime son souhait de voir les spécificités françaises concernant le financement de l'habitat respectées au moment de la transposition des travaux du Comité de Bâle dans la législation européenne. La BCE aura en effet la possibilité de modifier les niveaux d'exigences requis. Le Sénat l'exhorte donc à défendre la possibilité pour les banques françaises « d'attribuer des prêts immobiliers sur la base d'une analyse préalable de la solvabilité et de la situation financière des emprunteurs ». Il souhaite par ailleurs la reconnaissance du cautionnement « comme un mécanisme de garantie équivalent à l'hypothèque ». La majorité (52,7 % fin 2014 selon le HCSF ) des crédits immobiliers français est en effet garantie par des organismes de caution.

Cette position est également soutenue par le secrétaire d'État au Budget Christian Eckert. Jugeant qu'il « ne serait pas acceptable que le crédit immobilier soit remis en cause par le Comité de Bâle à cause d'un calibrage inadapté », le secrétaire d'État a assuré que « le gouvernement sera attentif à ce que les spécificités françaises soient prises en compte » dans les négociations. D'autant plus que le système français semble fonctionner plutôt bien : un rapport du HCSF estimait en 2014 que « la France est le pays en Europe qui présente le taux d'impayés le plus faible ». De la même manière, « le taux de crédit douteux est inférieur à 2 % » selon Marie-Anne Barbat-Layani, directrice générale de la FBF .