« Gaz moins cher ensemble » : pourquoi Direct Énergie comme Eni disent non à l’UFC

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Ce mardi 23 décembre 2014, le fournisseur de gaz Eni a fait connaître par voie de presse son intention de ne pas participer à l'appel d'offres lancé par l'union fédérale. Selon nos informations, Direct Énergie, troisième fournisseur d'énergie de France, a également décliné à son tour toute participation à cette opération. Explications.

Les raisons du refus d'Eni et de Direct Énergie

Pour rappel, le calendrier de l'opération « Gaz moins cher ensemble » de l'UFC se déroule en deux temps. Tout d'abord, les fournisseurs désireux de s'associer à l'initiative de l'union fédérale doivent faire connaître leur acceptation pleine et entière du cahier des charges mis sur pied par l'association le lundi 22 décembre. Par la suite, en cas de pluralité de participants, les fournisseurs engagés concourent à des « enchères inversées », où le « moins-disant » est finalement retenu au plus tard en date du 20 janvier 2015. Son nom est alors rendu public.

Or, Direct Énergie comme Eni, deux des principaux fournisseurs de gaz rivaux de GDF Suez en France, ne se joindront pas à l'opération. À cela plusieurs raisons, au rang desquelles le sentiment partagé par ces deux fournisseurs que les conditions de participation à l'initiative de l'UFC ne sont pas réunies ; Eni allant même plus loin, jugeant que « certaines conditions associées à la signature du cahier des charges sont contraires à la loi ».

En cause, la volonté de l'UFC d'apporter au particulier une « sécurité juridique », perçue par ces deux opérateurs comme une tentative de transposer la responsabilité que la loi fait actuellement porter au gestionnaire de réseaux (GRDF comme régies locales) à la charge du fournisseur. Plus précisément, Eni dénonce le fait que le cahier des charges de l'UFC-Que Choisir prévoie que le fournisseur ait à répondre de tous préjudices subis par le client, y compris ceux qui incombent légalement à un tiers.

À ce jour, seul le fournisseur belge Lampiris, déjà retenu à l'occasion de la précédente campagne a fait acte public de candidature. Il faut dire que pour ce jeune fournisseur, récemment implanté dans l'Hexagone, le coup de communication éventuel vaut bien des sacrifices, et notamment celui de rogner sur ses marges. Sera-t-il le seul fournisseur en lice ?

La « sécurité juridique » : progrès pour le consommateur ou frein illégal auprès du fournisseur ?

En 2013 déjà, à l'occasion d'une première campagne similaire, l'UFC avait astreint Lampiris, fournisseur lauréat, au respect de conditions jugées par nombre d'observateurs comme « contraigNantes ». En vue de prévenir tout litige portant sur une surfacturation, l'association avait notamment exigé que le fournisseur d'énergie belge considère les auto-relevés de consommations effectués par les particuliers en lieu et place d'une estimation ; de sorte que ces derniers reçoivent une facture bimestrielle basée sur leur consommation réelle. Au-delà, Lampiris s'était engagé à assumer une responsabilité pleine et unique en cas de problème en termes de fourniture de gaz, mais également de distribution.

Et c'est bien là où le bât blesse, Eni par exemple refusant d'endosser une responsabilité lui semblant incomber de droit au distributeur d'énergie. En renfort de ses arguments, l'énergéticien italien rappelle dans sa réponse donnée par voie de presse une récente décision du CORDIS (COmité de Règlement des DIfférends et des Sanctions), tribunal paritaire où siègent deux conseillers au Conseil d'État et deux conseillers à la Cour de Cassation, en date du 19 septembre et allant dans le sens de l'appréciation faite par Eni de la question.

Quand le consommateur doit payer l'UFC pour payer son gaz moins cher

Au-delà de ce motif principal motivant la non-participation d'Eni comme de Direct Énergie à l'appel d'offres de l'UFC, d'autres freins semblent être intervenus. D'une part, l'UFC-Que Choisir, en vue de rentrer dans ses frais, demande auprès du fournisseur lauréat une commission sur chaque contrat signé. Cette notion d'apport d'affaires est d'ailleurs explicitée pour qui se rend à l'alinéa 3 des CGU de l'opération, mentionnée au rang des « conditions financières ». Chaque particulier souscrivant à l'offre lauréate donne ainsi mandat au fournisseur en question de régler en son nom et pour le compte de la SASU Que-Choisir (Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle) une contribution de 10 euros (réduite de moitié pour les adhérents/abonnés) ; et ce, en vue de couvrir les frais engagés par l'association.

À titre d'indication, la précédente opération du genre orchestrée par l'union fédérale lui avait coûté la coquette somme de 205 216 euros, à se fier aux données recueillies au sein de l'attestation du commissaire aux comptes relatives au bilan financier de l'opération « Gaz moins cher ensemble ». Pour cette campagne en cours, l'UFC entend désormais rentrer dans ses frais compte tenu des « importants coûts » qu'elle supporte quant à l'organisation de cette opération. À ce propos, on aura noté le montage juridique bicéphale de l'UFC, association de loi 1901 à but non lucratif et de la SASU Que-Choisir, société commerciale de droit privé juridiquement autorisée à engranger des bénéfices commerciaux.

En sus de cette commission demandée auprès du fournisseur lauréat et qui pourrait freiner l'intérêt des fournisseurs à participer à cette campagne, un dernier motif visant à expliquer le refus d'Eni comme de Direct Énergie semble se dessiner. Selon nos informations, l'UFC n'hésiterait pas à mettre à profit sa base client des campagnes passées en vue de démarcher puis relancer les consommateurs ayant déjà souscrit un contrat de gaz à l'occasion d'une précédente opération, en vue de les inciter à participer de nouveau à une offre de souscription groupée. Un modèle qui, s'il peut présenter un intérêt pour le particulier, semble nécessairement bien moins vertueux pour le fournisseur sélectionné, lequel a accepté de rogner sur ses marges mais demeure susceptible de perdre d'une année sur l'autre son portefeuille-clients nouvellement acquis.