Qu'est-ce que le tiers payant ?

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Consulter son médecin traitant ou acheter un médicament sans avoir à avancer le moindre centime, en présentant uniquement sa carte vitale ? C'est le principe du tiers payant : Derrière un concept simple, qui est celui de la dispense d'avance de frais pour les actes médicaux, se cache un dispositif particulièrement sophistiqué : la complexité du tiers payant complique d'ailleurs sa généralisation à l'ensemble de la population, initialement prévue pour 2017 par le projet de loi Santé.

Qu'est-ce que le tiers payant ?

Définition

Le tiers payant est le mécanisme qui permet à un patient de ne pas avoir à avancer l'intégralité des frais de ses dépenses santé, si elles sont prises en charge par la Sécurité Sociale ou un organisme de complémentaire santé.

Lorsqu'un patient ne bénéficie pas du tiers payant, la règle est connue et bien comprise : après la consultation médicale, il règle lui-même la note (soit par exemple 25 € pour un généraliste secteur 1) et se fait ensuite rembourser par sa caisse d'assurance maladie et sa mutuelle, moins le ticket modérateur.

Un patient bénéficiant du tiers payant, au contraire, n'a pas besoin d'avancer cette somme : le coût de la consultation médicale est pris directement en charge par l'assurance maladie. Selon les cas, le tiers payant pourra être intégral (aucun frais à payer) ou partiel (le patient reste alors redevable du ticket modérateur ou des diverses participations forfaitaires).

Le principe du tiers payant a pour avantage sa simplicité et sa transparence du point de vue de l'assuré, qui n'a plus à avancer les frais et à s'inquiéter de percevoir ensuite son remboursement. Les détracteurs de ce dispositif, à l'inverse, pointent le risque d'une déresponsabilisation des patients et d'un faux sentiment de gratuité des actes de santé.

Qui est concerné, et pour quels soins ?

Le tiers payant intégral s'applique tout d'abord, de plein droit et pour tous les soins dispensés, à certaines catégories de patients disposant de faibles ressources. Sont concernés :

  • Les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C).
  • Les étrangers en séjour irrégulier sur le territoire français et bénéficiant, à ce titre, de l'Aide Médicale de l'État (AME).
  • Les bénéficiaires de l'aide pour l'obtention d'une complémentaire santé (ACS). S'ils n'ont pas souscrit à une complémentaire santé, ils peuvent faire appliquer le tiers payant partiel sur la partie prise en charge par l'Assurance Maladie. S'ils ont souscrit à une complémentaire santé, ils peuvent bénéficier du tiers payant intégral.

Le tiers payant est également la règle pour certains types de soins, indépendamment de la qualité ou des ressources du patient :

  • Les soins liés à une assurance maternité.
  • Tous les soins dispensés suite à un accident du travail ou pour soigner une maladie professionnelle.
  • Les soins d'un patient atteint d'affection longue durée (ALD),
  • Tous les actes de prévention réalisés dans le cadre d'un dépistage organisé (cancer du sein, de la prostate, etc.).
  • Toutes les consultations liées à la contraception des jeunes filles mineures à partir de 15 ans.
  • Tous les soins dispensés dans le cadre d'une hospitalisation au sein d'un établissement conventionné.

En dehors de ces cas particuliers (environ 11 millions de personnes concernées), les patients ne bénéficient pas légalement du tiers payant obligatoire, mais il peut être pratiqué volontairement par les professionnels de santé qui le souhaitent.

Tiers payant, ticket modérateur et participations forfaitaires

Certains bénéficiaires du tiers payant sont dispensés de la participation forfaitaire de 1 € pour chaque consultation médicale et des différentes franchises médicales existant pour les médicaments, les actes paramédicaux ou les transports sanitaires. C'est le cas, par exemple, des bénéficiaires de la CMU-C, de l'AME et des adhérents de l'ACS ayant souscrit à une complémentaire agréée.

Cependant d'autres patients éligibles au tiers payant peuvent rester redevables de ces différents tickets modérateurs : on parle alors de « tiers payant partiel ». Dans ce cas, ils paient le reste à leur charge. Si certaines sommes à leur charge n'ont pas été réglées, la somme restant à leur charge sera automatiquement prélevée par l'assurance maladie sur leurs prochains remboursements. À défaut, l'assurance maladie pourra même leur demander par courrier un reversement direct, mais cela reste rare.

Démarches

Les patients éligibles au tiers payant pour l'ensemble de leurs soins ont simplement à présenter leur carte vitale pour en bénéficier ainsi que l'attestation adaptée (carte AME / attestation CMU-C / attestation ACS), que ce soit au cabinet du médecin ou encore à la pharmacie.

Ceux qui, pour une raison ou une autre, ne détiendraient pas une carte vitale (les bénéficiaires de l'AME, notamment) peuvent présenter en lieu et place une pièce écrite justifiant l'ouverture de leurs droits. Dans ce cas, le médecin aura à remplir manuellement une feuille de soins, en cochant les cases pertinentes (« L'assuré n'a pas payé la part obligatoire » et « L'assuré n'a pas payé la part complémentaire »).

Les patients qui n'ont droit au tiers payant que pour certains types de soins devront, le cas échéant, présenter avec leur carte vitale les justificatifs pertinents, comme la feuille d'accident du travail ou de maladie professionnelle.

Tiers payant et complémentaire santé

À défaut d'avoir droit au tiers payant de la Sécurité sociale, il est parfaitement possible de choisir une complémentaire santé qui, grâce à une convention passée avec l'assurance maladie, le propose pour certains soins et prestations. Le tiers payant est même devenu un grand classique dans la plupart des formules du marché pour tous les achats de médicaments en pharmacie, ainsi que pour les soins dispensés dans les hôpitaux et cliniques. Certains contrats proposent aussi le tiers payant dans les cabinets de radiologie, les laboratoires d'analyse ou encore pour l'optique (achat de lunettes...). Lisez attentivement les conditions de votre formule pour en avoir le cœur net. Si vous souhaitez souscrire à une mutuelle qui propose le tiers-payant, vous pouvez utiliser un comparateur de mutuelle en ligne qui vous permettra de gagner du temps sur vos recherches.

Il vous suffit, lorsque le tiers payant est possible, de présenter votre carte d'assuré pour n'avoir plus à payer que la part éventuelle qui reste à votre charge. L'application du tiers payant par la complémentaire santé peut être automatique (notamment pour les médicaments) ou soumise à une demande préalable (prothèses, optique…) : il convient dans ce cas de contacter la mutuelle au numéro de téléphone indiqué sur votre carte d'assuré.

Attention toutefois : un praticien de santé reste libre de refuser le tiers payant, même si votre mutuelle vous l'accorde.

Les limitations du droit au tiers payant

Depuis 2007, les personnes qui ont normalement droit au tiers payant peuvent en être privées si elles refusent un médicament générique à la pharmacie en lieu et place du médicament original. Dans ce cas, il leur appartient d'avancer elles-mêmes la somme nécessaire à l'achat, et d'attendre le remboursement (qui pourra être moins élevé par ailleurs).

Lorsque le patient n'a pas déclaré préalablement de médecin traitant ou en consulte directement un autre, il se trouve hors du parcours de soins coordonnés (sauf cas exceptionnel comme une urgence médicale). Cette situation rend techniquement impossible l'application du tiers payant : il appartient alors au patient de régler lui-même les frais de consultation et de se faire rembourser ultérieurement par la Sécurité sociale et sa mutuelle.

Vers une généralisation du tiers payant

 

Le projet : une généralisation du tiers payant pour 2017

Conçue comme une importante avancée sociale par le gouvernement actuel, la généralisation du tiers payant à l'ensemble des assurés sociaux est l'une des mesures principales du projet de loi Santé porté par la ministre Marisol Touraine.

Depuis le 1er janvier 2017, le tiers payant a été étendu à « tous les patients pris en charge à 100 % par l'Assurance maladie ».

Les médecins qui le souhaitent ont la possibilité de proposer, à tous leurs patients, le tiers payant sur la partie remboursée par l'Assurance Maladie. Cette mesure est censée permettre l'accès aux soins à des patients qui n'avaient pas les moyens de faire des avances de frais, et garantir aux professionnels de la santé le paiement de leurs honoraires.

En 2018, 130 000 professionnels de la santé proposent déjà le tiers payant, en particulier les pharmaciens, infirmiers et radiologues.

En revanche, la généralisation du tiers payant à tous a été plusieurs fois repoussée. Les difficultés techniques notamment sont un barrage à cette mesure. Le président Macron s'était engagé sur cette mesure dans sa campagne présidentielle, tout en laissant le choix aux médecins de l'appliquer ou non.

De nombreux obstacles restent toutefois à lever

Le dossier de la généralisation du tiers payant, jusqu'à maintenant, a surtout retenu l'attention en raison de l'opposition virulente de la quasi-totalité des syndicats de médecins et professionnels de santé. Ces derniers s'inquiètent notamment des conditions de leur rémunération, qui deviendrait entièrement dépendante de la Sécurité sociale et contribuerait à « fonctionnariser » encore davantage des corps de métiers déjà très lourdement réglementés.

On notera d'ailleurs que la Sécurité sociale se montre déjà assez peu réactive sur les cas existants de tiers payant : lorsque la carte Vitale est présentée par un patient CMU-C ou AME, le délai de paiement du médecin traitant est de cinq jours environ et si une feuille de soins est utilisée l'attente atteint en moyenne 39 jours ! On peut mentionner aussi les risques de « rejet » du dossier par l'Assurance maladie (un patient dont les droits n'auraient pas été bien vérifiés, par exemple), qui concernent 1 à 2 % des consultations en tiers payant et entraînent l'absence de paiement pour le médecin.

Ils s'inquiètent également des nouvelles contraintes administratives que cela implique, et les coûts que cela implique.

Le projet devait voir le jour en 2017, mais la Ministre de la Santé Agnès Buzyn l'a suspendu sans communiquer de date. Selon l'IGAS, l'inspection générale des affaires sociales, cette généralisation ne sera pas possible avant 2020.

Un logiciel est en cours de développement, qui permet à un médecin de vérifier rapidement les droits d'un patient après une consultation, de saisir les soins dispensés et de lancer en ligne la demande de remboursement qui se répartit automatiquement entre l'Assurance Maladie et la complémentaire.

Mais cet outil est loin d'avoir remporté l'adhésion des professionnels de la santé. Ils reconnaissent que les remboursements par l'Assurance Maladie permettent de mieux sécuriser leurs honoraires. Mais ils restent sceptiques sur la partie des mutuelles : celles-ci ont un lourd travail de vérification de chaque acte médical et de chaque assuré à faire, et ils redoutent les longueurs de remboursement.

En outre, le coût d'installation du logiciel est à leur charge.

Pour finir, ils pointent du doigt la complexité d'un double flux de paiement, par l'Assurance Maladie et par les organismes complémentaires.

Le tiers payant ne semble donc pas prêt d'être généralisé !