Groupama Banque bientôt racheté par Orange

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Lorsque le P-DG d'Orange Stéphane Richard a annoncé, ce lundi 5 janvier 2016 sur Europe 1, vouloir lancer sa propre banque « 100 % mobile » dès l'année prochaine, le patron du numéro un des télécoms a volontairement jeté un énorme pavé dans la mare.

Le secteur bancaire traditionnel, déjà bousculé par la nouvelle concurrence des banques en ligne ou des portefeuilles électroniques, n'en est certes pas à une innovation près. Cependant l'opérateur dispose des atouts et de la base de clientèle nécessaires pour provoquer, avec la future banque Orange 100 % en ligne, un véritable bouleversement du secteur, d'autant que le P-DG entend bien casser les prix et étendre son service rapidement. À quoi faut-il s'attendre ?

Orange : vers la prise de contrôle de Groupama Banque…

L'affaire n'est pas encore définitivement conclue, mais semble néanmoins en bonne voie. Leader des opérateurs mobiles et fournisseurs d'accès à Internet en France, Orange a entamé des « négociations exclusives » avec le grand assureur Groupama pour prendre le contrôle de sa filiale dédiée aux services bancaires, Groupama Banque.

Dans le détail, l'opérateur envisagerait de racheter jusqu'à 65 % des parts de cette société. Ces différentes informations sont de première main puisqu'elles ont été dévoilées par Stéphane Richard en personne, le P-DG d'Orange, lors d'une interview sur Europe 1 le lundi 5 janvier au soir.

Seulement quelques semaines après l'annonce d'autres négociations destinées au rachat partiel de Bouygues Telecom et au partage de ses infrastructures avec Free Mobile, Orange semble donc entré dans une période d'expansion et de diversification tous azimuts.

… pour une nouvelle banque 100 % mobile dès 2017

La perspective d'un rachat constitue une bonne nouvelle pour Groupama, dont le produit net bancaire a connu une diminution sans précédent de 6,9 % en 2014. Elle constitue surtout une excellente opportunité pour Orange, qui tient enfin l'occasion de fonder sa propre plate-forme bancaire 100 % mobile. « Orange Banque » devrait en effet tirer parti du cœur de métier de l'opérateur pour proposer un accès entièrement dématérialisé à un vaste panel de services bancaires en ligne, directement depuis un smartphone ou une tablette. La liste précise des prestations n'est pas encore connue mais devrait inclure tous les grands incontournables d'une « vraie » banque, à savoir les comptes courants et les services du quotidien, l'épargne, l'assurance et même le crédit.

Essentiellement accessible en ligne, Orange Banque pourra néanmoins s'appuyer sur le réseau des quelques 850 boutiques Orange à travers la France pour commercialiser ses produits, mais aussi sur le réseau de Groupama et de GAN, qui totalisent à eux deux pas moins de 3 000 guichets supplémentaires.

Autre motif d'inquiétude pour les grandes banques : Stéphane Richard annonce d'ores et déjà une guerre des prix. Il entend faire de la nouvelle plate-forme le « Free de la banque », c'est-à-dire appliquer les mêmes recettes disruptives que celles de Xavier Niel dans le domaine de la téléphonie mobile. Cette stratégie tranche singulièrement avec celle adoptée par Orange dans son cœur de métier, où il n'hésite pas au contraire à se positionner comme un service haut de gamme et refuse de brader ses formules Internet fixe ou mobile.

Les atouts d'Orange pour réussir

Le futur service proposé par Orange, à première vue, ne se distingue que peu, voire pas du tout, des banques 100 % en ligne qui ont déjà investi le marché depuis le début des années 2000. La véritable rupture pourrait se situer tout simplement au niveau du poids d'Orange. Le groupe rassemble déjà pas moins de 28 millions de clients avec ses offres fixe et mobile qui sont autant de cibles potentielles pour ses futures campagnes publicitaires. Les banques 100 % en ligne déjà installées, en comparaison, peinent encore à se faire une place au soleil et faire évoluer les mentalités malgré leurs offres très compétitives : seuls 350 000 nouveaux clients auraient franchi le pas en 2014, tous établissements confondus.

On peut également supposer qu'Orange fera mieux que les banques en ligne grâce à la technicité et les infrastructures dont il bénéficie et qui devraient lui permettre de mettre en place un produit innovant et très interactif.

Une stratégie mûrie de longue date

Implanter Orange dans le petit monde du secteur bancaire trottait déjà dans la tête de Stéphane Richard depuis un certain temps. Pour rappel, le dernier plan stratégique de l'opérateur baptisé « Essentiels 2020 », et dévoilé en mars 2015, prévoyait bien une diversification des activités de l'entreprise dans ce domaine. Rien qu'en Afrique, l'opérateur se distingue déjà avec son service Orange Money, outil de transaction rapide et de micro-crédit, qui a conquis une base de 13 millions d'utilisateurs à travers le continent. On peut noter aussi, dès 2014, la signature d'un partenariat en Pologne avec mBank pour fonder un autre service local baptisé Orange Finanse. L'an dernier, enfin, l'opérateur faisait connaître sa nouvelle appli de porte-monnaie électronique et de paiement NFC sans contact, « Orange Cash », qui entend bien empiéter sur le territoire d'Android Pay et Apple Pay.

Les objectifs de l'opérateur à moyen terme sont déjà fixés, et se distinguent par leur ambition. Orange souhaite, pour ses seules activités bancaires, dégager un chiffre d'affaires de 400 millions d'euros en 2018, dont au moins la moitié sur le continent européen. Ce chiffre correspond à un montant environ dix fois supérieur à celui enregistré en 2014 ! L'entreprise voit donc les choses en grand. Pour assurer le développement de ses nouveaux services, elle vient d'ailleurs de recruter un ancien directeur général délégué de LCL, Laurent Paillassot, en tant que directeur général adjoint en charge de l'expérience client et du « mobile banking ».