Les Français paient-ils l’électricité la moins chère d’Europe ?

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On le sait : le coût de l'électricité en France est réputé pour être particulièrement abordable, et c'est quasiment devenu un lieu commun que de parler d'électricité pas chère. Cette situation favorable serait notamment le fait d'un parc nucléaire très développé, avec pas moins de 58 centrales réparties sur tout le territoire et assurant 75 % de nos besoins énergétiques.

Mais qu'en est-il réellement de la compétitivité française par rapport à nos voisins immédiats ? Les statistiques fournies chaque semestre par l'institut Eurostat offrent un tableau d'ensemble plus nuancé : en fait d'être la championne que beaucoup se plaisent à imaginer, la France occupe ainsi plutôt un rang intermédiaire.

Quels sont les pays les moins chers, les plus chers ?

En tête des pays proposant à leurs citoyens l'électricité la plus chère, un duo se détache nettement : le Danemark, tout d'abord, avec 29,36 centimes du kilowatt-heure au second semestre 2013, soit le coût moyen le plus élevé d'Europe. Vient ensuite l'Allemagne, qui fait également figure de mauvais élève avec un tarif presque identique : 29,21 centimes du kilowatt-heure pour la même période. À noter que les deux pays étaient déjà les plus chers début 2008.

D'autres pays chers incluent l'Irlande (24,05 c€), l'Italie (23,23 c€), l'Espagne (22,73 c€) et la Belgique (22,15 c€).

Les moins chers ? Ils se concentrent en Europe de l'Est, ce qui s'explique en bonne partie par les plus faibles niveaux de vie et revenus. Au sein de l'UE, la championne est la Bulgarie, avec à peine 8,82 c€. Suivent par exemple la Roumanie (12,79 c€), la Hongrie (13,26 c€) ou la Croatie (13,50 c€). À noter aussi le cas atypique de l'Islande (10,86 c€), un pays riche qui tire le prix de son électricité vers le bas grâce à l'hydroélectricité et à la géothermie.

Et la France, dans tout ça ?

La France, au dernier semestre 2013, propose l'électricité en moyenne à 15,89 c€ du kilowatt-heure, ce qui la place de fait dans la moyenne basse du classement (12ème sur 28, la moyenne de l'UE étant située à 20,09 c€). Et ce d'autant plus si l'on considère son coût de la vie élevé, qui l'apparente davantage aux pays chers (Allemagne, Italie) qu'aux pays moins chers à l'Est.

Il est donc vrai de dire que la France dispose d'une électricité abordable, même si elle est loin d'être la meilleure élève en Europe. Qu'en est-il toutefois si l'on s'intéresse à l'évolution des prix depuis le début de la crise économique ?

Quelle évolution des prix depuis 2008 et le début de la crise ?

Malgré une inflationrelativement modérée sur la période, le prix de l'électricité a considérablement augmenté depuis 2008 et à la faveur de la crise économique, partout en Europe. Le coût moyen du kilowatt-heure, pour l'UE à 28, est ainsi passé de 15.81 c€ au premier semestre 2008 à 20,09 c € au second semestre 2013, soit une hausse de 27,07 %en à peine six ans !

Les pays qui étaient déjà chers en 2008 le sont encore plus aujourd'hui : l'Allemagne, en particulier, a souffert d'une explosion du prix de l'électricité, qui affiche + 35,99 % sur la même période. Parmi les évolutions les plus impressionNantes, on peut citer le cas de l'Espagne, qui subit une hausse de 66,39 %, ou du Portugal, avec 43,79 %.

Le coût moyen de l'électricité est passé de 12,13 c€ début 2008 à 15,89 c€ fin 2013, soit une augmentation de 30,99 %, légèrement supérieure donc à la moyenne européenne. De ce fait, et alors qu'elle occupe aujourd'hui la douzième place, la France était en 2008 le dixième pays le plus intéressant de l'UE pour son électricité : une perte sèche de deux places qui traduit la diminution (encore modérée) de sa compétitivité dans ce domaine.

Pays/Zone S1 2008 S2 2013 Variation en 6 ans
Serbie N.A. 0,0608 N.A.
Macédoine N.A. 0,0780 N.A.
Bosnie-et-Herzégovine N.A. 0,0 796 N.A.
Bulgarie 0,0 711 0,0 882 + 24,05 %
Monténégro N.A. 0,1 054 N.A.
Islande N.A. 0,1 086 N.A.
Albanie N.A. 0,1 154 N.A.
Roumanie 0,1 061 0,1 279 + 20,55 %
Turquie 0,0 998 0,1 314 + 31,66 %
Hongrie 0,1 548 0,1 326 - 16,74 %*
Croatie 0,0 990 0,1 350 + 36,36 %
Lettonie 0,0 842 0,1 358 + 61,28 %
Estonie 0,0 814 0,1 367 + 67,94 %
Lituanie 0,0 860 0,1  391 + 61,74 %
Pologne 0,1 259 0,1 437 + 14,14 %
République tchèque 0,1 274 0,1 493 + 17,19 %
Finlande 0,1 223 0,1 559 + 27,47 %
France 0,1 213 0,1 589 + 30,99 %
Luxembourg 0,1 645 0,1 646 + 0,06 %
Slovénie 0,1 147 0,1 657 + 44,46 %
Slovaquie 0,1 421 0,1 678 + 18,09 %
Grèce 0,1 047 0,1 697 + 62,08 %
Malte 0,0 993 0,1 700 + 71,2 %
Norvège 0,1 639 0,1 778 + 8,48 %
Royaume-Uni 0,1 458 0,1 797 + 23,25 %
Pays-Bas 0,1 769 0,1 915 + 8,25 %
Union européenne 0,1 581 0,2 009 + 27,07 %
Autriche 0,1 779 0,2 018 + 13,43 %
Suède 0,1 698 0,2 046 + 20,49 %
Portugal 0,1 482 0,2 131 + 43,79 %
Zone euro 0,1 647 0,2 134 + 29,57 %
Belgique 0,1 972 0,2 215 + 12,32 %
Espagne 0,1 366 0,2 273 + 66,39 %
Italie 0,2 031 0,2 323 + 14,38 %
Irlande 0,1 769 0,2 405 + 35,95 
Chypre 0,1 780 0,2 481 + 39,38 %
Allemagne 0,2 148 0,2 921 + 35,99 %
Danemark 0,2 635 0,2 936 + 11,42 %

La production de l'électricité en Europe

Un simple chiffre exprimé en c €/kWh ne peut rendre compte de la grande variété des sources de production d'électricité selon les pays européens : le « mix énergétique », c'est-à-dire la répartition entre ces différentes sources, semble en tout cas avoir un impact indéniable sur le coût de l'énergie.

Selon des données publiées par l'Observatoire de l'électricité, l'Union Européenne, en 2012, tirait son énergie électrique à 22 % de sources renouvelables (hydraulique, éolien, solaire), à 27 % du nucléaire et à près de 51 % du thermique (charbon ou fioul, notamment). L'Italie, l'Espagne et surtout le Portugal se caractérisent par une proportion importante d'énergies renouvelables (respectivement 25, 29 et 54 %), tempérée toutefois par la part encore importante du thermique (74, 51 et 46 %). La Pologne, à l'inverse, entame à peine sa conversion énergétique : 4 % d'énergie renouvelable, et 96 % de thermique !

La France, avec 75 % d'énergie nucléaire, fait figure d'exception. Le reste de la production est assuré à 15 % par des sources renouvelables (12 % hydraulique, 3 % éolien/solaire) et à 10 % par des centrales thermiques.

Les nouvelles énergies renouvelables, notamment l'éolien et le solaire, sont propres mais aussi beaucoup plus chères. On notera ainsi, selon le communiqué de presse Eurostat 37/2014 du 10 mars 2014, que le Danemark assurait en 2012 26 % de ses besoins par ce moyen (hausse la plus importante depuis 2004 avec la Suède). Un effort d'investissement qui n'est pas étranger au coût très élevé de l'électricité dans ce pays.

 

Qui émet le moins de C02 ?

Le coût de l'électricité est un critère important, mais qu'en est-il de la pollution générée ? Le dernier rapport d'étape relatif aux émissions de C02, publié par l'Agence internationale de l'Énergie (AIE) en 2013, s'intéresse notamment à la quantité de CO2 en gramme produite par chaque État pour un kilowatt-heure d'électricité.

Sans surprise, les résultats favorisent directement les pays dont la production repose sur des sources non productrices de CO2, c'est-à-dire les énergies renouvelables ou le nucléaire. La France est ainsi, en 2011, le deuxième pays le plus performant au sein de l'UE des 28, avec 61 g/CO2/kWh. La première place revient à la Suède avec 17 grammes. À noter toutefois, hors UE, la performance remarquable des pays avancés dans le domaine de l'hydraulique, de la géothermie ou de l'éolien, avec 13 grammes pour la Norvège et 0 (!) pour l'Islande.

Les plus pollueurs sont ceux qui restent fortement dépendants des centrales thermiques. La Pologne, à 780 grammes, n'est pas la dernière du classement CO : cette triste performance revient à l'Estonie, avec 1 080 grammes de CO2 par kWh produit. L'Allemagne, 20ème du classement avec 477 grammes, n'est pas très bien placée mais fournit un effort financier important pour améliorer son score : un défi d'autant plus grand à relever que le pays a annoncé son intention de sortir du nucléaire à moyen terme.

En France, la volonté politique précède en la matière la volonté citoyenne en faveur de l'émergence des énergies renouvelables. L'on peut se demander à ce sujet si le véritable frein perçu par le particulier au développement de l'électricité verte n'est pas la cherté de son coût : le prix du kWh d'électricité verte demeure globalement bien plus élevé que le tarif réglementé de vente proposé par EDF.