Remise en question du parcours de soins

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Un dispositif loin d'avoir tenu ses promesses

Le parcours de soins institué par la loi du 13 août 2004 était sensé faciliter la vie du patient, lui éviter une errance médicale en lui offrant une meilleure organisation des soins. Tout assuré social de plus de 16 ans fut ainsi invité à désigner un médecin traitant (médecin référent) chargé de l'orienter le cas échéant vers un ou plusieurs spécialistes ou un établissement hospitalier. Les malades ne respectant pas ce parcours de soins étaient pénalisés financièrement. 90 % des assurés sociaux ont joué le jeu et 91 % des consultations ont été réalisées dans le cadre de ce dispositif.

Huit ans après sa création, le parcours de soins est loin d'être à la hauteur des espérances d'alors. Un objectif raté pour un parcours insuffisamment balisé et qui a surtout servi de levier pour permettre de nouveaux modes de rémunération.

Un réseau de professionnels de santé qui piétine

Le médecin traitant "cherche toujours sa place". Il était supposé jouer un rôle pivot dans l'orientation et le suivi du patient durant tout le parcours de soins. Toutefois le manque de relations formalisées entre les professionnels de santé a largement contribué à faire perdre toute substance à un dispositif censé revaloriser le rôle du généraliste et offrir aux patients un meilleur pilotage du système de santé.

Le fiasco du Dossier Médical Personnel

La création du DMP (Dossier Médical Personnel) contenant toutes les données de santé recueillies à l'occasion d'activités de prévention, de diagnostic ou de traitements spécifiques, devait permettre de suivre le cheminement du malade tout au long de son parcours de soins par tout professionnel de santé quel que soit son mode d'exercice. Fin 2012, on constate la mise en place de seulement 260 000 dossiers, un retard considérable, fortement préjudiciable au bon déroulement du processus d'accompagnement du malade.

Une médecine de parcours bafouée au profit d'un dispositif essentiellement tarifaire

Le parcours de soins n'a jamais eu de véritable consistance médicale et s'est très rapidement transformé en un système tarifaire complexe avec la majoration du ticket modérateur en cas de non respect du parcours, générant au passage 206 millions d'euros d'économies pour la Sécurité Sociale en 2011, avec des dépassements d'honoraires autorisés pour les médecins de secteur 1 consultés hors parcours, et, de part et d'autre, des gagnants et des perdants...

Les grands bénéficiaires du parcours de soins : les spécialistes

Lorsqu'un spécialiste est consulté sur avis du médecin traitant, il devient alors médecin correspondant avec 2 cas de figure :

  • Le médecin traitant sollicite le spécialiste pour un avis ponctuel. Dans ce cas le spécialiste peut percevoir 46 € en secteur 1 (soit le double du tarif de base d'une consultation de généraliste en secteur 1 ou 2).
  • Le médecin traitant sollicite le spécialiste pour un entamer un suivi régulier du malade (avec un cardiologue par exemple). Son tarif s'élève alors à 28 € comprenant une MCJ (majoration de coordination spécialiste) de l'ordre de 3 €.

Ces suppléments de rémunération prévus par le parcours de soins, ont avoisiné pour l'ensemble des spécialistes un montant total de 324 millions d'euros en 2011. Les généralistes quant à eux, ont bénéficié d'un forfait appliqué sur les consultations de patients en ALD (affection longue durée) qui leur auraient rapporté 271 millions d'euros en 2011.

Les grands perdants : les patients

Toutes ces majorations ont essentiellement plombé les frais de santé des patients. Un assuré qui consulte un spécialiste en secteur 2 (40 % des spécialistes) dans le cadre du parcours de soins, est remboursé sur la base de 23 € au lieu de 28 €. La part assumée par les assurés, du fait du dispositif, s'est élevée à 305 millions d'euros en 2011, soit légèrement supérieure à la part restant à la charge de l'Assurance Maladie s'élevant à 290 millions d'euros ! Pour résumer le reste à charge des ménages entre 2004 et 2011 est passé de 8,8 % à 9,6 %...

Les réformes à entreprendre

La Cour des Comptes demande aux pouvoirs publics que soit rapidement rendu au médecin traitant un rôle central dans l'orientation et le suivi du malade durant tout son parcours de soin, d'accélérer la mise en place du DMP et d'instaurer un système d'évaluation strict des suppléments de rémunération aux professionnels de santé.

Le parcours de soins ne pourra faire évoluer de manière sensible la médecine libérale et améliorer la qualité des soins prodigués aux patients qu'à ce prix.