GDF Suez à nouveau accusé de pratiques anticoncurrentielles

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GDF Suez accusé de pratiques commerciales anticoncurentielles

L'association UFC-Que Choisir, dès le mois de juin 2014, avait dénoncé une concurrence faussée sur le marché en saisissant officiellement l'Autorité de la concurrence. Et c'est précisément cette dernière qui vient de donner raison, hier, à une autre réclamation formulée cette fois par l'un de ses principaux concurrents Direct Energie.

En cause : le flou volontairement entretenu par GDF Suez entre les tarifs réglementés de vente, un service public dont il détient le monopole de concert avec les ELD, et ses tarifs du marché libre. Et pour rétablir l'équilibre, le fournisseur historique va désormais devoir partager certaines informations avec ses concurrents.

Que reproche-t-on exactement au fournisseur historique ?

Rappelons que les particuliers, pour se chauffer au gaz, ont le choix depuis 2007 entre deux solutions : ils peuvent tout d'abord décider de rester soumis aux tarifs réglementés de vente du gaz (TRV), fixés et régulièrement mis à jour par les autorités publiques. Leur fournisseur, dans ce cas, sera presque toujours GDF Suez, qui conserve un quasi-monopole pour ce service public. L'autre option consiste à souscrire une offre sur le marché libre, soit auprès de GDF Suez, soit auprès de l'un des fournisseurs alternatifs (Direct Énergie, Eni, Lampiris…).

En l'espèce, l'Autorité de la concurrence reproche à GDF Suez d'exploiter son vaste fichier des clients soumis aux tarifs réglementés afin de les démarcher massivement pour les faire passer au tarif libre ou leur proposer diverses autres prestations. Sous réserve d'une décision finale sur le dossier, cet avantage de l'opérateur historique est jugé a priori disproportionné, et « susceptible » de rompre l'équilibre avec la concurrence.

À noter que Direct Énergie visait aussi d'autres pratiques dans sa plainte dont un couplage forcé des offres gaz et électricité ou encore le dénigrement des concurrents.

GDF Suez devra partager certaines informations

La décision de l'Autorité de la concurrence répond à une plainte déposée par Direct Energie en avril 2014. Il s'agit d'une première étape conservatoire dans le cadre de la procédure, sachant qu'une décision définitive sur l'ensemble du dossier devrait intervenir en 2015 ou en 2016.

GDF Suez, dans l'attente, est d'ores et déjà contraint de partager certaines informations relatives à la clientèle concernée avec ses concurrents, dans les meilleurs délais. La communication devra intervenir avant le 3 novembre 2014 pour les personnes morales, et avant le 15 décembre 2014 pour les particuliers, afin de laisser le temps à ces derniers d'exercer éventuellement leur droit d'opposition à la communication des données. Si l'entreprise n'obtempère pas, elle devra retirer du marché ses offres au tarif libre.

Les données concernées, selon l'Autorité de la concurrence, « sont celles qui sont strictement nécessaires à l'exercice d'une concurrence effective ». Ce qui inclurait, notamment, certaines coordonnées des clients et divers détails techniques liés à leur profil, dont probablement la quantité de gaz consommée.

Un contentieux révélateur d'une concurrence déficiente…

Le point qui vient d'être tranché par l'Autorité de la concurrence est, d'abord et avant tout, le constat d'un échec relatif : celui de l'ouverture du marché du gaz à la concurrence. Alors même que les tarifs réglementés du gaz connaissaient une augmentation spectaculaire de 80 % entre 2005 et 2013, les tarifs libres, pourtant de plus en plus intéressants en comparaison, éprouvaient des difficultés considérables à s'imposer : en septembre 2012, 9 foyers sur 10 raccordés au gaz continuaient ainsi à faire confiance aux tarifs réglementés, et donc à GDF Suez pour se chauffer.

Les difficultés ont été résumées par l'Autorité de la concurrence dans un précédent avis en date du 18 avril 2014 : l'institution déplore en particulier la mauvaise information des consommateurs, voire leur ignorance totale dans une majorité des cas. Plus de 50 % des abonnés, en 2012, ne savaient toujours pas qu'ils pouvaient opter pour un nouveau fournisseur et une nouvelle tarification. De là à accuser GDF Suez d'entretenir cette ignorance par divers biais commerciaux, il n'y a qu'un pas que l'autorité semble avoir franchi ce 9 septembre.

…et aggravé par un sentiment d'urgence

La décision de l'Autorité de la concurrence a été prise en référé, c'est-à-dire en urgence : un événement suffisamment rare pour être noté. Direct Énergie, de fait, a mis en avant un contexte particulier, qui justifiait une réponse rapide. GDF Suez, depuis 2013, semble avoir accéléré sa politique commerciale consistant à faire transiter en masse sa clientèle vers les tarifs libres : une manière habile de préempter le marché et de couper l'herbe sous le pied de ses concurrents.

Un fort afflux de clients est également à prévoir sur le marché libre avec la fin des tarifs réglementés de vente pour certains clients moyens de l'industrie et du commerce (ceux dont la consommation annuelle dépasse 30 MWh), à l'échéance de fin 2015 au plus tard.

Sans information sur les coordonnées des quelques 162 000 entreprises concernées, les concurrents de GDF Suez seraient gravement défavorisés pour faire valoir leurs offres, souvent d'ailleurs bien plus attractives que celles de l'opérateur historique.