Eni vent debout contre la valse des nouvelles taxes

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Eni Gas & Power France, filiale hexagonale de la grande entreprise énergétique italienne, ne semble pas connaître la crise depuis l'ouverture à la concurrence des marchés du gaz et de l'électricité en 2007. Fort d'un chiffre d'affaires en forte hausse et s'établissant à 954 millions d'euros en 2014, Eni s'impose comme le tout premier fournisseur alternatif de gaz après l'opérateur historique Engie.

Le groupe d'origine italienne rassemble environ 500 000 clients sur les 11 millions de particuliers raccordés au gaz, et rafle par ailleurs 20 % des parts de marché chez les entreprises et les collectivités publiques. Comme le directeur général adjoint du groupe, Daniel Fava, l'a confié à jechange à l'occasion d'une interview, la toute première offre de fourniture d'électricité en France d'Eni devrait par ailleurs voir le jour dès l'année prochaine.

Malgré sa bonne santé, Eni ne se prive cependant pas de dénoncer la hausse actuelle et tous azimuts des taxes sur l'énergie. Entre la création annoncée des certificats d'économies d'énergie « précarité énergétique » et l'extension possible de la CSPE au gaz naturel, le fournisseur craint des distorsions de concurrence et des répercussions négatives sur la facture des clients.

Eni contre l'élargissement de la CSPE au gaz…

C'est à un véritable avertissement solennel que s'est livré Eni Gas & Power France à l'occasion de la dernière conférence de presse du groupe. Si le gouvernement mettait à exécution son projet d'étendre au gaz naturel l'assiette de la contribution au service public de l'électricité (CSPE), la facture de l'ensemble des consommateurs pourrait subir un bond considérable, estimé par l'opérateur à 10 %.

Rappelons que la CSPE, appliquée pour l'instant sur la seule facture d'électricité des Français, est une taxe fourre-tout dont le produit (6,28 milliards d'euros en 2015) est affecté à de multiples dépenses, comme le remboursement par EDF de l'énergie renouvelable produite par les particuliers, le financement du médiateur national de l'énergie, la péréquation tarifaire de l'électricité entre métropole et outre-mer ou encore les tarifs sociaux de l'électricité.

Cette taxe, dont le taux a été multiplié par six depuis 2002, atteint 19,5 € par MWh en 2015 et représente désormais en moyenne 10 à 15 % de la facture d'électricité. Une charge devenue intenable pour de nombreux ménages menacés par la précarité énergétique, et que le gouvernement envisage de diluer en l'étendant au gaz naturel, voire aux hydrocarbures (gazole, sans-plomb…).

La mesure, si elle était validée, tomberait au plus mauvais moment pour Eni, qui compte sur ses futures offres mixtes gaz/électricité pour conquérir de nouvelles parts de marché et passer de 540 000 clients actuellement à 780 000 dès 2016, puis 1,4 million à l'horizon 2017.

…et contre l'évolution des CEE « précarité énergétique »

Par la voix de l'association française indépendante de l'électricité et du gaz (AFIEG), dont il est un membre actif, le groupe Eni s'alarme tout aussi ouvertement de la mise en place annoncée des nouveaux certificats d'économie d'énergie (CEE) « précarité énergétique » à compter du 1er janvier 2016.

Les CEE, pour mémoire, ont vu le jour en 2005 et sont attribués par l'État aux fournisseurs de gaz et d'électricité en échange des aides financières qu'ils consentent à leurs clients, particuliers ou professionnels, pour procéder à des travaux de rénovation de l'habitat. Un fournisseur qui n'obtiendrait pas le quota de CEE fixé par la réglementation s'expose à une pénalité financière, sauf à acquérir les certificats qui lui manquent auprès d'un de ses concurrents, sur le marché secondaire.

Or la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, publiée au Journal officiel le 18 août 2015, introduit une nouvelle forme spécifique de CEE dénommés « précarité énergétique », qui ne pourront être délivrés qu'en échange d'aides attribuées aux foyers ayant du mal à se chauffer. Cette mesure inquiète doublement l'AFIEG : d'abord parce que ses modalités pratiques (volume de certificats à acquérir, délai accordé…) ne sont pas encore connues, mais aussi et surtout en raison d'un risque de distorsion de concurrence. De nombreux fournisseurs alternatifs, en effet, ne comptent que très peu de clients en situation de précarité énergétique, voire même aucun pour ceux qui se spécialisent dans l'offre aux professionnels (Antargaz, par exemple). Ces fournisseurs seront donc désavantagés, et contraints d'acquérir ces certificats auprès de leurs concurrents ou de payer une pénalité.

La stratégie commerciale d'Eni confortée par un nouveau sondage

Plus de huit ans après, l'ouverture des marchés du gaz et de l'électricité à la concurrence est une réalité qui semble enfin faire son chemin dans l'esprit d'une majorité de Français. Ce qui ne signifie pas pour autant que tous sont prêts à sauter le pas et à dire adieu aux tarifs réglementés ! Un sondage IFOP, réalisé pour le compte du fournisseur Eni du 4 au 10 septembre 2015, a permis d'interroger un échantillon de 1 001 personnes sur leur niveau de connaissance en la matière.

83 % des Français ont désormais conscience que les marchés de l'énergie sont soumis à la concurrence. Les trois quarts admettent même volontiers que cette évolution est bénéfique pour les tarifs du gaz et de l'électricité. Les particuliers, dans leur ensemble, apparaissent d'ailleurs de plus en plus préoccupés par le montant de leur facture d'énergie. 91 % avouent chercher à maîtriser leur consommation, et 58 % estiment même le faire tout au long de la journée. 51 % se disent par ailleurs intéressés par l'idée d'un prix sécurisé : un très bon point pour la formule Eni Astucio qui propose justement un tarif du gaz à prix fixe pendant quatre ans, avec possibilité d'ajustement à la baisse exclusivement.

Le marché potentiel pour Eni est donc immense. Rappelons en effet qu'au 30 juin 2015, et selon les chiffres publiés par la commission de régulation de l'énergie (CRE), seuls 10,61 % des foyers français avaient basculé vers une offre libre en électricité, contre 37,21 % en ce qui concerne le gaz.