Les fraudes détectées à l'Assurance maladie battent des records

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Dans un article en date du 26 octobre 2015, le quotidien économique Les Échos révèle que le montant du préjudice pour l'Assurance maladie s'élève, rien que pour l'année dernière, à près de 200 millions d'euros. Il s'agit certes d'une goutte d'eau dans un budget chiffré à 178 milliards d'euros, mais le phénomène inquiète légitimement et laisse craindre une partie immergée de l'iceberg encore bien plus importante.

Les fraudes détectées augmentent à une vitesse sans précédent

Manque de ressources oblige, la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) a récemment intensifié sa lutte contre les fraudes et les « activités fautives » de la part des assurés et des professionnels de santé. Les résultats obtenus en s'appuyant notamment sur de nouveaux pouvoirs de contrôle semblent aller au-delà de toutes ses espérances ! Pour la seule année 2014, les prestations versées de façon injustifiée ont été estimées à 196,2 millions d'euros.

Au-delà du chiffre brut, c'est surtout l'évolution rapide et presque exponentielle des fraudes détectées qui interpelle. En 2013, le montant total ne s'élevait encore qu'à 167,1 millions d'euros. En un an à peine, la fraude mise en évidence par l'Assurance maladie a donc connu un accroissement spectaculaire de 17 %. Soit bien davantage que l'augmentation des dépenses totales de l'Assurance maladie, qui s'élevait quant à elle à 2,6 % en 2014. Ces « bons » ou « mauvais » résultats, selon le point de vue adopté, font suite à une précédente augmentation de 12 % entre 2012 et 2013.

Les chiffres communiqués ne concernent que la CNAM, qui assure le risque maladie des travailleurs salariés. La caisse du régime général est en effet celle qui obtient actuellement les meilleurs résultats en matière de lutte contre les abus : elle totalise à elle seule 96 % des fraudes détectées.

Des feuilles de soins fictives chez les médecins

Contrairement à une idée reçue, les principaux fraudeurs à l'Assurance maladie semblent être les professionnels de santé eux-mêmes. Une affirmation qui doit toutefois être nuancée puisque les fraudes des professionnels sont également, par nature, les plus simples à détecter pour la CNAM en procédant à des croisements informatiques et des comparaisons entre praticiens. Au total, médecins, infirmiers et autres libéraux du secteur de la santé se rendraient coupables de 37 % des fraudes détectées, pour un montant estimé de 73,1 millions d'euros.

L'une des fraudes les plus endémiques est la falsification de certaines feuilles de soins, et notamment la transformation d'une banale consultation au cabinet du médecin en une visite à domicile en tiers payant. Le patient, qui laisse le médecin signer les feuilles des soins à sa place, ne voit pas la différence et le médecin bénéficie quant à lui d'une rémunération plus avantageuse.

Tarification fantaisiste dans certains établissements de santé

Dans les établissements de santé, la récente entrée en vigueur de la tarification à l'activité (T2A) a remplacé l'ancien système dans lequel chaque site recevait une dotation globale pour son budget de fonctionnement. Tout l'enjeu, pour les hôpitaux et cliniques, consiste donc désormais à bien recenser et codifier chacun des actes médicaux pratiqués sur les patients pour obtenir des remboursements à hauteur de leur activité réelle.

Sauf que certains établissements semblent s'être pris un peu trop au jeu, et n'hésiteraient pas à facturer de façon large ou même totalement fantaisiste ! Avec un montant total de 52,6 millions d'euros, les établissements de santé représentent pas moins de 27 % du total des fraudes détectées en 2014 et arrivent donc en bonne place juste derrière les professionnels libéraux.

Quelques transporteurs sanitaires peu scrupuleux

Les transporteurs sanitaires, dont certaines pratiques sont régulièrement pointées du doigt, seraient également plusieurs à ne pas donner l'exemple.

La fraude détectée atteint 21,9 millions d'euros et peut prendre les formes les plus diverses, comme la surestimation du nombre de transports pour un même patient, le transport simultané de plusieurs patients ou encore l'attribution abusive à des patients du statut d'affection de longue durée (ALD) pour bénéficier d'un remboursement à 100 %. Un maquis inextricable dans lequel le ministère des Finances aurait bien l'intention de mettre son nez dès l'année prochaine.

Fraude massive à la CMU-C chez les assurés

Les moyens de fraude chez les assurés sont bien connus, et le montant détecté pour 2014 (38,8 millions d'euros, soit moins de 20 % du total) est sans doute bien en-dessous de la réalité. Les certificats médicaux de complaisance délivrés à des malades imaginaires sont déjà très préjudiciables lorsque ces derniers se contentent de rester chez eux, mais le sont encore plus lorsque les supposés malades en profitent pour cumuler leurs indemnités journalières avec un emploi non déclaré : un comportement relevé dans plusieurs dossiers traités l'année dernière par la CNAM.

La fraude à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) semble également en train de se répandre. En dissimulant une partie des revenus du ménage et en comptant sur l'absence de contrôle de la part de la CNAM, certains foyers profitent indûment de cette couverture santé réservée en principe aux plus modestes. Au point que la CNAM, qui estimait auparavant à 3 % le taux de fraude à la CMU-C, évoque désormais un chiffre au-delà de 20 % !

Des sanctions encore rares et peu dissuasives

Les sanctions prononcées par des instances judiciaires ou ordinales pour des fraudes à l'Assurance maladie ont été plus nombreuses que d'habitude en 2014, avec environ une quinzaine de décisions ou condamnations par jour ouvré. Les pénalités financières prononcées font cependant pâle figure par rapport au préjudice subi par la CNAM : elles s'élèvent à peine à 12,3 millions d'euros pour l'année dernière. En dix ans, 2 600 fraudeurs ont été condamnés à des peines de prison ferme ou avec sursis et 2 900 professionnels de santé ont été interdits de pratique par leurs ordres, à titre temporaire ou définitif.

La détection des fraudes par l'Assurance maladie devrait continuer à afficher une progression importante dans les prochaines années grâce aux nouvelles possibilités de contrôle mises à sa disposition. Les évolutions technologiques et réglementaires, en particulier, permettent désormais aux contrôleurs de la caisse nationale de croiser différents fichiers des organismes sociaux et même d'accéder aux comptes bancaires des particuliers suspectés de fraude.