Dépenses de l’Assurance maladie : la thérapie de choc préconisée par le MEDEF

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En fin de semaine dernière, le MEDEF avait réuni l'ensemble des acteurs privés de la santé, dont les représentants de l'industrie pharmaceutique ( LEEM ), de l'hospitalisation privée ( FHP ) et des sociétés d'assurance ( FFSA ), pour une après-midi de débats. Au programme : l'élaboration d'une contribution de l'organisation patronale à la stratégie nationale de santé mise en place par le gouvernement, ou comment réaliser une trentaine de milliards d'euros d'économie sur les dépenses d'Assurance maladie d'ici à 2017.

Vers une minoration des remboursements pris en charge par l'Assurance maladie...

Selon le MEDEF, la France ne dispose plus aujourd'hui du « meilleur système de santé au monde », comme l'avait gratifié l' OMS en 2000. Que ce soit à cause de l'insuffisante place faite à la prévention ou encore son manque d'efficience, le système de santé français accuse de nombreux maux que l'organisation patronale se propose de guérir. Quitte à prescrire des remèdes draconiens.

La première et principale proposition du MEDEF est d'engager une modification en profondeur de l'organisation du système-santé. Concrètement, il s'agit d'opérer un transfert – massif – des dépenses prises en charge par l'Assurance maladie vers les complémentaires et les sur-complémentaires santé. Dans le détail, le MEDEF propose d'asseoir la couverture des dépenses de santé en France sur trois piliers : l'Assurance maladie, les complémentaires et les assurés, via des sur-complémentaires optionnelles. 

Ce scénario, lequel se veut constituer un « modèle réaliste », est à opposer au « modèle étatique » qui prévaut actuellement. Le MEDEF prend ici l'exact contre-pied d'un panier de soins à ses yeux trop « élargi [et] étendu », un encadrement par l'État ne laissant qu'une « faible liberté contractuelle » ainsi que « l'absence de place pour le régime de la sur-complémentaire et l'auto-assurance ». 

… au profit d'une montée en puissance des complémentaires santé

Dans le prolongement des pistes explorées par le patronat, figure donc une « forte réduction » du panier de soins actuel, lequel désigne l'ensemble des produits de santé et des actes curatifs ou préventifs pris en charge par la Sécurité sociale. Ce « recentrage » sur les soins et services – aux yeux du MEDEF – « essentiels » permettrait de réaliser 10 milliards d'euros d'économie.

En second lieu, l'organisation patronale propose la création d'un socle obligatoire pour les seuls salariés du secteur privé au niveau d'un panier de soins défini par un  ANI . C'est là qu'interviendraient les complémentaires santé, compétentes quant au remboursement des actes de soin concernés par ce second pilier.

Enfin, le reste de la couverture santé serait du seul ressort des assurés, lesquels seraient alors incités à s'orienter vers des sur-complémentaires, si tant est que leur budget santé le leur permette. La réalisation de ce scénario patronal permettrait de dégager des économies significatives, estimées par le MEDEF de l'ordre de 15 à 20 milliards d'euros d'ici à 2017.

La conciliation d'un « haut niveau de protection sociale » d'avec les « impératifs de compétitivité des entreprises » 

Rappelant que le patronat supporte pour partie le coût des dépenses d'Assurance maladie obligatoire, via des cotisations acquittées à hauteur de 12,8 % par les entreprises et 0,75 % par les salariés, l'organisation patronale n'entend pas s'arrêter en si bon chemin. Le MEDEF préconise en outre de réaliser près de 15 milliards d'euros d'économies supplémentaires via « 5 axes prioritaires ». 

  1. Adapter l'offre de soins par un rééquilibrage hôpital-ville (7 à 8 Mds €)
  2. Rendre le fonctionnement et la gestion des établissements de santé plus efficients par plus d'équité et de transparence entre public-privé (2 à 3 Mds €)
  3. Mettre en place une véritable « médecine de parcours » pour relever le défi de la montée en charge des maladies chroniques et du vieillissement (2 à 4 Mds :€)
  4. Responsabiliser davantage les acteurs du système de santé (3 Mds €)
  5. Clarifier la gouvernance du système de santé et renforcer les règles de pilotage et de suivi des dépenses d'assurance maladie (1 à 2 Mds €)

Chaque axe avancé donne naissance à une série de propositions, dont certaines ne manqueront pas de faire réagir. À titre d'exemple, le quatrième axe défendu par le MEDEF repose sur une relance du – polémique – ticket modérateur. Dans le détail, le patronat propose l'instauration d'un « ticket modérateur d'ordre public par acte et/ou par parcours de soin, qui ne serait remboursé ni par l'assurance maladie, ni par les organismes complémentaires ». Une mesure qui pourrait avoir, toujours selon l'appréciation du patronat, « un effet responsabilisant sur les premiers euros de dépense sans compromettre l'accès aux soins ».

Face aux partenaires syndicaux tout comme une opinion, majoritairement rétive à rogner les contours du généreux modèle social hexagonal, le MEDEF aura fort à faire en vue de convaincre de la pertinence de ces mesures avancées. Une levée de boucliers est d'ores et déjà à prévoir quant à l'impact réel de cette « thérapie de choc » sur la qualité future mais également l'égalité de l'accès aux soins pour des millions d'assurés Français.

N.D.L.R. : ce mercredi 16 avril, le Premier ministre Manuel Valls a fait l'annonce d'un vaste plan d'économies de l'ordre de 10 milliards d'euros affectant l'Assurance maladie, sans que n'en soient détaillés les contours.

Économies en santé : la France ne manque pas d'idées

Dans l'optique d'une rationalisation de la gestion du système de soins Français, les idées fleurissent de toute part et le MEDEF n'est pas le seul à avancer ses pions sur ce sujet.

  • Le  CAE a publié une note visant à dégager a minima 6 milliards d'euros d'économie, principalement via la suppression des doubles frais de gestion des dossiers.
  • La  FHF a pour sa part identifié 5 milliards d'euros d'économie via la mise en œuvre d'une « politique déterminée de lutte contre les actes et prescriptions inutiles ».
  • La  FHP a également rendu sa copie, signalant que la Cour des comptes a chiffré à 7 milliards d'euros l'écart tarifaire entre le public et le privé.
  • L'Assurance Maladie continue, elle, de privilégier une logique de rémunération sur objectifs de santé publique des médecins et d'encourager le renforcement des médicaments génériques en France.