Les règles d’utilisation des fonds du livret A évoluent

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Pour une majorité d'épargnants, le livret A et le livret de développement durable (LDD) se résument à une simple enveloppe d'épargne. Leur rémunération est certes plutôt faiblarde – 0,75 % depuis le 1er août 2015 – mais ils restent assez pratiques pour conserver à vue une petite épargne de précaution immédiatement disponible.

En revanche, bien peu ont la curiosité de se renseigner sur l'utilisation précise qui est faite de leur épargne. Or les règles applicables aux banques collectrices et à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) évoluent à grande vitesse ! Un nouveau décret, paru au Journal officiel le samedi 20 février 2016, devrait contribuer à préserver les réserves de la CDC, dans un contexte de désaffection du public pour l'épargne réglementée.

Fonds du livret A : quelle est la règle ?

Les petites économies accumulées par les Français sur leurs livrets A et leurs livrets de développement durable représentent une somme rondelette qu'on évaluait fin 2015 à 353,3 milliards d'euros. Quel est le devenir de ces fonds ? Depuis 2009, la même règle s'applique de façon indifférenciée à ces deux livrets.

La majeure partie de la somme fait l'objet d'une « centralisation » auprès de la CDC, qui l'utilise pour prêter de l'argent à taux préférentiel au bénéfice des organismes HLM, de certaines collectivités locales et pour la construction de logements sociaux. La proportion exacte de la somme centralisée varie. Un décret du 30 juillet 2013 permet à la Caisse des Dépôts de faire évoluer chaque trimestre son taux de centralisation afin de respecter une solvabilité minimale. L'épargne centralisée doit couvrir au moins 135 % du montant des prêts accordés par la CDC. Dans tous les cas, la CDC ne peut pas imposer une centralisation supérieure à 65 % de l'épargne des livrets A et LDD.

L'utilisation du solde, c'est-à-dire la partie non centralisée, était pour l'instant laissée à la libre appréciation de la banque collectrice. Cette dernière pouvait :

  • choisir de conserver la somme en trésorerie de manière à améliorer son ratio de solvabilité au regard des règles très strictes imposées par les accords de Bâle.
  • le prêter à d'autres banques, à des PME ou financer des travaux de performance énergétique dans l'immobilier ancien.
  • opter pour une « surcentralisation » à la Caisse des Dépôts et Consignations, c'est-à-dire lui transférer un montant supérieur au minimum obligatoire.

Dans tous les cas, elle gardait la possibilité de moduler et d'affecter tout ou partie de la somme à chacune de ces solutions. Par ailleurs, en échange des sommes centralisées chez elle, la CDC verse aux banques une commission d'un montant minimal de 0,3 % des sommes versées (depuis le 1er janvier 2016) mais qui augmente si la banque choisit de surcentraliser.

Une modification des règles liées à la surcentralisation

Le décret paru ce 20 février 2016 au Journal Officiel tend à restreindre la liberté d'action des banques. Dorénavant, les banques collectrices ne peuvent plus répartir comme bon leur semble l'utilisation du solde de leurs livrets A et LDD. Elles devront soit en conserver l'intégralité en caisse, soit transférer la somme, là aussi en intégralité, à un organisme tiers ou à la Caisse des Dépôts elle-même. Plus question de piocher, c'est la règle du « tout ou rien » qui s'applique !

Si la banque opte pour le transfert des sommes, elle s'engage pour un plus long terme qu'auparavant. L'organisme qui reçoit les fonds ne sera tenu de les rembourser en totalité qu'au bout de dix ans, contre cinq ans jusqu'à maintenant. Cette nouvelle règle devrait permettre aux organismes de placer eux-mêmes les sommes sur des durées plus longues, et donc d'obtenir des taux d'intérêt plus avantageux.

Le but : compenser la décollecte et garnir les réserves de la CDC

À lire également : Le désamour des Français pour le livret A continue en novembre 2015.

Cette évolution de la réglementation intervient dans un contexte difficile pour la CDC. Peu séduits par une rémunération au plus bas, les Français ont tendance à délaisser leurs livrets A et LDD et à en sortir des sommes de plus en plus importantes. L'encours total a ainsi diminué d'environ 17 milliards d'euros en seulement deux ans. Cette tendance pourrait finir par mettre en danger la solvabilité de la CDC, et rendre intenable l'équilibre financier qu'on lui impose, et notamment la centralisation d'au moins 135 % des sommes prêtées aux organismes HLM et collectivités.

Par l'intermédiaire de ce nouveau décret, l'État espère visiblement inciter les banques à opter plus souvent et plus massivement pour une surcentralisation des fonds à la CDC. Ce mouvement pourrait toutefois se faire au détriment des propres ratios de solvabilité des grandes banques françaises.