Une dépolitisation du taux du livret A nécessaire selon Christian Noyer

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La rémunération actuellement offerte par le livret A ne semble décidément plus convenir à personne. Les 61,6 millions de détenteurs du plus célèbre livret d'épargne défiscalisé, en ce qui les concerne, souffrent en silence du taux historiquement bas de 0,75 % offert depuis le 1er août 2015, ou préfèrent retirer leurs fonds : la décollecte du livret A ne connaît aucune interruption depuis le début de l'année et s'accélère même en septembre.

D'autres, à commencer par le gouverneur sortant de la Banque de France Christian Noyer, critiquent au contraire le maintien du taux d'intérêt à un niveau artificiellement haut par pure volonté politique, et déplorent que le mécanisme de calcul soit contourné de façon systématique.

Taux du livret A : une décision éminemment politique

Le taux du livret A, pour rappel, est soumis depuis le 1er février 2008 à une formule de calcul qui laisse – en théorie – peu de place à l'interprétation. Il correspond au taux, arrondi au quart de point le plus proche, le plus favorable entre :

  • le taux d'inflation hors tabac des douze derniers mois augmenté d'un quart de point
  • la moyenne arithmétique du taux d'inflation hors tabac et de la moyenne arithmétique des taux directeurs « Euribor » à court terme (3 mois) et Eonia

En cas d'accord de la Banque de France avec le taux calculé, celui-ci s'applique automatiquement. En revanche, si la Banque de France propose un taux différent, c'est le gouvernement qui a le dernier mot sur la valeur qui entrera finalement en vigueur... et force est de constater que le strict respect de la formule de calcul se fait de plus en plus rare.

Soucieux de préserver le pouvoir d'achat des Français, les gouvernements successifs ont tendance à accorder systématiquement un coup de pouce. Ignorant la baisse de l'inflation et des taux directeurs, le gouvernement a par exemple fixé le taux à 1,75 % en février 2013 (contre 1,5 % selon la formule), à 1,25 % en août 2013 (contre 1 % selon la formule) et enfin à 0,75 % en août 2015 (contre 0,50 % selon la formule).

Christian Noyer plaide pour un taux plus strictement indexé

Interviewé sur Europe 1 le jeudi 29 octobre 2015, à quelques jours de son départ, le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer a pu dire tout le mal qu'il pensait de la « politisation excessive » entourant le taux du livret A. Afin d'éviter toute manipulation du taux à des fins politiciennes, il préconiserait notamment deux solutions : soit déléguer entièrement la fixation du taux au gouverneur de la Banque de France, soit opter pour une indexation stricte sur les taux de la Banque centrale européenne. Dans les deux cas, l'effet serait le même : priver la sphère politique de toute possibilité d'intervention dans la détermination du taux.

Christian Noyer aurait-t-il déclaré la guerre aux modestes économies des Français par pur sadisme ? La situation est évidemment plus compliquée que cela et le gouverneur de la Banque de France apporte des arguments pour soutenir sa position. Le maintien du taux de rémunération du livret A à un niveau artificiellement élevé, notamment, tend à augmenter le coût du refinancement des banques auprès de la BCE et contrecarre la politique monétaire de cette dernière, pourtant supposée être indépendante. Un taux trop élevé augmente inutilement le coût de l'argent dans toute l'économie, et peut donc ralentir la reprise. Christian Noyer estime par conséquent que le taux du livret A devrait être fixé de la même manière que les taux directeurs eux-mêmes : en toute indépendance.

Une chute progressive de la rémunération depuis quatre ans

La réticence et l'interventionnisme des pouvoirs publics, à l'opposé, sont eux aussi parfaitement compréhensibles dans la mesure où le taux déclinant du livret A suscite déjà de nombreuses tensions. Après une embellie qui a atteint son apogée en août 2011 avec un taux à 2,25 %, la chute a été continuelle et engendre un désintérêt croissant des Français pour ce produit d'épargne.

Les encours du livret A, pour rappel, sont utilisés par la Caisse des Dépôts et des Consignations pour accorder des financements aux bailleurs sociaux. Bien que les réserves de la CDC restent pour l'instant très confortables, l'application stricte de la formule de calcul du taux du livret A pourrait entraîner une décollecte massive et donc, à terme, mettre en danger la politique du logement.

Quelles solutions de repli pour les épargnants ?

Avec un livret A à 0,75 %, il devient de plus en plus facile de trouver des placements plus favorables, même pour des épargnants soumis à une fiscalité lourde. Du côté des livrets réglementés, le livret d'épargne populaire (LEP) continue à afficher 1,25 %, tandis que l'ouverture d'un plan d'épargne logement (PEL) permet de bénéficier d'une rémunération brute de 2 %, dont il convient de retrancher 15,5 % au titre des prélèvements sociaux (soit un rendement net défiscalisé de tout de même 1,69 %).

Les livrets d'épargne fiscalisés, quant à eux, proposent pour certains des taux alléchants mais vous obligent à prendre en compte l'impact de l'impôt sur le revenu. Pour faire mieux que 0,75 % net, un épargnant imposé au taux marginal de 30 % doit par exemple rechercher une rémunération brute d'au moins 1,38 %, tandis qu'un contribuable imposé à 41 % aura besoin d'un rendement brut de 1,72 %

De tous les placements à capital garanti, l'assurance-vie apparaît toujours comme l'alternative la plus viable. Les fonds en euros ont ainsi encore rapporté 2,5 % net en 2014, avec en plus la possibilité de bénéficier d'une fiscalité très favorable pour les contrats vieux de plus de huit ans.