La Société Générale à son tour en procès aux États-Unis ?

Mis à jour le
minutes de lecture

En cause ? Une fraude liée à la revente de prêts toxiques en 2007. Les montants en jeu, certes, sont beaucoup plus modestes, mais l'affaire est susceptible de renforcer le malaise ambiant chez les grandes banques françaises.

Un précédent : le cas BNP Paribas

8,834 milliards de dollars, soit environ 6,45 milliards d'euros : un chiffre vertigineux, qui avait fait les gros titres de la presse française et des médias internationaux au début de l'été. Quelle que soit l'issue du nouveau contentieux opposant la Société Générale à Northern Rock, le précédent de la banque BNP Paribas restera donc dans tous les esprits, sans doute plus à tort qu'à raison.

Car l'affaire était exceptionnelle à plus d'un titre. Rappelons que la première banque française était accusée par le procureur de New York d'avoir violé les embargos américains envers Cuba, le Soudan et l'Iran. En l'espèce, la banque a reconnu avoir effectué des transferts financiers vers ces pays, en commettant deux fautes : celle de les avoir réalisés en dollars américains, et celle des les avoir imputés sur sa filiale de New York. L'amende finale prononcée le 30 juin 2014, au terme d'un véritable imbroglio politico-diplomatique, est par conséquent la plus forte jamais imposée par les États-Unis à une banque étrangère.

Dossier Société Générale : de quoi s'agit-il ?

Le mardi 12 août 2014, un tribunal américain présidé par le juge new-yorkais Melvin Schweitzer a déclaré recevable la plainte pour fraude déposée par la banque britannique Northern Rock contre la Société Générale, et plus précisément contre sa banque de financement et d'investissement, la SGCIB.

Interrogée par l'AFP, la Société Générale a indiqué dans un e-mail lapidaire qu'il s'agissait d'un « contentieux à l'enjeu très limité »

Bruce Grace, avocat de la banque britannique, accuse la SGCIB d'avoir vendu à Northern Rock, en toute connaissance de cause, des produits financiers toxiques en juin 2007, soit peu avant le début de la crise des subprimes. Il s'agissait de produits complexes rattachés ou adossés à des crédits immobiliers, des RMBS et divers titres dérivés, dont des CDO. Problème : de nombreux emprunteurs étaient d'ores et déjà insolvables, et il semble que la Société Générale en avait connaissance au moment de la vente.

À titre de dédommagement, Northern Rock réclame en conséquence la somme de 34 millions de dollars, soit environ 25 millions d'euros.

Northern Rock : un symbole de la crise des subprimes

Ironie de l'histoire : Northern Rock, victime dans ce dossier, symbolise pourtant au Royaume-Uni les pires excès de la finance dans les années 2000. Autrefois petite banque régionale, Northern Rock a entamé une ascension fulgurante à compter de 1997 et de son entrée en bourse, grâce à une politique ambitieuse consistant à multiplier les prêts les plus rentables, donc les plus risqués. Au point de s'imposer finalement comme le premier prêteur immobilier du pays.

Cet agencement fragile s'est écroulé dès septembre 2007, avec la crise des subprimes, ce qui a conduit à la nationalisation en catastrophe de la banque un an plus tard et, finalement, à son rachat par Virgin Money en 2011.

Quelle issue pour la Société Générale ?

Il est encore trop tôt, à ce stade, pour affirmer qu'un procès aura bien lieu en 2015. Tout dépend en réalité de la stratégie qui sera adoptée par la Société Générale, qui a encore la possibilité de négocier un dédommagement à l'amiable pour éviter le début d'une procédure judiciaire. Cette façon de résoudre les litiges est très répandue outre-Atlantique, et l'a été tout particulièrement pour tous les contentieux financiers liés à la crise de 2008.

Si la banque française estime être dans son droit, elle risquera probablement le procès. Si sa faute est avérée, et si les éléments produits par Northern Rock sont tangibles, elle préférera sans doute éviter la publicité d'un procès et régler directement la somme exigée...

L'ouverture d'un procès, en tout cas, serait une première et pourrait engendrer une multiplication des procédures judiciaires entre banques. Lors de l'éclatement de la crise, les relations interbancaires étaient devenues si denses et si complexes que chacune, aujourd'hui, peut en effet estimer être la victime d'une autre.

Un mauvais coup de plus porté aux comptes publics

Les procédures touchant les banques françaises sont problématiques dans la mesure où elles ont également un impact sur le secteur non-bancaire et l'économie réelle. Ainsi, et à cause de l'amende réglée par BNP Paribas, le déficit des paiements courants de la France s'élève à 7,4 milliards d'euros pour le mois de juin 2014, alors qu'il aurait été deux fois inférieur en temps normal.

Au vu des montants en jeu, une éventuelle amende (pénale ou amiable) réglée par la Société Générale n'aurait bien sûr pas le même impact, mais pourrait contribuer à une certaine nervosité sur le réseau bancaire français.