Argent : qui de Monsieur ou Madame tient les cordons de la bourse ?

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Qui détient le pouvoir économique au sein du couple ? C'est pour répondre à cette question, en substance, que l'Insee a réalisé et publié ce 4 novembre 2015 un ambitieux dossier consacré au « partage des revenus et du pouvoir de décision dans les couples européens ». Sont visés les couples hétérosexuels âgés entre 18 et 64 ans et pouvant justifier d'au moins une année de vie commune.

À travers des questions aussi simples que l'utilisation d'un compte joint ou de deux comptes séparés, il est possible de dresser des profils types et de distinguer de nombreuses différences entre pays européens, mais aussi entre générations ou classes sociales.

Le principe du pot commun continue à dominer…

On sait que différentes solutions coexistent au sein d'un couple pour la gestion des finances au quotidien. Les deux extrêmes sont d'une part la mise en commun totale des ressources au sein d'un compte bancaire unique, et, d'autre part, le maintien d'une séparation hermétique entre les finances des deux conjoints.

En France, mais aussi dans le reste des 15 pays de l'Union européenne étudiés, c'est très clairement la première solution qui continue à dominer avec une bonne marge. Les couples, dans leur majorité, déclarent mettre en commun l'intégralité de leurs revenus. Reste que cette majorité a tendance à varier fortement d'un pays à un autre. Les nationalités les plus adeptes du « pot commun » sont très clairement les Espagnols, les Portugais et les Polonais, avec environ 90 % de couples fonctionnant selon ce système. À l'autre bout du classement, les Finlandais ne sont que 53 % à admettre une mise en commun systématique : un indicateur intéressant qui peut trahir la place accordée à l'individu dans chaque culture.

La France n'est pas particulièrement fervente de la mise en commun totale. Elle ne concerne qu'une majorité relative de 63 % des couples de l'Hexagone, soit le troisième taux le plus bas après la Finlande et l'Autriche.

…mais la séparation partielle gagne du terrain

Le second mode de gestion le plus répandu en Europe est celui de la mise en commun partielle. Dans une telle configuration, les deux membres du couple vont typiquement conserver chacun leur compte courant et souscrire par ailleurs un compte joint. Un choix jugé idéal par un nombre croissant de couples pour assurer à la fois une solidarité sur les dépenses communes (crédit immobilier, loyer, éducation des enfants…) et un minimum d'autonomie pour le budget des loisirs. Un fonctionnement décrit par l'Insee comme « une coordination financière pour les dépenses communes et le maintien d'une certaine indépendance des deux conjoints ».

Près d'un tiers des ménages ont déjà adopté ce mode de fonctionnement dans les pays de culture scandinave ou anglo-saxonne comme la Suède, la Finlande et le Royaume-Uni. À l'inverse, les pays méditerranéens restent assez étrangers à ce principe, qui n'y concerne au mieux qu'un couple sur dix. La France, avec 20,5 % des couples ayant opté pour une mutualisation partielle, se situe donc dans une zone intermédiaire.

La séparation totale des revenus, quant à elle, reste minoritaire partout. Très résiduelle dans les pays du Sud (inférieure à 5 %), elle grimpe toutefois jusqu'à 19 % en Autriche et, plus étonnant, jusqu'à 16,5 % en France !

Statut marital, éducation, revenus : quels facteurs entrent en jeu ?

Grâce au recoupement des données, l'étude de l'Insee démontre que certains facteurs sont susceptibles d'augmenter la probabilité de mettre entièrement en commun les revenus du couple, et ce dans tous les pays. Il s'agit, en particulier :

  • Du statut marital et familial. Les couples mariés ont une tendance nettement plus marquée à faire pot commun. À l'inverse, l'Insee n'hésite pas à faire le rapprochement entre l'essor des nouvelles formes d'union libre ou civile (le Pacs pour la France) et le développement de la mise en commun partielle des revenus au cours des dernières années. Que le couple soit marié ou non, le fait d'avoir un enfant pousse aussi davantage à mutualiser totalement les ressources. Seule exception : les foyers recomposés et les conjoints bénéficiaires ou créditeurs d'une pension alimentaire qui, bien souvent, préfèrent garder un compte individuel pour gérer ces délicates questions !
  • Du niveau d'éducation et de revenu. Ces deux indicateurs vont souvent de pair puisque les couples diplômés du supérieur sont constitués très souvent de deux personnes actives aux revenus confortables. Ces couples CSP+, selon l'Insee, sont aussi ceux qui accordent le plus d'importance à « leur indépendance mutuelle ou à des valeurs d'égalité ou d'autonomie », ce qui les conduit fatalement à délaisser la mise en commun totale ou même à opter pour une séparation intégrale. À l'autre bout du spectre, les couples n'ayant que peu de revenus ou ne comptant qu'un seul actif mettent plutôt l'argent en commun, non pas toujours par goût mais plutôt par nécessité.
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Décisions de dépenses : un équilibre parfois précaire

Sans surprise, les plus grosses dépenses – c'est-à-dire celles qui impacteront durablement les conditions de vie de la famille – sont soumises partout à l'avis de l'un et de l'autre membre du couple. Quasiment personne n'achète en effet une voiture sans en référer d'abord à son conjoint, sans même parler d'une maison ! L'étude relève, tout au plus, une légère primauté en faveur de l'homme de la maison lorsqu'il s'agit de souscrire un emprunt, et au contraire une influence plus décisive de la femme lorsque les enfants sont concernés (inscription en école privée, nouvelle chambre…).

Du côté des dépenses du quotidien, dont les plus emblématiques sont les courses hebdomadaires, la femme dispose souvent d'une délégation de pouvoir presque totale de la part de son compagnon. Le signe évident, selon l'Insee, que les tâches ménagères restent inégalement réparties au sein du couple. L'essentiel, cependant, reste finalement la perception qu'ont les deux membres du couple de leur liberté : environ 85 % des Françaises estiment être libres de leurs dépenses personnelles. Les Français de sexe masculin, quant à eux… ne sont que 79 % à le penser !