Assurances-vie : la loi Sapin 2 limitera-t-elle leur rémunération ?

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Souffrant de la faiblesse actuelle du taux des obligations, les assurances-vie garanties en euros sont plus que jamais sur la sellette ! Selon les autorités de régulation financière, la baisse de rémunération de ces assurances-vie en 2015 a été largement insuffisante pour préserver la stabilité des compagnies distributrices en cas de variations des taux sur le marché.

Pour prévenir une nouvelle crise financière, un amendement parlementaire a été intégré au projet de loi dit Sapin 2 relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Cet amendement instaure un renforcement des prérogatives du HCSF . Pour l'instant restreintes au secteur bancaire, celles-ci s'étendraient au secteur de l'assurance. Que prévoit exactement la loi Sapin 2 au sujet des contrats d'assurances-vie et quelles conséquences sont à craindre pour les épargnants ?

La fin de la liberté de fixation des taux des fonds en euros ?

Comptant parmi les placements préférés des Français, les assurances-vie constituées de fonds en euros présentent l'avantage de garantir les sommes investies par les épargnants mais aussi les intérêts que ces sommes générent. Or, c'est un fait : les compagnies d'assurance proposent actuellement des taux de rémunération bien supérieurs au rendement réel de ces produits d'épargne.

Loin de faire des bénéfices, les organismes distributeurs d'assurance-vie piochent au contraire dans leurs réserves pour maintenir des taux avantageux pour leurs épargnants. En cas de variations des taux sur le marché, leur situation financière pourrait grandement être fragilisée. Malgré les appels à la prudence répétés de l' ACPR et du HCSF, les assureurs rechignent à baisser la rémunération de leurs assurances-vie.

Sur proposition du gouverneur de la Banque de France, l'article 21 bis de la loi Sapin 2 réserverait donc le droit au HCSF de « moduler les règles de constitution et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices ». Autrement dit, le HCSF pourrait influer sur les sommes permettant aux assureurs de compenser les rendements d'une année sur l'autre. Il leur serait alors très difficile de servir des rendements trop élevés… et ce serait probablement la fin des taux avantageux pour les fonds en euros.

Vers la possibilité d'un gel du rachat d'assurance-vie

Autre point crucial concernant les assurances-vie, la loi Sapin 2 pourrait menacer la disponibilité des sommes investies par les souscripteurs. Au terme de leur contrat, ceux-ci récupèrent un capital majoré d'intérêts ou une rente viagère. Dans le cas où ils décéderaient avant, le capital investi est automatiquement reversé au bénéficiaire désigné de l'assurance-vie. Enfin, en cas de besoin, le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie peut parfois effectuer un rachat partiel ou total de la somme qui lui sera due, voire demander une avance à son assureur.

Une liquidité très pratique pour les épargnants… qui pourrait également être mise à mal par les dispositions de l'article 21 bis de la loi Sapin 2. Outre la possibilité d'influer sur les taux de rémunération des assurances-vie, cet article offre également au HCSF la possibilité de « suspendre, retarder ou limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat, la faculté d'arbitrages ou le versement d'avances sur contrat ».

Quelles conséquences pour les épargnants ?

Ces deux mesures restent soumises à la proposition du gouverneur de la Banque de France. La suspension ou la limitation des demandes d'avance ou des rachats d'assurances-vie ne serait par ailleurs applicable que pour une durée de trois mois renouvelable. Néanmoins, pendant ce laps de temps, les souscripteurs d'un contrat d'assurance-vie souhaitant récupérer une part ou l'intégralité de leur capital seraient dans l'impossibilité de le faire !

Même si elle peut être effrayante, cette mesure n'a rien d'une innovation majeure. L'ACPR est en effet déjà habilitée à prendre ce genre de décisions pour certaines mutuelles, les assurances directes (c'est-à-dire sans intermédiaires) ainsi que pour les institutions et unions de prévoyance. La loi Sapin 2 étend donc simplement cette disposition aux entités soumises à l'Autorité des marchés financiers (AMF) et au HCSF. Reste que l'article 21 bis a fait polémique même parmi les députés. Beaucoup ont souligné une mise à disposition trop tardive par le rapporteur, Romain Colas, au regard de l'« impact potentiel considérable » de la proposition.

Toujours en discussion, la loi Sapin 2 sera examinée par plusieurs commissions dans le courant du mois de septembre. L'avenir nous dira si cet amendement sera finalement adopté.