Vers la fin des tarifs réglementés du gaz ?

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L'ouverture du marché du gaz à la concurrence, dans les années 2000, a été accompagnée d'un certain nombre de garanties pour les particuliers. Parmi ces garanties, comptait notamment la liberté de choisir une offre de marché ou de rester fidèle aux tarifs réglementés de vente (TRV), fixés par les autorités publiques. Ce droit a même été renforcé par la loi NOME de 2010, qui y ajoutait le principe de réversibilité, c'est-à-dire la possibilité de revenir aux tarifs réglementés après les avoir quittés.

Un avis récemment rendu par un avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), dans le cadre d'une affaire opposant les fournisseurs alternatifs de gaz à l'État français, pourrait pourtant signer à terme l'arrêt de mort des TRV à la française. De quoi est-il question ?

Les tarifs réglementés : une « entrave non justifiée » à la concurrence ?

Un avis présenté ce mardi 12 avril 2016 par Paolo Mengozzi, avocat général au sein de la CJUE, a fait grand bruit sur le marché français du gaz naturel. Le magistrat devait en effet se positionner sur une question sensible : est-il justifié que l'opérateur historique Engie (ex-GDF Suez) et les ELD continuent à proposer des contrats de fourniture de gaz à un tarif réglementé, alors même que les fournisseurs alternatifs et Engie lui-même commercialisent parallèlement des offres à un prix inférieur ?

De fait, les tarifs réglementés de vente du gaz sont supposés couvrir les coûts de l'opérateur historique. Contrairement à une idée répandue, ils n'ont pas forcément vocation à faire payer moins cher les consommateurs. La plupart des offres libres sont désormais largement inférieures au niveau des TRV (jusqu'à - 12 %). Elles créent donc un marché à deux vitesses au détriment des foyers les moins bien informés.

Dans les conclusions qu'il a communiquées à la cour, l'avocat général Mengozzi estime qu'un tarif réglementé ne constitue pas nécessairement une entrave non justifiée à la concurrence, à condition toutefois que cette contrainte reste proportionnée au but poursuivi. Problème : le système des tarifs réglementés à la française apparaît selon lui disproportionné pour assurer la cohésion territoriale et la sécurité de l'approvisionnement énergétique du pays, deux arguments pourtant mis en avant par les autorités françaises pour justifier son existence.

Une première victoire pour les fournisseurs alternatifs

La cour de justice européenne a pris le temps de la réflexion puisqu'elle avait été saisie de l'épineux dossier en décembre 2014 par le Conseil d'État. Ce dernier avait lui-même été saisi d'un recours adressé par l'ANODE, qui représente les intérêts des fournisseurs alternatifs de gaz et d'électricité en France. Les tarifs réglementés constituent en effet le principal cheval de bataille de l'association qui conteste depuis toujours l'intervention de l'État français dans ce domaine. L'ANODE réclame une ouverture totale à la concurrence, soit la disparition des TRV.

Pour motiver son recours en justice, l'ANODE a pu s'appuyer sur un avis précédemment rendu par l'Autorité de la concurrence en avril 2013 contestant déjà le système des tarifs réglementés du gaz tel qu'il existe actuellement. L'Autorité de la concurrence dressait notamment une comparaison avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, deux pays dans lesquels les tarifs régulés ont été entièrement abandonnés et où le gaz revient désormais bien moins cher qu'en France.

Vers la fin des tarifs réglementés ?

L'avis rendu par l'avocat général Mengozzi ne constitue qu'un préalable à la décision qui sera rendue par la CJUE sur le dossier, laquelle ne devrait pas intervenir avant plusieurs mois. La future décision de la CJUE a toutes les chances de suivre l'avis émis par l'avocat général, même si cela n'est pas systématique. Il arrive en effet, dans 5 à 10 % des cas, que la cour adopte une position contraire.

Les conséquences pour les tarifs réglementés à la française en cas de décision défavorable de la CJUE sont encore difficiles à évaluer. L'arrêt de la cour de justice européenne s'imposera au Conseil d'État qui aura l'obligation de rendre sa propre décision en se conformant à l'esprit fixé par la CJUE. Tout dépendra donc de la façon dont sera rédigé l'arrêt européen et de l'éventuelle marge d'appréciation qui sera laissée au Conseil d'État.