La réforme de la CSPE reportée à 2017

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Les inquiétudes ouvertement exprimées par certains professionnels du marché de l'énergie ont-elles fini par payer ? Toujours est-il que la réforme de la contribution au service public de l'électricité (CSPE), et notamment l'extension de l'assiette de la CSPE à la consommation de gaz naturel, est repoussée d'un an en 2017.

Les onze millions de foyers abonnés au gaz naturel s'offrent cependant ce répit de courte durée au détriment… des quelques vingt millions de véhicules diesel immatriculés en France. La fiscalité avantageuse du gazole, en effet va être progressivement rapprochée de celle du sans-plomb dans les années à venir.

Réforme de la CSPE : pas un abandon, mais un report…

Après un feuilleton qui a tenu en haleine tous les observateurs du marché de l'énergie au cours de l'été, le ministère de l'Énergie a finalement annoncé ce 16 octobre 2015 le report à 2017 de la réforme de la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Ce communiqué ne faisait en réalité que confirmer les propos tenus un jour plus tôt par le PDG d'EDF, Jean-Bernard Lévy.

Pour mémoire, le gouvernement envisageait initialement d'intégrer au projet de loi de finances pour 2016 une évolution profonde de cette taxe, prélevée pour l'instant sur les seules factures d'électricité. Deux pistes étaient évoquées, à savoir une extension de l'assiette de la CSPE limitée à la consommation de gaz naturel ou, au contraire, qui inclurait en plus la consommation d'hydrocarbures (essence et gazole). La première hypothèse semble conserver la faveur du gouvernement, mais ne devrait donc pas être envisagée avant la prochaine loi de finances pour 2017.

…suite aux nombreuses protestations des professionnels du gaz

Faut-il faire supporter un double poids aux consommateurs de gaz, qui paient aussi dans leur écrasante majorité une facture d'électricité ? Certains fournisseurs alternatifs de gaz, dont très récemment Eni Gas & Power France, mais aussi l'association française indépendante de l'électricité et du gaz (AFIEG) se sont alarmés des conséquences probables qu'aurait l'extension de la CSPE à la facture de gaz. Alors même que le marché du gaz continue à être marqué par des tarifs à la baisse qui pourraient profiter à tous les consommateurs, l'introduction de la CSPE pourrait entraîner quant à elle une augmentation subite de la facture à hauteur de 10 %.

Il s'agit donc d'un choix cornélien pour les autorités publiques, qui prendraient ainsi le risque d'augmenter la précarité énergétique vécue par de nombreuses familles ayant des difficultés à se chauffer. La crainte des conséquences néfastes sur le pouvoir d'achat des ménages n'est, sans doute, pas étrangère à la décision de reporter l'entrée en vigueur de la mesure.

En contrepartie : la fin des avantages fiscaux pour le gazole

A défaut d'obtenir des rentrées d'argent immédiates dans le cadre d'une évolution de la CSPE, le ministère de l'Énergie mise sur un « rééquilibrage » de la fiscalité applicable aux carburants, et notamment sur le rognage progressif des avantages consentis aux moteurs diesel. Au 1er janvier 2016, la taxation du gazole va en effet être augmentée d'un centime d'euro alors que le prix du sans-plomb, dans le même temps, sera quant à lui diminué d'un centime à la même date. La même opération sera renouvelée au début de l'année 2017, si bien que les tarifs applicables à la pompe pour le diesel et pour l'essence devraient progressivement se rapprocher.

L'opération est doublement gagnante pour le gouvernement : d'un point de vue écologique d'abord, puisqu'en remettant en cause l'incitation fiscale accordée aux véhicules roulant au diesel, les particuliers seront davantage incités à rouler de façon moins polluante, au sans-plomb ou même à l'électricité. Mais la réforme devrait aussi rapporter une somme importante à l'État : le « manque à gagner » sur la consommation des 12 millions de véhicules essence sera plus que compensé par les rentrées fiscales générées par les 20 millions de véhicules diesel.

La CSPE : un dossier sensible

D'un impact modeste à l'origine, la CSPE a fini par représenter une charge très importante pour les foyers consommateurs d'électricité. La contribution a notamment pour fonction de financer certains postes sensibles de la politique énergétique nationale, dont la péréquation des tarifs de l'énergie entre France métropolitaine et outre-mer, les tarifs sociaux de l'électricité ou encore le rachat de l'énergie produite par les particuliers. L'augmentation considérable de ces deux derniers postes, en particulier, a conduit la CSPE à gonfler de manière incontrôlée depuis une quinzaine d'années : son montant a sextuplé depuis 2002 jusqu'à atteindre 19,5 € par MWh en 2015.

La réforme de la CSPE s'avère donc urgente, non seulement pour les foyers guettés par la précarité énergétique mais aussi pour EDF. Le fournisseur historique, en effet, ne reçoit le produit de cette taxe qu'en fin d'année et doit donc régulièrement avancer les charges liées à sa mission de service public : un besoin de financement perpétuel et évalué à 700 millions d'euros par EDF.

Au-delà de la question de son assiette, le gouvernement envisage par ailleurs de procéder à la fiscalisation de la CSPE dès la loi de finances rectificative de 2016. Cela signifie notamment que le produit de cette taxe sera intégré au budget général de l'État. La fixation de son taux, par ailleurs, ne sera alors plus du ressort de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) mais bien de celui du Parlement : un complément de légitimité sans doute salutaire pour une « contribution » qui pèse toujours plus lourd dans le budget des ménages.