Pas d'augmentation des tarifs de l'électricité en août

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Derrière les habituelles arguties ministérielles se cachent en réalité des enjeux politiques très forts et la possibilité, à court terme, de revoir entièrement le mode de calcul des tarifs réglementés. Un nouveau casse-tête pour les abonnés aux TRV d'électricité de l'électricien national, lesquels sont d'ailleurs toujours plus nombreux à souscrire une offre électricité auprès de fournisseurs d'électricité alternatifs.

L'augmentation estivale des tarifs EDF n'aura pas lieu…

C'est un fait, régulièrement avancé par la CRE : les tarifs réglementés d'EDF sont trop bas, et ne permettent plus de couvrir les coûts de l'opérateur historique. Un plan de hausse progressive avait donc été inscrit dans un arrêté publié en juillet 2013, et prévoyait une première hausse de 5 % au 1er août 2013, suivie d'une nouvelle hausse identique en 2014 puis en 2015. Invitée sur le plateau de BFMTV et RMC le jeudi 19 juin 2014, la ministre de l'Écologie Ségolène Royal a annoncé de façon inattendue son intention d'effacer la hausse des tarifs de 5 % en 2014 afin de protéger le pouvoir d'achat des ménages. Soit une économie annuelle comprise entre 35 € et 50 € pour un foyer moyen.

…mais pourrait être compensée dès l'automne !

Visiblement pris de court par cette déclaration, les services de Matignon ont vite tenté de rassurer les marchés concernant la pérennité financière d'EDF, en précisant que la hausse n'aura pas lieu en août mais qu'elle sera probablement répercutée dès les factures du mois de septembre ou d'octobre. Seul point concédé à Ségolène Royal : la hausse en question sera sans doute « modérée », et en tout état de cause inférieure aux 5 % prévus. Les réactions des diverses institutions concernées par cette décision, par ailleurs, ne manquent pas d'ajouter du sel à l'ensemble, et créent un sentiment de joyeux désordre : si l'UFC-Que Choisir s'est précipitée pour saluer la décision de Ségolène Royal et presser la réforme des tarifs réglementés, les concurrents d'EDF regroupés au sein de l'ANODE (Direct Énergie, Eni, Lampiris) manifestent au contraire leur inquiétude face à une mesure qui conforte l'avantage concurrentiel de l'opérateur historique.

Des conséquences boursières immédiates

L'absence totale de visibilité sur les profits futurs d'EDF, à aussi court terme, s'est traduite par un petit vent de panique à la Bourse de Paris. Le cours de l'action d'EDF, au pire de la journée du 19 juin, a accusé une baisse de 10 %, soit une capitalisation en diminution soudaine de 4 milliards d'euros ! Un coup dur pour EDF, d'autant que les garanties données ensuite par Matignon n'ont ensuite permis qu'un rattrapage partiel de ces pertes (l'action clôturait à -7 % environ).

Une forte hausse prévisible dans les prochaines années

Si rien n'est fait pour modifier le mode de calcul des tarifs réglementés de l'électricité, la hausse n'est pas prête de s'arrêter. Rappelons que les tarifs réglementés d'EDF sont actuellement soumis à un raisonnement comptable, qui consiste à couvrir les coûts de l'opérateur. Ces derniers sont constitués :
  • pour un tiers, des coûts liés à la production de l'énergie (entretien des centrales, commercialisation, frais de personnel et de fonctionnement…)
  • pour un tiers, des coûts liés à l'acheminement de l'énergie (réseau électrique)
  • et pour un dernier tiers, des taxes et impôts divers supportés par EDF
Or les coûts fixes supportés par EDF, selon la CRE, connaissent actuellement une hausse importante liée notamment au vieillissement du parc des centrales nucléaires, à la nécessité de renouveler une partie du réseau électrique et à l'importance des investissements dans les énergies renouvelables. Sans compter bien sûr les errements d'EDF, récemment pointés par la Cour des Comptes, relatifs à une gestion maladroite et à des frais de personnel jugés exorbitants (salaires et avantages)…

Vers un nouveau mode de calcul plus protecteur

Le gouvernement, par la voix de la ministre de l'Écologie, estime de plus en plus urgent de réviser le mode de calcul des tarifs réglementés de l'électricité, au risque sinon que cette énergie devienne bientôt un luxe pour de nombreux foyers. Le « projet de loi de programmation pour un nouveau modèle énergétique français » prévoit ainsi, dans son article 46, une évolution subtile mais importante qui devrait prendre effet, au plus tard, le 31 décembre 2015. La détermination du tarif réglementé ne devrait alors plus se faire par la simple « addition des coûts » mais être réalisée « en fonction des coûts », ce qui implique un véritable pouvoir d'appréciation des autorités publiques. Concrètement, des sources ministérielles indiquent que le futur tarif restera fortement influencé par les coûts fixes d'EDF, tels que le prix d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH), mais pourrait aussi tenir compte, à hauteur de 20 %, du prix de l'électricité sur le marché ouvert. Cette évolution devrait permettre une modération des tarifs, et obliger EDF à réaliser des économies en interne sans les répercuter sur ses clients. La volonté de réforme du mode de calcul des tarifs réglementés de l'électricité est susceptible, à court terme, d'atténuer ou d'effacer complètement la hausse des factures, ce qui constitue une annonce réjouissante pour les quelques 80 % de foyers français abonnés aux TRV d'électricité d'EDF. Toutefois les coûts prévisibles pour maintenir un réseau vieillissant sont tels que les clients de l'opérateur historique seront nécessairement mis à contribution, tôt ou tard. Les tarifs moins chers pratiqués par les opérateurs alternatifs, tels que Direct Énergie ou Eni, pourraient donc gagner encore en compétitivité dans les années à venir, et convaincre un nombre sans cesse croissant d'abonnés de changer de fournisseur d'électricité.