Vers un bond des tarifs d'EDF au 1er août ?

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La révision des tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRV), dont EDF continue à détenir le monopole, a toujours été un sujet hautement politique et tend même à le devenir de plus en plus. Tiraillés entre la protection du pouvoir d'achat des Français, l'augmentation constante des coûts supportés par EDF et le respect d'une concurrence non faussée pour les fournisseurs alternatifs d'électricité, les pouvoirs publics vont à nouveau être confrontés à une décision difficile au 1er août 2015.

Un important retard à rattraper

Le rapport annuel de la CRE, relatif à l'évolution des tarifs réglementés de vente de l'électricité, a été publié le 15 juillet 2015 et risque de faire grincer les dents d'un bon nombre des quelques 90 % de foyers français encore abonnés à ces tarifs publics !

Le constat dressé par l'autorité de régulation est sévère : au cours des trois années écoulées, l'État français a volontairement sous-estimé l'augmentation de ces tarifs afin de préserver le pouvoir d'achat des ménages, allant systématiquement en-deçà de ses préconisations. L'épisode le plus marquant a eu lieu l'année dernière, lorsque la ministre Ségolène Royal a annulé d'autorité la hausse de 5 % prévue pour le 1er août 2014. En lieu et place, une hausse plus faible de 2,5 % était décidée au 1er novembre.

Cette ligne de conduite a eu plusieurs effets pervers : les tarifs réglementés de vente sont devenus insuffisants pour couvrir la réalité des coûts supportés par EDF en 2012, 2013 et 2014, ce qui a généré un manque à gagner pour l'opérateur historique estimé à 2 milliards d'euros sur cette période. De plus, le niveau artificiellement faible des tarifs réglementés de vente a entraîné une distorsion de concurrence pour tous les fournisseurs alternatifs, dont les offres en tarif libre ont comparativement perdu en attractivité. Regroupés au sein de l'association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE), ils ont d'ailleurs porté le litige le 30 octobre 2014 devant le Conseil d'État, qui continue à examiner le dossier à ce jour.

La CRE réclame une hausse de 3,5 à 8 % des tarifs bleus au 1er août 2015

La CRE insiste sur la nécessité de ramener les tarifs réglementés de vente à un niveau plus conforme et réaliste. Cependant, consciente que la hausse de 8 % nécessaire pour y parvenir en une seule année serait inabordable pour beaucoup de foyers, elle propose un étalement de l'augmentation sur deux ans. Cela permettrait de limiter la hausse des TRV attendue au 1er août 2015 à 3,5 %, mais celle-ci serait alors amenée à se répéter en août 2016.

L'autorité de régulation n'est pas la seule à réclamer une hausse significative des tarifs réglementés. C'est également depuis longtemps le cas de l'opérateur EDF lui-même. Plutôt que des hausses rares et spectaculaires, son PDG Jean-Bernard Lévy souhaiterait au contraire des revalorisations plus douces et régulières. L'augmentation des tarifs réglementés, enfin, reste bien sûr une revendication forte des fournisseurs alternatifs, qui ne manqueront pas d'observer à la loupe la décision prise par les autorités dans les jours à venir.

Les marchés boursiers, en tout cas, anticipent déjà la hausse des tarifs : le jour de la publication du rapport de la CRE, l'action EDF connaissait une valorisation instantanée de 2,04 %.

Une méthode de calcul récemment modifiée

La situation est d'autant plus complexe pour le gouvernement que la méthode de calcul des TRV d'électricité a déjà été modifiée récemment dans un sens plus favorable, ce qui exclut tout nouveau recours à cette option. L'ancienne obligation de « couverture comptable » des coûts supportés par EDF, prévue par le décret n°2009-975 du 12 août 2009, a en effet été abandonnée plus tôt que prévu (dès le 1er novembre 2014) au profit de la nouvelle méthode de calcul dite de « l'empilement ».

Les TRV, désormais, sont donc déterminés par l'empilement de différentes composantes telles que les coûts d'acheminement de l'énergie, le coût de l'accès régulé à l'électricité nucléaire (ARENH), le coût de commercialisation et surtout le coût d'approvisionnement, c'est-à-dire le prix de l'électricité sur le marché de gros. C'est cette dernière composante, en constante diminution, qui avait permis de modérer l'augmentation de novembre 2014, et qui continue d'ailleurs à jouer en faveur des consommateurs : selon la CRE, sans l'effet de rattrapage, l'évolution au 1er août 2015 aurait normalement été de – 1 % !

Tarifs jaunes et verts

Les tarifs réglementés jaunes et verts, appliqués par EDF aux entreprises, industries et autres institutions fortement consommatrices, doivent normalement arriver à extinction au 1er janvier 2016. Il est donc exclu, en ce qui les concerne, d'étaler le rattrapage sur plusieurs années. La CRE estime nécessaire une augmentation de 2,5 % en ce qui concerne le tarif jaune, et surtout une augmentation spectaculaire de 10,9 % pour les tarifs verts. Ces révisions tarifaires, si elles sont appliquées, ne manqueront pas de faire réagir les derniers clients concernés pour les faire basculer vers une offre à tarif libre.

« Je vais leur répondre non » affirme Ségolène Royal

Soumis à ces différentes pressions, le ministère de l'Énergie devrait logiquement consentir à une hausse importante. Il sera notamment difficile à l'État de priver EDF de nouvelles rentrées d'argent, alors même qu'il vient d'encourager l'opérateur à s'endetter pour reprendre une partie de l'activité du groupe Areva.

Pourtant, interrogée jeudi sur RMC et BFM TV, la ministre de l'écologie Ségolène Royal a fermement indiqué que « l'augmentation sera de 2,5 % au 1er août prochain, pour certains consommateurs ce sera zéro, et notamment pour toutes les consommations des artisans, des commerçants, des petites entreprises ».