L'ouverture de l'électricité à la concurrence patine

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Le processus, selon les sages de la rue Cambon, est loin d'être satisfaisant, ce qui n'est pas neutre pour les finances publiques : ement inquiété dans son statut de quasi monopole, EDF peut ainsi continuer à empiler des frais de fonctionnement et de personnel notoirement exorbitants, aux frais du contribuable… Quelles sont les pistes pour sortir de l'ornière ?

Électricité : un constat sévère et sans appel de la Cour des comptes

Près de huit ans après l'ouverture officielle du marché à la concurrence, la fourniture d'électricité tarde toujours autant à se libérer du monopole historique exercé par EDF. Les dernières statistiques, qui remontent à l'été 2014, indiquent que 93,3 % des 31 millions de sites raccordés à l'électricité (particuliers et PME) sont toujours abonnés aux tarifs réglementés de vente, fixés et mis à jour régulièrement par les autorités publiques. Par ailleurs, et sur les 6,7 % de consommateurs ayant opté pour une offre à tarif libre, une majorité se sont orientés vers GDF Suez, ce qui ne contribue pas à clarifier le nouveau rôle des anciens opérateurs publics !

Rappelons que la commercialisation de l'électricité auprès des particuliers a été libéralisée au 1er juillet 2007. Les foyers, depuis cette date, peuvent donc choisir de conserver leur abonnement au tarif réglementé mais peuvent aussi y renoncer pour un abonnement libre, auprès d'un fournisseur alternatif (Direct Energie, Poweo…) ou de l'opérateur historique EDF, qui propose lui aussi des offres en tarif libre.

La Cour des comptes pointe plusieurs problèmes, dont la confusion entretenue dans l'esprit des particuliers et de certains petits professionnels par l'entreprise EDF elle-même, mais aussi la complexité du dispositif légal, qui a empilé les cas particuliers et les dates butoirs. Le 31 décembre 2015, par exemple, verra la fin des tarifs réglementés jaunes et verts d'EDF, qui s'appliquent encore pour l'instant à près de 400 000 entreprises.

Ouverture du marché de l'électricité : la concurrence patine
Ouverture du marché de l'électricité : la concurrence patine

Avant la généralisation du compteur Linky…

Un point positif, selon le rapport annuel, doit toutefois être souligné et pourrait, à terme, améliorer l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité. Avec la généralisation progressive du compteur intelligent Linky dans tous les foyers français, la communication automatique des index de consommation permettra en effet aux fournisseurs alternatifs de proposer des offres d'abonnement beaucoup plus ciblées. Reste que ce nouvel appareil ne sera entièrement déployé qu'à l'horizon de l'année 2020, et que d'autres mesures, selon la Cour des comptes, doivent impérativement être menées à bien d'ici là.

…la Cour des comptes livre quelques pistes

La priorité dressée par le rapport annuel est celle d'une meilleure information de tous les foyers raccordés à l'électricité, afin que chaque consommateur soit conscient des possibilités qui s'offrent à lui et de la facilité d'effectuer la transition vers un fournisseur alternatif. Cela passe notamment par une plus grande transparence dans la « politique de communication des fournisseurs » : l'opérateur historique EDF, en effet, mise plus ou moins ouvertement sur l'ignorance d'un grand nombre de clients pour les maintenir dans les tarifs réglementés (tarifs Bleu d'EDF),  au moyen de publicités ou de brochures promotionnelles qui ne font pas suffisamment la distinction entre les deux modes de facturation.

Au-delà même de l'effort à fournir par les fournisseurs, la Cour des comptes estime qu'il appartient aussi aux entités publiques de mener une véritable « réflexion sur la stratégie de communication » en la matière. Il est donc possible, à moyen terme, que des spots publicitaires dédiés à la concurrence libre en matière d'électricité fleurissent aux heures de grande écoute à la radio ou à la télévision.

La Cour des comptes estime enfin que le monopole de fait exercé par EDF sur certains modes de production énergétique - centrales nucléaires bien sûr, mais aussi quelques énergies renouvelables comme l'hydroélectricité - nuit directement à la qualité de la concurrence sur le marché.

Une alliance de circonstance entre la Cour des comptes et la CRE

Tout comme la commission de régulation de l'énergie (CRE) l'avait fait au mois de janvier, la Cour des comptes pointe à son tour les liens trop rapprochés qui unissent le fournisseur EDF et sa filiale, le gestionnaire de réseau ERDF, lequel est censé pourtant respecter une stricte neutralité entre les différents fournisseurs. La confusion, pour le client final, est d'autant plus probable que les deux logos sont très proches l'un de l'autre : un point sur lequel le distributeur s'est déjà engagé à travailler auprès de la CRE.

La Cour des comptes, de son côté, veut aller plus loin que la simple question de l'image, en suggérant par exemple que le directoire d'ERDF gagne en autonomie et en pouvoir de décision par rapport à la maison-mère. Nul doute que cette alliance de circonstance entre les deux autorités administratives que sont la CRE et la Cour des comptes devrait contribuer à débloquer le dossier et à favoriser, enfin, l'expression d'une concurrence libre sur le marché de l'électricité.