La ministre Royal tiendra-t-elle les engagements de l’éco-citoyenne Ségolène ?

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L'adage est bien connu. La politique est faite tout autant d'actes que de symboles. Suite au refus des écologistes d'intégrer le gouvernement Valls, il fallait au président s'attacher les services d'un « poids-lourd politique » afin d'occuper le terrain de l'écologie. Ancienne candidate socialiste à la présidentielle de 2007 et figure de proue de la majorité, Ségolène Royal hérite non seulement d'un ministère aux compétences élargies – Écologie et Énergie – mais devient aussi par ce biais n°3 du gouvernement. Il est vrai que le parcours politique de la ministre plaidait en faveur de cette nomination

Du ministère de l'Environnement... à celui de l'Écologie

Déjà, en 1992/1993, Ségolène Royal avait assumé pareil maroquin ministériel. À la seule différence qu'à l'époque, l'on ne parlait pas encore d'écologie mais d'environnement. L'on retient de son action sous le gouvernement Bérégovoy quelques actes forts, notamment le vote d'une loi relative au traitement et au recyclage des déchets ainsi que celui d'une loi-cadre de lutte contre les nuisances sonores et visuelles. 

Au-delà de cette seule activité normative, Mme Royal s'est attachée à travailler aux problèmes liés à l'eau : création d'une direction de l'eau au sein du ministère, lancement des SDAGE, augmentation du budget des agences de l'eau et réforme de la police des eaux. Représentant la France au Sommet de la Terre de Rio en juin 1992, Ségolène Royal avait tenu à cette occasion un discours remarqué en faveur d'une sauvegarde mondiale de l'environnement.

Un bilan environnemental salué aux manettes de son « laboratoire régional » 

Par la suite présidente du Conseil Régional de Poitou-Charentes, Ségolène Royal a érigé l'excellence environnementale au rang des priorités de la collectivité. Les actions entreprises sont multiples et pour la plupart saluées : adoption d'un plan après-pétrole dès 2005, lancement d'un agenda de « croissance verte », promotion – médiatisée – de la voiture électrique Heuliez... Au-delà de ces seules prises de position, l'action environnementale de Mme Royal à la tête de l'exécutif régional s'éprouve au travers de résultats tangibles. À titre d'exemple, la région Poitou-Charentes disposait en 2011 de 70 % de logements sociaux neufs THPE, contre seulement 22 % au niveau national. 

« Pour Ségolène Royal, la social-écologie est l'engagement de toute une vie »

Interrogée par Greenpeace par le truchement d'un questionnaire en 2011, celle qui était alors candidate aux Primaires socialistes avait détaillé sans fard sa vision de l'écologie et de l'énergie. En préambule de la réponse de Mme Royal à l'ONG, son équipe de campagne entendait donner le ton. « La social-écologie est [pour elle] l'engagement de toute une vie ». D'où peut-être une vision particulièrement tranchée du devenir énergétique hexagonal.

Pour une sortie étalée dans le temps de l'énergie nucléaire 

À l'occasion des Primaires socialistes de 2011, Mme Royal n'avait pas fait mystère de ses intentions de ramener le nucléaire « à une énergie d'appoint ». Dans le détail, elle s'était prononcée en faveur d'un abandon de la filière à « échéance de 40 ans maximum », avec « réduction de la part du nucléaire à 50 % de la production d'électricité avant 20 ans ». Pour rappel, le gouvernement Ayrault a posé cette échéance à horizon 2025. Elle s'engageait par ailleurs à abandonner la construction des futurs réacteurs EPR de Flamanville et Penly, et de tout projet de stockage de déchets radioactifs en grande profondeur, comme à Bure.

Contre l'exploitation de gaz de schiste en l'état des savoirs industriels

La même année, Mme Royal expliquait être « favorable à l'interdiction » de l'extraction du gaz de schiste, « tant que la maîtrise de cette exploitation n'est pas garantie ». Toutefois, l'on notera une inflexion de sa part quant à la nécessité de « poursuivre la recherche sur […] les procédés d'extraction propres à long-terme ». 

Le paradoxe entourant son refus de la taxe carbone

Alors défendu en 2009 par le gouvernement Fillon, le projet de « taxe carbone » avait été vilipendé par Mme Royal, laquelle n'avait pas de mots assez durs pour critiquer un « impôt absurde, un impôt injuste, un impôt historiquement décalé dans le temps ». L'été dernier, Ségolène Royal avait à nouveau contesté la CCE défendue par le gouvernement, assimilant celle-ci à un « impôt supplémentaire » pénalisant notamment les ménages modestes et moyens. Paradoxe de l'histoire, cette contribution a définitivement été adoptée par le Parlement à l'automne. Nouvelle ministre de l'Énergie, Mme Royal devra donc faire preuve de « gymnastique intellectuelle » afin d'accompagner la mise en œuvre d'une taxe carbone qui n'a jamais reçu ses faveurs.

Contre une hausse de la fiscalité sur le diesel

De manière générale, Mme Royal entend privilégier des mesures incitatives car « l'écologie ne doit pas être [perçue par l'opinion comme] punitive ». En ce sens, il n'est pas surprenant que la nouvelle ministre se soit vigoureusement opposée à une majoration de la fiscalité applicable au diesel. « On a encouragé les Français pendant des années à acheter des voitures diesel, on ne va pas du jour au lendemain leur taper sur la tête avec un impôt supplémentaire », affirmait-elle en mars 2013.

En faveur de la mise en place de la circulation alternée

Dans l'objectif de lutter contre la pollution atmosphérique issue du transport au sein des grandes aires urbaines, Mme Royal affirmait également en 2011 privilégier la mise en place d'une circulation alternée, basée sur les plaques d'immatriculation, à la pose de péages urbains à l'entrée des grandes villes. Sur ce point – celui de la circulation alternée – soulignons que le gouvernement Ayrault a récemment donné raison à Mme Royal, adoptant pareille mesure à Paris il y a de cela quelques semaines.

Bercy donnera-t-il à Ségolène Royal les moyens de ses ambitions ?

À la lecture de son parcours politique, tout comme à celle de ses engagements, Mme Royal semble disposée à porter à-bras-le-corps le chantier ambitieux d'une transition énergétique du modèle français. Cependant, de l'aveu de beaucoup, le principal obstacle sur lequel la nouvelle ministre ne peut que buter se trouve à Bercy

En effet, non seulement Mme Royal aura à composer d'avec les courants contradictoires s'exprimant sur ces questions là au sein de la majorité – l'on se souvient des sorties à contre-courant de M. Montebourg, nouveau patron de l'Économie, sur l'exploitation de gaz de schiste ; mais elle aura également maille à partir avec les nécessaires efforts de contraction budgétaire et maîtrise de la dépense publique auxquels s'est livrée la France. 

Déjà, Delphine Batho, occupant le même fauteuil en début de quinquennat, avait été évincée du gouvernement suite à son refus, exprimé publiquement, de rabotage budgétaire arbitré par Bercy à ses dépens. Mme Batho avait alors questionné la sincérité de l'exécutif à mener à bien la transition écologique. Désormais placée en situation de responsabilité, la réussite – tout comme l'échec – de Ségolène Royal au gouvernement sera pour partie hautement tributaire de la volonté politique réelle que portent le président Hollande et son Premier ministre Valls à ces questions.