Vers la fin des tarifs réglementés de l'énergie ?

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La révision régulière des tarifs réglementés de l'énergie – deux fois par an pour l'électricité et une fois par mois pour le gaz – continue à intéresser de nombreux Français. Et pour cause ! Près de 90 % des consommateurs d'électricité et deux tiers des consommateurs de gaz restent abonnés à ces tarifs fixés par les pouvoirs publics, et commercialisés uniquement par EDF dans un cas et par Engie (ex-GDF Suez) dans l'autre.

Interrogée par le Conseil d'État, lequel avait été lui-même saisi par l'association regroupant les fournisseurs alternatifs d'énergie, la Cour de justice européenne (CJUE) vient de rendre mercredi 7 septembre 2016 un avis sans doute déterminant pour l'avenir des tarifs réglementés de vente. La juridiction admet en effet la nécessité de tarifs fixés par les pouvoirs publics, mais non sans rappeler une série de conditions qui peuvent laisser craindre leur disparition dans les années à venir…

Tarifs réglementés : la CJUE rend un avis très attendu

Depuis le 1er juillet 2007, les particuliers français ont la liberté d'abandonner les tarifs réglementés de vente (TRV) pour leur consommation de gaz ou d'électricité. Et ainsi d'opter en lieu et place pour une nouvelle « offre de marché » à tarif libre auprès de leur fournisseur historique ou de n'importe quel fournisseur alternatif implanté dans leur secteur (Eni, Direct Énergie, Lampiris…).

À l'inverse des consommateurs professionnels, pour lesquels les tarifs réglementés ont disparu au 1er janvier 2016, les particuliers ont encore le droit de conserver indéfiniment leurs contrats aux tarifs réglementés, et même d'y revenir si cela leur plaît. Il s'agit là du « principe de réversibilité », consacré par la loi NOME de 2010.

Aux yeux des fournisseurs alternatifs, cette situation apparaît comme une entrave à la concurrence puisque ces derniers n'ont pas le droit de commercialiser l'énergie au tarif réglementé. En 2013, leur association représentative – l'ANODE, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie – engageait un recours devant le Conseil d'État, en visant l'illégalité du décret de 2009 qui définissait la méthode de calcul du tarif réglementé du gaz. Le Conseil d'État, à son tour, s'est tourné vers la Cour de justice européenne, laquelle a rendu son avis ce 7 septembre 2016.

Que dit exactement la CJUE ?

Les tarifs réglementés de l'énergie sont-ils bien conformes au droit de la concurrence européen ? La cour choisit de « couper la poire en deux » et apporte une réponse nuancée, allant d'ailleurs dans le sens de l'avis récemment rendu par son avocat général sur le même sujet. Oui, l'existence de tarifs fixés par les pouvoirs publics peut se concevoir sur le marché européen de l'énergie, mais uniquement si cette entorse à la concurrence présente les caractéristiques suivantes :

  • Les tarifs réglementés doivent poursuivre un « intérêt économique général », comme par exemple la cohésion territoriale du pays – apporter l'énergie même dans les zones reculées et non rentables – ou encore la sécurité de l'approvisionnement.
  • Ils doivent être soumis à des obligations précises de service public.
  • L'existence des tarifs réglementés, enfin, doit respecter un principe général de proportionnalité. Ces tarifs, tout simplement, ne doivent pas causer une atteinte disproportionnée à la concurrence sur le marché par rapport aux buts poursuivis.

La Cour européenne ne se prononce donc pas sur le caractère légal ou illégal des tarifs réglementés à la française. Elle fournit simplement au Conseil d'État les clés qui lui permettront de rendre une décision éclairée.

Une décision à la portée encore incertaine

L'avis rendu par la CJUE apparaît assez défavorable au système des tarifs réglementés français, dont l'importance peut justement sembler disproportionnée au regard des objectifs poursuivis. Comme la cour l'indique elle-même dans un communiqué, il existe un doute sérieux « que l'objectif de la cohésion territoriale » exige « l'imposition de tarifs réglementés sur tout le territoire national ». Ces tarifs publics, autrement dit, pourraient ne subsister que dans les zones mal ou tout simplement pas desservies par les fournisseurs alternatifs, comme par exemple en outre-mer.

Autre problème : il apparaît difficilement justifiable aux yeux de la cour que les fournisseurs historiques demeurent les seuls autorisés à vendre l'énergie au tarif réglementé

La décision finale du Conseil d'État est donc attendue avec impatience par l'ensemble des fournisseurs. La haute juridiction administrative devrait bientôt fixer la date de l'audience publique au cours de laquelle l'arrêt sera rendu. En cas de victoire, l'ANODE envisage d'ores et déjà un nouveau recours, cette fois pour les tarifs réglementés de l'électricité !