Méfiez-vous des clauses abusives des contrats d'énergie !

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La Commission des clauses abusives (CCA), un organisme public rattaché au secrétariat d'État à la Consommation, souligne de nombreuses pratiques déviantes dans sa dernière recommandation n° 2014-01, adoptée discrètement le 16 octobre 2014 et dont s'emparent enfin les médias.

Des cas de force majeure appréciés avec un peu trop de largesse, des modes de paiement des founsseurs d'énergie imposés à leurs clients, des frais de déplacement injustifiés... Autant de petites égratignures qui introduisent un « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

Plus de trente clauses jugées abusives

Parmi les 31 clauses retenues par la Commission des clauses abusives, certaines retiennent particulièrement l'attention et pourront évoquer bien des souvenirs désagréables aux clients des fournisseurs d'énergie.

Conseil tarifaire et auto-relève

La CCA rappelle que le « conseil tarifaire » fait partie intégrante des obligations des fournisseurs, lesquels doivent orienter chaque client vers l'abonnement ou la puissance de compteur les plus adaptés à ses besoins. Or de trop nombreux professionnels limitent cette obligation de conseil à la période antérieure à la signature du contrat. Au-delà, des clauses abusives indiquent souvent que c'est au consommateur de s'assurer que le tarif souscrit continue à lui convenir.

Plus étonnant encore, plusieurs contrats étudiés ne prévoient aucunement la possibilité d'une auto-relève de son compteur électrique ou de gaz par le client, alors qu'il s'agit désormais d'une obligation légale établie par l'article L121-91 du Code de la consommation.

Dans le même ordre d'idée, et en cas de dysfonctionnement momentané du compteur, il n'est pas rare que le fournisseur impose arbitrairement une reconstitution de la consommation du client à partir de son historique ou même, à défaut, de celui d'un point de comptage comparable. Un tel procédé unilatéral peut se révéler préjudiciable pour le client.

Modalités de paiement et facturation

Les fournisseurs d'énergie ont parfois la main un peu lourde pour inciter les clients à choisir le prélèvement automatique. Certains contrats vont même jusqu'à l'imposer comme mode de paiement unique, en totale contradiction avec l'article 13 de l'arrêté du 18 avril 2012. D'autres sont plus subtils, et imposent par exemple des frais sur les paiements par chèque ou TIP, ou se contentent d'interdire le paiement en espèces : deux exigences totalement abusives là aussi.

Les clauses imposant d'office une facturation par voie électronique sont illégales : la règle par défaut est en effet celle de la facture papier, la suppression de cette dernière nécessitant l'acceptation expresse du client (article 2 de l'arrêté du 18 avril 2012). Par ailleurs, l'envoi d'une facture par courrier postal ne doit pas entraîner des frais supplémentaires : la CCA cite ainsi l'exemple d'un contrat prévoyant un surcoût de 0,80 € par courrier envoyé !

Paiement de frais et pénalités

La CCA estime que le délai de paiement des factures d'énergie doit être apprécié à compter du jour de réception du courrier, et non celui du jour de son envoi, ce qui pourrait éviter dans de nombreux cas un paiement en retard et l'application de pénalités. Ce point, toutefois, fait l'objet d'une contestation des fournisseurs.

Par ailleurs, un fournisseur ne saurait réclamer des frais de retard si lui-même n'est pas astreint à des pénalités lorsqu'il tarde, par exemple, à rembourser un trop-perçu. La commission rappelle d'ailleurs la règle en vigueur concernant ces trop-perçus (article 14 de l'arrêté du 18 avril 2012), à savoir un délai de remboursement de deux semaines à compter de l'émission de la facture lorsque le montant perçu en excès est supérieur à 25 € (et non pas 30 ou 50 €, comme on le voit parfois).

Force majeure et responsabilité du fournisseur

La plupart des contrats de fourniture d'énergie réservent au fournisseur le droit de se libérer temporairement de ses obligations et du paiement de toute pénalité s'il est confronté à un cas de force majeure (tempête, attentat…). Le problème vient du fait que la force majeure y fait l'objet d'une définition plus permissive que celle retenue devant les tribunaux, évoquant par exemple des « efforts raisonnables » à mettre en œuvre par le fournisseur là où ce dernier devrait, en réalité, déployer tous les moyens possibles et imaginables pour rétablir la fourniture du service le plus vite possible.

À l'inverse, de nombreux contrats facturent d'office des pénalités en cas de déplacement vain d'un technicien du fait de l'absence du client, notamment dans le cas où ce dernier n'aurait pas prévenu 48 heures à l'avance… Sans lui laisser la possibilité d'invoquer lui-même un cas de force majeure.

D'autres clauses tendent aussi à réduire ou même supprimer le droit à réparation du préjudice subi par un client, en minimisant la responsabilité du fournisseur. Notamment lorsque le contrat exige du client de prendre toutes les précautions nécessaires pour se prémunir des conséquences dommageables liées à une interruption du service, ou encore lorsqu'une clause définit un plafond maximal pour ces réparations. Autant d'éléments en contradiction directe avec l'article R132-1 6° du Code de la consommation.

Attaqués sur leurs pratiques, les fournisseurs se défendent

La saisine imminente de la DGCCRF…

Bien que le document publié par la Commission des clauses abusives n'ait que la valeur d'une simple « recommandation », l'agence publique entend bien assister à la disparition ou à la modification rapide des clauses les plus problématiques. Son souhait a été relayé par la secrétaire d'État chargée de la Consommation, Carole Delga : cette dernière a annoncé, ce samedi 7 février 2015, saisir la Direction générale de la concurrence, de la consommation et répression des fraudes (DGCCRF) pour contrôler la « bonne mise en œuvre » des différentes recommandations émises par la CCA. Voire même, à défaut, d'engager des actions au contentieux !

…se rajoute à une procédure déjà initiée par UFC-Que Choisir

La question des clauses abusives dans les contrats de fourniture de gaz naturel ou d'électricité n'est pas entièrement nouvelle. Il convient de rappeler que l'association de consommateurs UFC-Que Choisir, déjà au mois de février 2013, s'était emparée du dossier en assignant devant les tribunaux plusieurs professionnels, dont les opérateurs historiques EDF et GDF Suez ainsi que plusieurs fournisseurs alternatifs tels que Direct Energie et Eni.

Cette procédure reste, à ce jour, toujours en cours et il est difficile d'évaluer ses conséquences.

Les fournisseurs annoncent se mettre en règle… ou l'être déjà !

Les fournisseurs d'énergie n'ont pas tardé à réagir aux critiques de la CCA, le plus souvent pour préciser que de meilleures pratiques sont en cours d'adoption ou même déjà adoptées. EDF indique ainsi que de nombreuses remarques de la commission sont caduques depuis l'entrée en vigueur de ses nouvelles conditions générales de vente au 1er février 2014, sans plus de précision. GDF Suez, de son côté, précise n'être concerné que par trois points au maximum, et avoir déjà corrigé l'un d'entre eux (la clause relative au conseil tarifaire, depuis juillet 2014).

Les fournisseurs contestent en revanche la recommandation relative à l'appréciation du délai de paiement de la facture à compter de la date de réception par le client, jugée contraire à un décret en vigueur. GDF Suez, de même, estime que sa définition de la force majeure ne pose pas de problème de droit.

Nul doute que les échanges d'arguments n'en sont qu'à leurs débuts !