Controverse autour du futur chèque énergie

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Zoom sur le nouveau dispositif du chèque énergie

Le fameux projet de loi relatif à la « transition énergétique pour la croissance verte », qui avait été présenté en Conseil des ministres le 30 juillet 2014, va maintenant entamer son parcours parlementaire puisque l'examen du texte commence ce mercredi 24 septembre à l'Assemblée nationale.

Parmi les dispositions attendues figure la création d'un « chèque énergie », destiné à aider le règlement de la facture de chauffage pour les plus démunis.

Pour autant, la commission spéciale parlementaire chargée de préparer le terrain à l'examen du projet de loi a pu mettre en lumière de nombreuses dissensions. Au point que les contours exacts du chèque énergie, et son articulation avec les tarifs sociaux existants, sont de plus en plus incertains !

Le chèque énergie : pour qui et pour quoi ?

La notion de chèque énergie est dans l'air du temps depuis au moins deux ans, mais se serait concrétisée subitement avec la rédaction, en avril dernier, d'un rapport confidentiel et conjoint des ministères de l'Écologie, de l'Économie et des Affaires sociales, qui soulignait les insuffisances des tarifs sociaux actuels et préconisait leur remplacement par ce nouveau dispositif.

Concrètement, et sous réserve de modifications ultérieures, le chèque énergie se présente comme un soutien financier accordé par l'État aux ménages les plus modestes pour acheter leur énergie de chauffage. Le « chèque » pourrait être versé directement aux fournisseurs d'énergie, lesquels présenteraient alors une facture finale amoindrie au bénéficiaire.

Trois montants annuels sont pour l'instant prévus, en fonction du degré de précarité énergétique du foyer et de sa composition : 50 €, 100 € et 150 €. Soit un coût pour les finances publiques estimé à 500 millions d'euros. Par ailleurs le chèque, selon les motifs du projet de loi, pourrait aussi s'appliquer à des travaux d'amélioration de l'efficacité énergétique du logement.

Le chèque énergie, quelle que soit sa forme finale, sera soumis exclusivement à des conditions de ressources : il devrait être réservé aux foyers dont le revenu mensuel ne dépasse pas 615 €. Une simplification significative par rapport aux règles applicables pour les tarifs sociaux.

Barème financier prévisionnel d'éligibilité au dispositif du chèque énergie

Revenu mensuel net Montant du chèque énergie Nombre de bénéficiaires
Inférieur à 481 € 150 € 2 800 000
Compris entre 481 € et 552 € 100 € 600 000
Compris entre 552 € et 615 € 50 € 600 000

Quelles différences avec les tarifs sociaux ?

Alors même que les tarifs sociaux de l'électricité et du gaz, dits de « première nécessité » - respectivement TPN et TSS - ont été élargis en novembre 2013 à une assiette théorique de 4 millions de foyers, seuls 1,6 million en bénéficieraient effectivement à l'heure actuelle. Le Médiateur de l'énergie, Jean Gaubert, récemment entendu par la commission spéciale parlementaire, attribue cette anomalie aux imperfections du dispositif.

En effet, et même si les bénéficiaires des tarifs sociaux n'ont aucune démarche à entreprendre, la complexité des conditions d'attribution n'aide pas les services compétents à s'y retrouver. Sachant que chaque abonné au tarif social doit, à la fois, relever de la CMU-C pour sa protection sociale et justifier d'un revenu fiscal de référence inférieur à 2 175 € par part, son application nécessite le croisement de fichiers informatiques des services fiscaux, de la Sécurité sociale et d'EDF et GDF Suez.

Par ailleurs, seuls les foyers se chauffant au gaz ou à l'électricité sont éligibles. Le chèque énergie, à l'inverse, présente l'énorme avantage de pouvoir s'adapter à tous les autres moyens de chauffage (fioul, bois, charbon…).

Des divergences quant aux modalités de mise en œuvre

A contrario des hypothèses gouvernementales, qui tablent sur trois montants de chèque répartis de 50 à 150 € pour un coût de 500 millions d'euros, d'autres intervenants au débat, comme l'ADEME et le Médiateur de l'énergie, souhaiteraient un dispositif plus ambitieux, allant jusqu'à 250 € et financé à hauteur d'un milliard d'euros. Ce qui ne serait pas sans poser de lourds problèmes de financement : le rapport du mois d'avril préconisait de puiser dans les recettes de la nouvelle contribution climat énergie.

Sauf que la fameuse « taxe carbone » est destinée en priorité à financer le dispositif du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), jugé essentiel par le gouvernement pour relancer l'activité économique. Par ailleurs le gouvernement semble peu désireux de s'orienter vers un chèque trop généreux, de peur d'être accusé d'encourager l'assistanat.

Surtout, l'articulation entre le chèque énergie et les tarifs sociaux ne semble pas encore tranchée. Le projet de loi, certes, prévoit officiellement un remplacement total de l'un par l'autre, mais des difficultés persistent.

EDF et GDF Suez, qui craignent un nouveau dispositif unique et dont le coût élevé se répercuterait sur leur clientèle, plaident pour un « petit » chèque énergie en cohabitation avec les tarifs sociaux existants, lesquels, selon le P-DG de GDF Suez Gérard Mestrallet, ne fonctionneraient d'ailleurs pas si mal que ça. Affaire à suivre, donc !