Quand la banque paie un particulier pour rembourser son prêt

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Souscrire un crédit sans intérêts constitue le rêve de tout emprunteur et peut déjà s'expérimenter via des dispositifs spécifiques comme le prêt à taux zéro. Les crédits à taux d'intérêt négatif relevaient en revanche jusqu'à aujourd'hui de la pure science-fiction. Être payé par la banque pour emprunter ?

Le phénomène est désormais une réalité pour une poignée de clients au Danemark et en Belgique, qui ont observé ces derniers mois la chute continuelle du taux variable de leur crédit immobilier jusqu'à passer sous la barre de 0 %. Cet invraisemblable scénario est rendu possible par une politique monétaire exceptionnellement accommodante. Malheureusement, sauf surprise, il ne devrait pas se reproduire en France.

Des crédits immobiliers à taux négatif en Belgique et au Danemark

Dès 2015, environ 750 clients de la banque danoise Realkredit avaient eu une agréable surprise en observant l'évolution des mensualités de leur crédit immobilier à taux variable. Grâce à un taux d'intérêt devenu négatif, ils devaient désormais rembourser moins que le capital emprunté. Ce phénomène est en passe de se reproduire cette année chez certains clients belges des banques BNP Fortis et ING. Là aussi, certains crédits à taux variable souscrits avant 2012 commencent à s'affoler et à afficher des taux négatifs, conduisant la banque à rembourser elle-même une partie du capital emprunté par ses clients.

Le principe du taux d'intérêt négatif peut être assez difficile à cerner. Concrètement, un emprunteur bénéficiant d'un crédit immobilier à taux négatif ne paie plus d'intérêts et bénéficie d'une ristourne sur le remboursement dû sur le capital emprunté. Si, par exemple, un particulier doit rembourser 600 € au titre du principal pour un mois donné, et que son taux variable négatif lui rapporte 30 €, il n'aura plus que 570 € à payer à sa banque.

En cause : la faiblesse des taux Euribor

La plupart des crédits révisables font varier leur taux d'intérêt en fonction de l'évolution de l' « Euribor », taux auquel les banques peuvent elles-mêmes se financer auprès de la banque centrale. Or, l'Euribor à trois mois n'avait jamais atteint des niveaux aussi bas. Il est entré pour la première fois en territoire négatif au mois d'avril 2015, en affichant - 0,001 %. Depuis, le mouvement a progressé et l'Euribor à trois mois atteint désormais - 0,25 %. La banque centrale européenne envisagerait par ailleurs d'amplifier sa politique monétaire très accommodante à compter du mois de juin, avec la possibilité pour les banques d'emprunter sur trois ou quatre ans à un taux de - 0,4 % !

Les banques qui ont accordé des crédits immobiliers à des taux devenus négatifs ne perdent donc pas nécessairement de l'argent. Elles bénéficient elles-mêmes de conditions de financement très souples auprès de la banque centrale. Les banques peuvent donc se permettre ces largesses auprès de leurs propres clients.

Un scénario peu vraisemblable en France

La France bénéficie elle aussi des conditions exceptionnelles qui régissent actuellement le marché du crédit. Les nouveaux prêts immobiliers atteignent chaque mois de nouveaux planchers historiques. Selon le baromètre Crédit Logement/CSA, le taux d'intérêt moyen toutes durées d'emprunt confondues d'un crédit immobilier n'était plus que de 1,97 % au mois de mars 2016.

Un scénario à la belge ou à la danoise impliquant des taux négatifs est cependant quasiment impossible. Le phénomène est en effet lié au mécanisme du crédit à taux variable, lequel demeure une rareté en France où les crédits à taux fixe règnent sans partage. Le taux variable ne représente que 0,4 % de la production totale du crédit immobilier dans Hexagone en mars 2016. Avec la chute des taux d'intérêt, les ménages français peuvent prétendre à des taux fixes dont ils auraient seulement pu rêver quelques années plus tôt, ce qui est loin de les inciter à choisir un taux variable… De plus, par crainte de taux négatifs, les banques françaises font tout pour dissuader les emprunteurs de choisir un taux variable. Elles vont même jusqu'à augmenter artificiellement leur grille tarifaire en la matière ou à la supprimer complètement, à l'instar de la Société Générale.

De même, les anciens crédits variables en cours de remboursement ne pourront pas devenir négatifs puisque leur fourchette de variation est typiquement « capée » à la hausse et à la baisse (de + ou – 1 % pour les plus récents à + ou – 3 %). Une vieille disposition du Code civil interdit par ailleurs purement et simplement de percevoir une rémunération pour un crédit octroyé…