La vente de médicaments sur Internet enfin autorisée

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Rappel des faits

Il était urgent d'agir. D'une part pour répondre à la polémique suscitée en novembre 2012 par l'ouverture médiatisée de plusieurs sites de pharmacies en ligne et donner un cadre légal à cette activité. D'autre part pour transposer la directive européenne n° 2011/62/UE du 08 juin 2012 élaborée dans le but de garantir un niveau de protection optimum en matière de santé publique par la lutte contre les médicaments falsifiés et la vente illégale de remèdes en ligne.

Cette directive qui devait être transposée dans notre droit national au plus tard le 2 janvier 2013 a contraint le Ministère de la Santé, pour ne pas être en infraction avec le droit européen, à prendre en urgence, fin 2012, l'ordonnance d'application dudit texte européen dans la loi française.

La vente des médicaments sur Internet est donc désormais possible en France depuis le 31 décembre 2012. L'ordonnance n°2012-1427 prise le 19 décembre 2012 et passée presque inaperçue, a fait suite à l'impératif calendaire imposé par les instances européennes. Rédigé in-extremis, le texte élaboré sans la concertation des pharmaciens et industriels comporte des oublis, des questions restées sans réponse et des dispositions non évoquées relatives à l'automédication... En résumé, il s'agit d'un texte restrictif qui semble ne faire l'unanimité auprès de personne.

 

Retombées pour les pharmaciens

Cette ordonnance complétée par le décret n°2012-1562 du 31 décembre 2012 paru au JO du 1e janvier 2013, autorise désormais la vente de médicaments non soumis à ordonnance, sur un site tenu par un pharmacien titulaire d'une officine, gérant d'une pharmacie mutualiste ou de secours minière, régulièrement autorisée en France. Le site devra être adossé à la pharmacie exploitée par son responsable.

Le texte stipule que le pharmacien sera responsable du contenu de son site Internet et des conditions de délivrance des médicaments dans le cadre du commerce électronique. La France s'aligne ainsi sur ses voisins européens qui autorisent depuis quelques années la vente en ligne des médicaments.

Dorénavant le nouveau code de la Santé Publique en son article L 5125-33 définit la notion de commerce électronique comme étant "l'activité économique par laquelle le pharmacien propose ou assure à distance et par voie électronique la vente au détail et la dispensation au public des médicaments à usage humain [...] à partir du site internet d'une officine de pharmacie".

Médicaments concernés par la vente en ligne

Seuls sont concernés les médicaments dits de médication officinale, en accès libre dans les pharmacies. Au total cela représente près de 455 produits soit environ 4 % des médicaments autorisés en France. A l'inverse, les médicaments soumis à ordonnance et ceux devant être obligatoirement placés derrière le comptoir de la pharmacie sont exclus de ce dispositif (même s'ils ne sont pas soumis à prescription médicale).

Cette autorisation concerne donc des médicaments d'automédication pour traiter les troubles de la sphère ORL, la fatigue, la douleur, les rhumatismes, les problèmes gastro-intestinaux, le sevrage au tabac... Elle comprend notamment les :

  • antalgiques (aspirine et paracétamol)
  • anti-inflammatoires (Ibuprofène)
  • expectorants (Carbocistéine)
  • anti-acides (Hydroxyde de magnésium)
  • antiseptiques (Chlorhexidine)
  • produits anti-tabac (Nicotine)

L'Agence Nationale de Sécurité des Médicaments a rédigé une liste de ces remèdes disponible sur son site internet ou sur Meddispar.fr. A titre d'exemple, le Doliprane en comprimés 500mg, le Nurofen 400 mg en capsule molle ou encore les pastilles pour la gorge Drill pourront être vendus en ligne.

La situation de la France au regard de l'Europe

On constate que le texte français est largement plus restrictif que la directive européenne qui autorise la vente en ligne à tous les médicaments sans prescription, même à ceux placés derrière le comptoir non soumis à ordonnance. En France, pour profiter de cette ordonnance, les industriels vont devoir étendre la liste des médicaments en accès direct comme ils ont pu le faire en 2008 avec l'anti-inflammatoire Nurofen.

Les pharmaciens se réserveront néanmoins le droit de ne pas mettre en ligne les médicaments qu'ils jugeraient inadaptés à ce e-commerce.

Toute création de site doit faire l'objet d'une autorisation émise par l'Agence Régionale de Santé (ARS) dont dépend le demandeur et doit être déclarée à l'Ordre National des Pharmaciens, organisme chargé d'établir une liste consultable de sites internet d'officines autorisées.

Pour l'instant aucun site n'est autorisé à faire commerce de médicaments en France. Les pharmaciens intéressés devront attendre la parution d'un arrêté chargé de définir les modalités de ce commerce. Ils devront déposer leur candidature d'ici le 1er mars auprès de leur Agence Régionale de Santé qui leur répondra sous 2 mois. Les premiers sites pourraient donc voir le jour au printemps.

Et l'intérêt du patient dans tout cela ?

Acheter en ligne permettra au patient de comparer tranquillement les prix et de faire jouer la concurrence pour les médicaments non soumis à prescription médicale. Les prix seront inférieurs à ceux affichés en officine mais il faudra y rajouter les frais de port et le délai de livraison à domicile.

Pour s'y retrouver, les consommateurs pourront vérifier que le site sur lequel ils naviguent a reçu une autorisation officielle en consultant la liste mise en ligne et actualisée régulièrement par l'Ordre National des Pharmaciens. Un moyen d'éviter de passer des commandes sur des sites douteux...

Vers un changement de modèle économique ?

La liste restreinte de produits commercialisables en ligne laisse les laboratoires pharmaceutiques dubitatifs sur les retombées favorables et l'explosion du marché par suite de ces nouvelles mesures.

En effet, le patient pourra difficilement prévoir son prochain rhume et encore moins attendre 48 heures sa commande de Doliprane. Cette ordonnance ne pourra donc fonctionner que dans le cadre de pathologies récurrentes mais ne sera visiblement pas adaptée aux situations d'urgence.

L'objectif de la directive européenne visait une harmonisation pour tous les états membres et l'instauration d'un cadre plus simple. Si bon nombre d'entre-eux ont joué le jeu à l'instar de la Belgique ou de l'Allemagne, il semble regrettable que la France ait, dans l'urgence, transposé le texte de manière plutôt restrictive avec des dispositions à la limite complètement contraires.

Un collectif dénommé “Pigeons pharmaciens” a récemment adressé une lettre aux députés pour les prévenir des prochaines fermetures d'officines...