Vers un taux unique de remboursement des médicaments ?

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Avec trois taux de remboursement différents, sans compter le régime applicable aux affections de longue durée, le mécanisme de remboursement des médicaments par la Sécurité sociale ne brille ni par sa simplicité ni par sa cohérence.

Tel est du moins le constat du rapport remis ce 8 septembre 2015 à la ministre de la Santé Marisol Touraine. Dominique Polton, présidente du groupe de travail sur l'évaluation des produits de santé et conseillère auprès du directeur de la Caisse nationale d'assurance-maladie, décrit un certain nombre d'hypothèses plutôt audacieuses et réformatrices pour l'avenir du système de soins à la française.

La situation actuelle : complexe et pas toujours cohérente

Le niveau de remboursement de chacun des médicaments recensés dans la liste officielle des spécialités pharmaceutiques remboursables dépend avant tout de leur efficacité thérapeutique, également appelée « service médical rendu » (SMR). C'est à la Haute Autorité de Santé (HAS) qu'il revient d'étudier et de fixer le service médical rendu par un médicament, voire éventuellement de le réévaluer si une nouvelle préparation plus efficace et moins chère arrive sur le marché.

Les médicaments - génériques ou non - ou préparations magistrales dont le SMR est jugé « majeur ou important » sont actuellement remboursés à 65 %. Ceux dont le SMR est « modéré » ne sont remboursés au patient qu'à hauteur de 30 % du prix affiché. Les médicaments à SMR « faible », enfin, sont remboursés à 15 % seulement.

Le rapport Polton pointe non seulement la complexité et le caractère relativement arbitraire de cette classification, mais aussi l'injustice liée au régime spécifique des affections de longue durée (ALD). Les patients reconnus atteints d'une ALD, comme le diabète, bénéficient systématiquement du remboursement à 100 % des médicaments en rapport avec l'affection dont ils souffrent... mais aussi parfois de médicaments n'ayant qu'un rapport lointain ou même inexistant avec celle-ci ! Une générosité excessive dont pourrait fort bien se passer la Sécurité sociale, qui va enregistrer en 2015 un nouveau déficit spectaculaire estimé à 13 milliards d'euros.

Clarifier et simplifier les critères de remboursement

Le rapport de Dominique Polton devrait proposer cinq scénarios différents visant à réformer le remboursement des médicaments par l'assurance-maladie. Dans les cinq cas, une mesure revient systématiquement : celle de la clarification et de la simplification des critères d'admission au remboursement.

En l'état actuel, deux mécanismes complémentaires coexistent :

  • L'évaluation du service médical rendu, comme indiqué ci-dessus, sert à fixer le taux de remboursement du médicament.
  • La fixation du prix du même médicament, en revanche, est négociée avec les laboratoires et s'apprécie notamment en fonction de l' « amélioration du service médical rendu » (ASMR), c'est-à-dire du progrès thérapeutique représenté par le nouveau médicament.

L'idée du rapport Polton consisterait à rapprocher les deux mécanismes pour aboutir à une procédure plus rapide et simplifiée.

Appliquer un taux unique de remboursement…

C'est la principale proposition choc du rapport Polton : afin de rendre le système plus lisible pour l'ensemble des assurés, la possibilité d'un nouveau taux unique de remboursement des médicaments est envisagée. Ce scénario aurait notamment l'avantage de rapprocher la France des mécanismes plus universels qui existent déjà dans un grand nombre de pays européens.

Le principal point d'achoppement est bien sûr le montant de ce nouveau taux unique : un détail que le rapport, apparemment, se garde bien d'aborder. Selon toute vraisemblance, les médicaments précédemment remboursés à 65 % pourraient subir une décote de leur remboursement. Les médicaments remboursés à 15 %, quant à eux, feraient face soit à une amélioration du niveau de remboursement, soit à une sortie pure et simple de la liste des spécialités pharmaceutiques remboursées par la Sécurité sociale.

…ou au moins supprimer le taux de 15 %

Alors même que la Sécurité sociale continue à enregistrer des déficits records pour sa branche maladie, est-il encore justifié de rembourser à 15 % des médicaments dont le service médical rendu est jugé « faible » par la Haute Autorité de Santé elle-même ?

Est-il réaliste de les rembourser intégralement pour tous les patients souffrant d'une affection de longue durée ? À défaut de s'orienter vers un taux unique, le rapport Polton préconise a minima de supprimer le seul taux de 15 %.

Remboursements dérogatoires, forfaits… Des pistes pour faciliter la transition

Au risque de rendre nettement plus complexe une réforme pourtant présentée comme une exigence de simplification, le rapport devrait lancer plusieurs pistes et proposer différentes mesures susceptibles d'atténuer le choc lié à l'application d'un taux de remboursement unique.

Si le service médical rendu par un médicament est faible mais que ce dernier représente pour l'instant l'unique solution thérapeutique pour soigner une pathologie, l'idée consisterait par exemple à mettre en place un « remboursement dérogatoire temporaire », dans l'attente de la mise au point d'une préparation plus efficace. Il ne s'agit pas, en effet, d'exclure du champ des soins certaines maladies encore mal prises en compte.

Dans la même logique, certaines catégories de patients (vraisemblablement les ALD) pourraient continuer à bénéficier d'un « forfait » de remboursement sur des médicaments pourtant sortis de la liste des spécialités remboursées. Ce mécanisme, qui serait destiné à limiter l'impact financier d'un taux unique pour ces patients, devrait toutefois être soumis à un contrôle très strict s'il était mis en place.

Marisol Touraine n'est pas convaincue

D'après ses premières déclarations, la ministre de la Santé ne semble pas séduite par les propositions émises dans ce premier rapport. Une réforme visant à instaurer un taux unique de remboursement serait pour l'instant exclue, tout comme la suppression du taux à 15 %.

Marisol Touraine jugerait plus sage de poursuivre les travaux en cours à propos de l'utilité médicale de certains remèdes. Elle privilégierait donc plutôt la piste du déremboursement au cas par cas et d'une modernisation du système d'évaluation de l'efficacité des médicaments.